Affaire C 98/94

Christel Schmidt contre Rijksdienst Voor Pensioenen

Arrêt du 11 août 1995

Pension de vieillesse - Pension de conjoint - Règles nationales anti-cumul - Prestations de même nature

"Une pension de retraite, octroyée, selon la législation d'un État membre, sur la base des périodes d'assurance accomplies personnellement par l'intéressé dans cet État, et une pension de retraite, obtenue, en application de la législation d'un autre État membre, en qualité de conjoint divorcé, sur la base des périodes d'assurance accomplies par l’ex-conjoint, ne constituent pas des prestations de même nature au sens de l'article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, et des articles 12, paragraphe 2, et 46 bis du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992. "

Cette affaire oppose l'Office National des Pensions belge à Madame Schmidt, née en Allemagne en 1921, qui a travaillé dans ce pays de 1937 à 1948. L'intéressée, en 1948, a épousé un ressortissant belge et elle s'est installée en Belgique avec son époux. Elle a travaillé en Belgique à temps partiel de 1973 à 1979. En mars 1981, les époux se sont séparés (le jugement autorisant le divorce a été transcrit dans les registres de l'État civil le 12 février 1991), à partir de son soixantième anniversaire (1er décembre 1981), elle a perçu une pension belge au taux isolé au titre de son activité en Belgique, pension à laquelle elle a renoncé le 15 avril 1988.

A compter du 1er juin 1988, date à laquelle son conjoint dont elle est séparée de fait a été lui-même admis à la retraite, elle perçoit une pension belge en qualité de conjoint séparé de fait. Après la transcription du divorce le 12 février 1991, l'institution belge a procédé à un nouveau calcul de la pension et a fait application de ses règles de cumul internes. En effet, selon la législation belge, la pension de conjoint divorcé non remarié est liquidée comme si le conjoint divorcé avait lui-même exercé une activité professionnelle pendant toute la durée du mariage. Le salaire de référence est égal à 62,5 % du salaire annuel pris pour le calcul de la pension de l'ex-conjoint.

Enfin, la règle de l'unité de carrière est appliquée à la pension. Selon cette règle, seules les quarante années ouvrant droit à la pension la plus avantageuse sont prises en compte. En additionnant la carrière de Madame Schmidt à celle de son mari, l'Office National des Pensions parvenait à un total de cinquante et une années, dont sept avaient été comptabilisées deux fois. L'unité de carrière 40/40 était donc dépassée de quatre ans ; il a donc été fait application des règles de cumul du régime belge, ce qui s'est traduit pour la requérante par une pension liquidée sur la base de trente trois années d'assurances (1948 à 1980).

Madame Schmidt, dans son recours présenté devant le tribunal belge, faisait valoir que les règles de cumul belges ne pouvaient s'appliquer que lorsque, lors de la comparaison entre la pension nationale et la pension proratisée, la pension nationale était plus avantageuse que la pension liquidée dans le cadre de l'article 46 du règlement (CEE) n° 1408/71. L'intéressée estimait que la pension belge acquise sur la base des périodes d'assurance accomplies par l’ex-conjoint et la pension allemande acquise sur la base de ses propres périodes d'assurance constituent des prestations de même nature et sur lesquelles les règles de cumul ne peuvent pas être appliquées lors de la liquidation dans le cadre de l'article 46. Bien entendu, l'Office National des Pensions estime quant à lui que les prestations en cause sont de nature différente.

Le tribunal belge demande à la Cour de Justice des Communautés Européennes si une pension de conjoint divorcé et une pension personnelle sont des prestations de même nature au sens des articles 12 § 2 et 46 bis du règlement (CEE) n° 1408/71 modifié. La Cour rappelle que les prestations de sécurité sociale doivent être considérées comme étant de même nature lorsque leur objet, leur finalité, leur base de calcul ainsi que leurs conditions d'octroi sont identiques. Elle indique que la finalité de la pension belge de conjoint divorcé non remarié est d'assurer au bénéficiaire des moyens de subsistance suffisants, dans la mesure où il ne dispose plus des revenus de son ex-conjoint. En cas de remariage, la pension est supprimée. Par contre, la pension allemande est destinée à garantir à l'assurée des revenus suffisants à partir du moment où elle se trouve personnellement à la retraite.

Par ailleurs, elle ajoute que l'article 46 bis § 1 du règlement modifié définit le cumul de prestations de même nature comme étant le cumul de prestations (invalidité, vieillesse, survivants) calculées ou servies sur la base des périodes d'assurance ou de résidence accomplies par une même personne. Or, dans le cas d'espèce, il ne fait pas de doute que les prestations sont calculées sur la base des carrières de deux personnes différentes.

La Cour de Justice des Communautés Européennes conclut donc que dans la mesure où, d'une part les prestations en cause ont un objet et une finalité différents, et d'autre part elles sont calculées sur la base des carrières de deux personnes différentes, une rente de conjoint divorcé et une pension de vieillesse personnelle ne constituent pas des prestations de même nature.