Affaire C 73/99

Viktor Movrin contre Ladesversicherungsanstalt Westfalen

Arrêt du 6 juillet 2000

Titulaire d'une pension de retraite - Assurance maladie obligatoire dans l'État membre de résidence - Contribution - Attribution d'une allocation par la législation d'un autre État membre

"Les articles 1er, sous t), et 10, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, doivent être interprétés en ce sens qu'une allocation prévue par la réglementation d'un État membre et destinée à concourir au règlement des cotisations d'assurance maladie, telle que celle en cause au principal, constitue une prestation en espèces de vieillesse, au sens de ces dispositions, à laquelle le bénéficiaire d'une pension de vieillesse due au titre de ladite réglementation peut prétendre, même s'il réside dans un autre État membre dans lequel il est soumis à l'assurance maladie obligatoire".

Monsieur Movrin, ressortissant néerlandais résidant aux Pays-Bas, est titulaire d'une pension du régime allemand. Il a demandé à la caisse allemande débitrice de sa pension de prendre en charge une partie des cotisations d'assurance maladie obligatoire prévues par la législation néerlandaise.

En effet, la législation allemande prévoit que les titulaires de pensions de vieillesse du régime allemand perçoivent, en plus de leur pension, une allocation destinée à couvrir une partie de leurs dépenses d'assurance maladie. Dans les faits, pour les assurés obligatoires, la caisse d'assurance vieillesse paie la moitié de la cotisation d'assurance maladie. Pour les assurés volontaires auprès d'une caisse légale ou ceux qui sont assurés auprès d'une compagnie d'assurance privée, il est versé une allocation mensuelle qui représente la moitié des dépenses effectives consacrées à l'assurance maladie. Enfin, pour bénéficier de cette allocation, il faut résider sur le territoire allemand.

Monsieur Movrin a obtenu à compter du 1er mars 1991 une pension d'invalidité du régime allemand. Par ailleurs, par décision du 11 février 1993, il s'est vu attribuer une allocation, destiner à concourir au paiement de ses cotisations d'assurance maladie, égale à 6,4 % du montant de la pension.

Après que l'institution néerlandaise ait informé l'institution allemande que Monsieur Movrin relevait de l'assurance maladie néerlandaise obligatoire, la caisse allemande a remboursé à l'intéressé les cotisations d'assurance maladie qui avaient été précomptées sur sa pension allemande, dans la mesure où il bénéficiait aux Pays Bas d'une assurance maladie ayant primauté sur l'assurance maladie au titre du régime allemand.

En 1995, l'intéressé a obtenu une pension de vieillesse du régime allemand et une pension de vieillesse du régime néerlandais. L'institution qui sert la pension néerlandaise retient sur le montant de celle-ci des cotisations d'assurance maladie, qui sont calculées en tenant compte des deux pensions, néerlandaise et allemande.

Monsieur Movrin a demandé à l'institution allemande, au titre de l'égalité de traitement, de lui verser une allocation destinée à concourir au paiement des cotisations d'assurance maladie néerlandaise. A l'appui de sa demande, l'intéressé faisait valoir que l'allocation en cause était une partie de la pension de vieillesse allemande et que donc à ce titre elle devait être exportée.

La juridiction allemande saisie du problème après divers appels, demande à la Cour de justice des communautés européennes, si une allocation telle que celle prévue par la législation allemande, destinée à concourir au règlement de cotisations d'assurance maladie, constitue une prestation en espèces de vieillesse au sens du règlement communautaire et si elle peut être versée sur le territoire d'un autre État membre, à une personne qui est soumise à l'assurance maladie obligatoire de cet État.

La Cour de justice des communautés européennes indique que selon une jurisprudence constante, pour déterminer si une prestation entre dans le champ d'application du règlement il convient d'examiner "les éléments constitutifs de ladite prestation et notamment de ses finalités et conditions d'octroi".

Elle relève que le bénéfice de l'allocation est lié à l'existence d'un droit à pension, que celle ci est versée par les institutions d'assurance pension allemandes, que le montant est calculé en fonction du niveau des cotisations versées à l'assurance maladie, sur la base du montant de la pension et qu'elle vise à alléger les charges des cotisations d'assurance maladie pour le pensionné.

Elle indique qu'il ne s'agit pas d'une prestation de l'assurance maladie, dans la mesure où cette prestation n'est pas servie en cas de maladie après la réalisation du risque assuré, mais que son versement conditionne l'existence de la prestation. Elle précise qu'une contribution qui participe à la cotisation de l'assurance maladie ne peut être une prestation d'assurance maladie.

Pour le gouvernement allemand cette somme payée par l'assurance pension allemande ne constitue pas une prestation au sens du règlement, dans la mesure où, en cas d'assurance maladie obligatoire, la quote-part n'est pas versée au pensionné lui-même, mais directement à l'institution d'assurance maladie.

A cet argument la Cour répond que selon l'article 1er, sous t), du règlement n° 1408/71, le terme "prestation" vise également les versements effectués au titre de remboursement de cotisations. Elle précise que peu importe que ces versements soient effectués directement à l'organisme assureur pour le pensionné, assuré obligatoire à l'assurance maladie, il faut constater que ces versements sont effectués au profit du titulaire de pension et qu'ils ont pour résultat de majorer le montant de la pension, afin de compenser le paiement des cotisations maladie.
La Cour conclut qu'une telle prestation qui majore le montant de la pension constitue une prestation en espèces de vieillesse, au sens de l'article 10, paragraphe 1, du règlement
n° 1408/71 et qu'à ce titre elle doit être exportée. De ce fait, une personne se trouvant dans la situation de Monsieur Movrin ne peut pas se voir supprimer ce complément, au seul motif qu'il ne réside plus sur le territoire de l'État compétent.

Au gouvernement allemand qui faisait observer que le précompte de cotisation effectué par les autorités néerlandaises, sur une pension servie par l'institution d'un autre État membre, est contraire aux dispositions de l'article 33, du règlement n° 1408/71, la Cour réplique qu'une mesure illégale ne saurait servir de fondement juridique à l'obligation pour l'institution allemande d'exporter la prestation, conformément à l'article 10, du règlement n° 1408/71. Toutefois, elle ne se prononce pas sur la mesure néerlandaise.

Les autorités allemandes avaient également relevé que le taux de la cotisation allemande étant plus élevé que celui de la cotisation néerlandaise, l'exportation de l'allocation amènerait à avantager l'intéressé par rapport aux pensionnés qui résident en Allemagne.

Sur ce point, la Cour indique qu'il n'est pas tenu compte des cotisations que doit payer l'intéressé au titre de la loi sur les frais exceptionnels de maladie (AWBZ). Cependant, elle ajoute que même dans l'hypothèse où l'intéressé se trouverait dans une situation plus avantageuse cela ne découlerait pas de l'interprétation du droit communautaire, mais du fait que les différentes législations communautaires sont simplement coordonnées et non pas harmonisées.