Affaires jointes C 88/95, C 102/95 et C 103/95

Bernardina Martinez Losada, Manuel Fernandez Balado et José Paredes contre Instituto Nacional de Empleo (INEM) et Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS)

Arrêt du 20 février 1997

Libre circulation - Champ d'application matériel - Période d'assurance inférieure à une année - Totalisation des périodes en matière d'assurance chômage - Indemnités de chômage pour les prestataires de plus de 52 ans

"Une indemnité telle que celle qui est prévue par la loi générale sur la sécurité sociale espagnole pour les chômeurs de plus de 52 ans constitue une prestation de chômage au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992.

L'article 48 du règlement précité n'est pas applicable aux prestations de chômage.

Il appartient à la juridiction nationale d'apprécier si la condition posée par l'article 67, paragraphe 3, du règlement précité, selon laquelle une personne qui a accompli des périodes d'assurance dans un autre État membre ne peut se prévaloir de ces périodes pour obtenir une prestation de chômage dans l'État concerné que si elle y a accompli en dernier lieu des périodes d'assurance selon les dispositions de la législation de cet État, est remplie lorsque l'intéressé n'y a jamais exercé d'activité salariée, mais que des cotisations ont été versées en son nom aux régimes de l'assurance maladie et des allocations familiales par l'organisme compétent en matière de chômage.

Les articles 48 et 51 du traité CE, pas plus que le règlement précité, ne s'opposent à ce qu'une législation nationale exige, pour l'octroi d'une indemnité de chômage prévue en faveur des prestataires de plus de 52 ans, que l'intéressé ait cotisé pendant une période de quinze ans à un régime de pension de retraite dans un ou plusieurs États membres. "

Il s'agit de trois litiges opposant Madame Martinez Losada, Monsieur Fernandez Balado et Monsieur Paredes à l'Instituto Nacional de Empleo et à l'Instituto Nacional de la Seguridad Social au sujet du versement d'une prestation de chômage accordée par la législation espagnole aux personnes de plus de 52 ans. Selon la législation espagnole, cette indemnité est versée au chômeur qui a cotisé durant six ans à l'assurance chômage et qui remplit toutes les conditions exceptées celle de l'âge pour obtenir une pension de vieillesse du régime contributif, soit quinze années d'assurance dont deux au moins au cours des huit dernières.

Les trois requérants ont exercé une activité dans plusieurs États membres où ils ont acquis des droits à pension. Toutefois, ils n'ont jamais travaillé en Espagne, mais tous les trois ont bénéficié, en application de la seule législation espagnole, d'une indemnité de chômage : pour Madame Losada pour compenser des charges de famille, et pour les deux autres requérants au titre de retour de travailleur migrant. Durant la période de versement de cette prestation de chômage, l'organisme de chômage a versé en leur nom des cotisations aux régimes d'assurance maladie et de prestations familiales espagnols. Les intéressés qui avaient formulé une demande de prestations de chômage pour prestataire âgé de plus de 52 ans se sont vus opposer un refus de la part de l'INEM au motif qu'ils n'avaient pas accompli la durée minimale requise pour pouvoir prétendre à une pension du régime espagnol.

Le tribunal espagnol, saisi de l'affaire, a posé quatre questions préjudicielles à la Cour de Justice des Communautés Européennes. Il demande tout d'abord si l'indemnité pour les chômeurs âgés de plus de 52 ans prévue par la législation espagnole est visée dans le champ d'application matériel du règlement. Sur ce point, la Cour observe que cette indemnité figure dans la déclaration faite par le gouvernement espagnol. Cette prestation est expressément reconnue comme une prestation de chômage au sens de l'article 4 § 1 du règlement (CEE) n° 1408/71.

Le tribunal espagnol demande également si l'article 48 § 1 du règlement qui prévoit que l'État où l'assuré a accompli moins d'un an d'assurance n'est pas tenu d'accorder une prestation, est applicable en l'espèce. La Cour observe que l'article précité fait partie des dispositions du chapitre 3 intitulé "vieillesse et décès (pensions)". Elle précise que dans l'affaire n° 269/87 du 14 décembre 1988 (Ventura), elle avait été amenée à considérer que l'article précité ne pouvait pas être applicable à des pensions d'orphelins. Elle ajoute que les conclusions alors développées sont également applicables à des prestations de chômage visées au chapitre 6.

La juridiction espagnole souhaitait également savoir si l'article 61 du règlement (CEE) n° 1408/71 prévoyant la totalisation des périodes d'assurance pouvait être appliqué à une personne qui n'a exercé aucune activité dans un État, mais pour qui une institution de chômage a versé des cotisations d'assurance maladie et de prestations familiales. La Cour observe que l'article 51 du traité énonce le principe de la totalisation des périodes d'assurance sans pour autant définir la notion des périodes en cause. Elle poursuit que, selon l'article 1er sous i) du règlement (CEE) n° 1408/71, ces périodes d'assurance sont définies selon la législation où elles ont été accomplies.

Elle conclut qu'un État membre est en droit de subordonner l'octroi d'une indemnité de chômage à la condition que les intéressés aient accompli en dernier lieu des périodes d'assurance en application de sa propre législation. C'est donc à la juridiction nationale qu'il appartient d'apprécier si la condition posée à l'article 67 § 3 est remplie, lorsque l'intéressé n'a jamais exercé d'activité dans ce pays, mais que des cotisations de maladie et de prestations familiales ont été versées à son nom.

La dernière question posée par le tribunal espagnol concerne l'hypothèse où la juridiction nationale considérerait que les périodes durant lesquelles l'INEM a cotisé à l'assurance maladie et aux prestations familiales au nom des requérants sont des périodes d'assurance au sens de sa législation interne. La juridiction de renvoi souhaite savoir si les articles 48 et 51 du traité s'opposent à ce que la législation nationale exige pour l'octroi des indemnités de chômage prévues en faveur des personnes âgées de plus de 52 ans que l'intéressé ait cotisé durant au moins 15 ans à un régime d'assurance pension dans un ou plusieurs États membres.

La Cour rappelle que les États membres sont compétents pour définir les conditions d'octroi des prestations de sécurité sociale, dans la mesure où les conditions fixées n'entraînent pas de discrimination. Elle conclut qu'un État membre est en droit d'exiger, pour accorder des prestations aux chômeurs âgés de plus de 52 ans, une durée d'assurance de quinze ans dans un régime d'assurance pension dans un ou plusieurs États membres.