Arrêt du 20 mai 2021
Renvoi préjudiciel - Sécurité sociale - Détermination de la législation applicable - Règlement (CEE) n° 1408/71 - Article 13, paragraphe 2, sous a) - Article 14, paragraphe 2 - Personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire de 2 ou de plusieurs Etats membres - Contrat de travail unique - Employeur établi dans l'Etat membre de résidence du travailleur - Activité salariée exercée exclusivement dans d'autres Etats membres - Travail effectué dans différents Etats membres pendant des périodes successives - Conditions
L'article 14, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à une personne qui, dans le cadre d'un seul contrat de travail conclu avec un seul employeur prévoyant l'exercice d'une activité professionnelle dans plusieurs Etats membres, travaille, durant plusieurs mois successifs, uniquement sur le territoire de chacun de ces Etats membres, lorsque la durée des périodes ininterrompues de travail effectuées par cette personne dans chacun de ces Etats membres dépasse 12 mois, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Dans cette affaire, la juridiction polonaise interroge la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans le cadre d'un litige opposant la société Format à l'Institut des assurances sociales au sujet de la détermination de la législation de sécurité sociale applicable à l'un des salariés de Format. Ce dernier, ressortissant polonais résidant en Pologne, a travaillé pour l'entreprise, établie dans cet Etat, dans le cadre d'un contrat de travail unique prévoyant des périodes successives d'activité en France et au Royaume-Uni. L'organisme compétent a refusé de lui délivrer un certificat A1 attestant qu'il relevait du régime de sécurité sociale polonais.
Le juge national se demande si la notion de pluriactivité visée à l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004 couvre cette activité salariée exercée durant plusieurs mois successifs dans 2 Etats membres.
Dans ce contexte, la CJUE relève d'abord que les durées de travail ininterrompues effectuées dans le premier Etat membre étaient, respectivement, d'environ 13 mois et 2 ans, avec une période intermédiaire de presque 2 mois exercée dans le second Etat. Le salarié a donc effectué la quasi-totalité de son activité dans un seul Etat.
La Cour rappelle ensuite que la notion de pluriactivité, comme celle de détachement (article 12, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004), constitue une dérogation au principe général selon lequel un salarié est soumis à la législation de sécurité sociale de l'Etat membre dans lequel il travaille habituellement (article 11, paragraphe 3, sous a) du règlement (CE) n° 883/2004). Or, le législateur de l'Union a considéré que le détachement temporaire et de courte durée pendant 12 mois maximum justifie une exception à la règle de l'Etat du lieu d'exercice de l'activité.
La CJUE en déduit que la notion de pluriactivité couvre l'exercice d'une activité salariée dans différents Etats membres durant des périodes successives, pour autant que la durée des périodes ininterrompues de travail effectuée dans chacun de ces Etats n'excède pas 12 mois. Elle conclut que le salarié est soumis à la législation de sécurité sociale de l'Etat du lieu d'exercice de son activité normale (la France dans cette affaire).