Affaire C 690/15

Wenceslas de Lobkowicz contre Ministère des Finances et des Comptes publics

Arrêt du 10 mai 2017

Renvoi préjudiciel - Fonctionnaire de l'Union européenne - Statut - Affiliation obligatoire au régime de sécurité sociale des institutions de l'Union européenne - Revenus fonciers perçus dans un État membre - Assujettissement à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et aux contributions additionnelles au titre du droit d'un État membre - Participation au financement de la sécurité sociale de cet État membre

« L'article 14 du protocole (n° 7) sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, annexé aux traités UE, FUE et CEEA, ainsi que les dispositions du statut des fonctionnaires de l'Union européenne relatives au régime de sécurité sociale commun aux institutions de l'Union doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant que les revenus fonciers perçus dans un État membre par un fonctionnaire de l'Union européenne, qui a son domicile fiscal dans cet État membre, soient assujettis à des contributions et à des prélèvements sociaux qui sont affectés au financement du régime de sécurité sociale de ce même État membre. »

Cette affaire oppose M. de Lobkowicz, fonctionnaire européen retraité, au ministère des Finances et des Comptes publics (France) au sujet de son assujettissement à des contributions et à des prélèvements sociaux au titre des années 2008 à 2011 sur des revenus fonciers perçus en France.

M. de Lobkowicz, ressortissant français, a été fonctionnaire au service de la Commission européenne de l'année 1979 jusqu'à la date de sa mise à la retraite, le 1er janvier 2016. À ce titre, il est rattaché au régime de sécurité sociale commun aux institutions de l'Union.

M. de Lobkowicz est fiscalement domicilié en France. Au titre des années 2008 à 2011, ses revenus fonciers perçus en France ont été assujettis à la contribution sociale généralisée (CSG), à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), au prélèvement social de 2 % ainsi qu'aux contributions additionnelles à ce prélèvement aux taux respectifs de 0,3 % et de 1,1 %. Il conteste ces contributions et prélèvements, portant ainsi le litige devant le tribunal administratif de Rouen puis devant la cour administrative d'appel de Douai. Cette dernière adresse à la Cour de justice de l'Union européenne la question suivante :
« Un principe du droit de l'Union fait-il obstacle à ce qu'un fonctionnaire de la Commission européenne soit assujetti à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et aux contributions additionnelles à ce prélèvement, aux taux de 0,3 % et 1,1 % sur des revenus fonciers perçus dans un État membre de l'Union européenne ? ».

D'une part, la Cour de justice de l'union européenne considère que cette question est recevable car elle porte sur l'interprétation du droit de l'Union. L'affaire traite en effet du statut des fonctionnaires de l'Union, des articles 12, 13 et 14 du protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, ainsi que des les règlements n°1408/71 et n°883/2004 régissant la coordination des systèmes de sécurité sociale.

D'autre part, elle rappelle que « si les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, ils doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit de l'Union ».

Examinant les fondements juridiques du droit à la protection sociale des fonctionnaires européens, la juridiction européenne conclut que « la situation juridique des fonctionnaires de l'Union, en ce qui concerne leurs obligations en matière de sécurité sociale, relève du domaine d'application du droit de l'Union en raison de leur lien d'emploi avec l'Union »
La Cour de justice relève d'ailleurs que « l'Union est seule compétente, à l'exclusion des États membres, pour déterminer les règles applicables aux fonctionnaires de l'Union en ce qui concerne leurs obligations en matière de sécurité sociale ».

Elle ajoute précisément que « l'article 14 du protocole et les dispositions du statut en matière de sécurité sociale des fonctionnaires de l'Union remplissent, à l'égard de ces derniers, une fonction analogue à celle de l'article 13 du règlement n° 1408/71 et de l'article 11 du règlement n° 883/2004, consistant à prohiber l'obligation pour les fonctionnaires de l'Union de contribuer à différents régimes en la matière ».

Ainsi, une disposition nationale qui impose des contributions et prélèvements issus des revenus du fonctionnaire européen pour les affecter au financement d'un système de sécurité sociale national « méconnaît donc la compétence exclusive de l'Union tant par l'article 14 du protocole que par les dispositions pertinentes du statut, en particulier celles qui fixent les contributions obligatoires des fonctionnaires de l'Union au financement d'un régime de sécurité sociale ».

Enfin, la Cour de justice insiste sur le danger encouru par une telle réglementation, qui « risquerait de rompre l'égalité de traitement entre les fonctionnaires de l'Union et, partant, de décourager l'exercice d'une activité professionnelle au sein d'une institution de l'Union, étant donné que certains fonctionnaires seraient contraints de contribuer non seulement au régime de sécurité sociale commun aux institutions de l'Union, mais également à un régime de sécurité sociale national ».