Télétravail transfrontalier en Europe

Télétravailler depuis votre État de résidence, alors que vous exercez une partie de votre activité professionnelle dans les locaux de votre employeur établi dans un autre État, a un impact sur votre protection sociale. En fonction de la quotité de temps de travail réalisé depuis votre domicile, vous pouvez être soumis à la législation sociale de votre État de résidence plutôt qu'à celle de l'État où votre employeur est établi.

Un salarié qui exerce habituellement ses activités dans plusieurs États membres (UE/EEE/Suisse) doit relever d'un seul régime de sécurité sociale. La part de votre activité dans votre État de résidence est décisive pour déterminer quelle législation sociale s'applique à votre situation personnelle.

3 instruments juridiques pour appréhender le télétravail transfrontalier

Pour savoir si vous relevez de la sécurité sociale de votre État de résidence ou non, les institutions de sécurité sociale se fondent sur l'article 13 du règlement (CE) n°883/2004. L'article 16 du même règlement permet de demander le maintien au système de sécurité sociale de l'État de l'employeur lorsque la législation de l'État de résidence devrait s'appliquer (dérogation). Enfin, le recours croissant au télétravail dans un contexte de mobilité internationale a conduit certains États européens à signer un Accord-cadre dédié au télétravail transfrontalier. Ce texte a la même fonction que l'article 16 mais offre plus de souplesse et de sécurité juridique aux travailleurs comme aux entreprises puisqu'il prévoit une procédure simplifiée et un accord de principe. Cependant, cet Accord-cadre ne concerne pas toutes les situations de télétravail et ne s'applique pas non plus à tous les États.

Pluriactivité : règle générale (article 13)

Si vous télétravaillez au moins 25 % de votre temps, vous êtes assuré dans votre État de résidence.

Les règlements européens en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale ne mentionnent pas explicitement le télétravail transfrontalier (pratique peu répandue lors de leur rédaction), mais ils permettent de l'aborder en tant que situation de pluriactivité (exercice d'activités professionnelles sur le territoire de deux ou plusieurs États).

Textes de référence :

En principe, le travailleur salarié qui exerce son activité dans plusieurs États (UE/EEE/Suisse) est affilié au régime social de son État de résidence s'il y exerce une part substantielle de son activité, c'est-à-dire au moins 25 % du temps de travail ou de la rémunération.

Exemples*

Si vous télétravaillez en France (État de résidence) 1 semaine par mois et travaillez les 3 autres semaines dans les locaux de votre employeur en Allemagne (État du siège social de l'entreprise), vous relevez du régime français de protection sociale.

De même, si toute l'année vous télétravaillez de chez vous 2 jours par semaine (sur 5 jours travaillés) et que vous vous déplacez les autres jours dans un autre État (3 jours par semaine), vous dépendez de la sécurité sociale de votre État de résidence.

* Ces exemples sont indicatifs seulement. Il appartient à l'institution compétente de votre État de résidence de déterminer la législation sociale applicable.

Démarches : Dès lors que vous travaillez dans plusieurs États de la zone EU/EEE/Suisse, vous devez être en possession du document portable A1 (attestation de la législation sociale applicable). Pour obtenir ce certificat, vous devez vous mettre en relation avec l'institution compétente de votre État de résidence afin qu'elle détermine la législation sociale applicable à votre situation personnelle. Soit vous relevez du régime de protection sociale de votre État de résidence, et l'institution contactée délivre elle-même ce formulaire A1 ; soit vous devez être assuré social dans l'État de votre employeur, et l'institution de votre État de résidence se rapprochera de l'institution compétente de cet autre État pour l'établissement du document A1.

Organismes compétents

Pour un résident français, la détermination de la législation sociale applicable est effectuée par l'Urssaf, ou par la MSA si vous êtes assuré du régime agricole.

Dérogation (article 16)

Toutefois, vous pouvez être maintenu au régime de sécurité sociale de l'État où est établi votre employeur, sous réserve de l'accord de votre État de résidence.

Texte de référence :

L'article 16 du règlement (CE) n° 833/2004 permet de déroger à toute disposition des articles 11 à 15 du même règlement (articles relatifs à la détermination de la législation sociale applicable). Il n'est pas spécifique aux situations de télétravail transfrontalier.

Si vous télétravaillez 25 % du temps ou plus, votre employeur peut, avec votre accord et dans votre intérêt, solliciter votre maintien ou affiliation au régime social de l'État où il est établi.

Rappel

Si le télétravail depuis votre État de résidence représente moins de 25 % de votre temps de travail total, et que vous exercez le reste de votre activité au siège social de votre employeur, c'est déjà la législation sociale de l'État où votre entreprise est établie qui s'applique selon l'article 13 du règlement (CE) n° 833/2004.

Pour ce faire, votre employeur doit contacter l'institution compétente de l'État où son entreprise est établie. Cette institution contactera à son tour l'institution compétente de votre État de résidence pour obtenir son accord.

Organismes compétents

  • Si votre employeur est établi en France, il doit effectuer sa demande depuis son espace personnel en ligne Urssaf (hors régime agricole, géré par la MSA).
  • Si le siège social de votre employeur se trouve dans un autre État européen, consultez la page organismes de sécurité sociale étrangers (rubrique "Dérogations exceptionnelles") pour connaître l'institution compétente.

En cas d'accord, l'institution compétente de l'État où votre entreprise est établie délivrera un document portable A1 à votre nom, attestant que vous relevez de sa législation.

Cette procédure pouvant être longue en raison des échanges entre institutions, et l'accord final n'étant jamais garanti, certains États européens ont signé un Accord-cadre dédié au télétravail transfrontalier. Contrairement à l'article 16 du règlement (CE) n° 833/2004, l'Accord-cadre présuppose l'accord des institutions compétentes et permet donc une procédure accélérée. En revanche, son champ d'application est beaucoup plus restreint que celui des règlements européens.

Procédure simplifiée (Accord-cadre)

Dans certains cas, ce maintien est automatiquement accordé.

Différences entre Accord-cadre et article 16

Le nouvel Accord-cadre sur le télétravail transfrontalier permet également de déroger à l'article 13 § 1 a) mais selon une procédure simplifiée par rapport à l'application de l'article 16. Il s'agit pour les États signataires de faciliter les démarches des entreprises, de réduire les délais de traitement et d'optimiser la gestion des dossiers pour les organismes compétents. À partir du moment où les 2 États concernés ont signé l'Accord-cadre, leur accord conjoint est présumé acquis pour toutes les situations visées. Par conséquent, dès lors que toutes les conditions sont remplies, le maintien du salarié à la législation de sécurité sociale de l'État où se trouve l'entreprise est accordé.

Champ d'application

L'Accord-cadre n'est applicable qu'aux situations de télétravail transfrontalier qui impliquent uniquement 2 États signataires (pays de résidence et de télétravail + pays où est établi votre employeur). Si vous avez plusieurs employeurs, ces derniers doivent tous être établis dans le même État. Le télétravail doit représenter moins de 50 % de votre temps de travail total. Enfin, vous ne devez pas exercer une activité autre que le télétravail transfrontalier dans votre État de résidence.

L'Accord-cadre n'a pas été signé par tous les États de l'UE/EEE/Suisse. Il est donc applicable seulement si vous résidez et travaillez dans 2 États parmi les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Espagne, Finlande, France, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.

Les États Membres qui n'ont pas adopté l'Accord-cadre au 1er juillet 2023 peuvent le faire ultérieurement. Leur adhésion est alors valable à compter du 1er jour du mois qui suit la date de signature de l'Accord-cadre. C'est le cas pour la Slovénie, partie prenante de l'Accord-cadre depuis le 1er septembre 2023, et pour l'Italie (à compter du 1er janvier 2024).

À l'inverse, un État signataire peut dénoncer l'Accord-cadre à tout moment, après un préavis de 3 mois.

Il est donc conseillé de vérifier la liste des États actualisée avant d'entreprendre toute démarche. La liste des États signataires, ainsi que les institutions compétentes dans chaque État, peut être consultée sur le site de l'administration belge (la Belgique ayant été désignée comme État chargé de recueillir les adhésions des autres États).

Exemples de situations couvertes par l'Accord-cadre

  • Vous résidez en France d'où vous télétravaillez 2 jours par semaine pour le compte de votre employeur suisse. Les 3 autres jours, vous exercez votre activité depuis les locaux de l'entreprise, en Suisse.
  • Vous télétravaillez de votre domicile luxembourgeois 2 jours par semaine pour une entreprise qui se trouve en France. Vous travaillez au siège social de cette entreprise 2 jours par semaine. Enfin, vous travaillez 1 jour par semaine sur le territoire français pour le compte d'un autre employeur dont le siège d'exploitation est également situé en France.

Exemples de situations exclues de l'Accord-cadre

Télétravail transfrontalier
Situation Raison pour laquelle l'Accord-cadre ne s'applique pas
Vous exercez une activité indépendante depuis votre domicile et travaillez dans un autre État pour le compte d'une entreprise Exercice d'une activité non salariée
Vous télétravaillez chez vous en France pour le compte d'un employeur également établi en France 2 jours par semaine, et vous travaillez dans les locaux d'une entreprise établie aux Pays-Bas le reste de la semaine    Les employeurs n'ont pas leur siège social dans le même État
Vous résidez en France où vous télétravaillez 3 jours par semaine pour le compte d'un employeur basé en Allemagne, où vous vous rendez 2 jours par semaine Le télétravail représente plus de 49,9 % du temps de travail total
Vous télétravaillez 1 jour par semaine et travaillez les 4 autres jours dans un autre État  Affiliation dans l'État où est établie l'entreprise selon l'article 13 § 1 a)
Résident français, vous êtes salarié d'une entreprise dont le siège social est en Belgique. Vous travaillez 2 jours par semaine au bureau belge, télétravaillez 2 jours par semaine en France, et vous déplacez 1 jour par semaine chez des clients français de votre employeur belge. Exercice d'une activité autre que le télétravail dans l'État de résidence
Vous exercez exclusivement votre activité en télétravail depuis la France pour le compte d'une entreprise établie en Espagne Le télétravail représente l'intégralité du temps de travail. Affiliation au régime de sécurité sociale de l'État de télétravail en application de l'article 11 § 3 a)
Vous résidez en France d'où vous télétravaillez 2 jours par semaine pour le compte de votre employeur grec. Les 3 autres jours, vous exercez votre activité depuis les locaux de l'entreprise, en Grèce. Au 1er janvier 2024, la Grèce n'est pas signataire de l'Accord-cadre

Démarches de l'employeur

Votre employeur doit adresser une demande à l'institution compétente de l'État où se trouve son siège social ou son siège d'exploitation. Cette institution délivre le document portable A1 (case 3.11 cochée), attestant de votre maintien à la législation qu'elle applique, et en informe l'institution compétente de l'État de résidence (par le biais du système EESSI). La durée maximale de cette dérogation est de 3 ans, sachant que des prolongations pourront être accordées après une nouvelle demande de votre employeur.

Si vous êtes salarié d'une entreprise basée en France, votre employeur doit contacter l'Urssaf (menu "Télétravail" dans son espace en ligne) ou la MSA (régime agricole).