Affaire C 68/99

Commission européenne contre République fédérale d'Allemagne

Arrêt du 8 mars 2001

Manquement d'État - Liberté d'établissement - Liberté de prestations de services - Sécurité sociale - Règlement (CEE) n° 1408/71 - Financement de la sécurité sociale des artistes et des journalistes indépendants - Contribution assise sur la rémunération versée sur les travaux d'artistes et de journalistes et perçue auprès des entreprises qui commercialisent ces travaux - Prise en compte des rémunérations versées aux artistes et aux journalistes soumis à la législation de sécurité sociale d'un autre État membre

1. "Le recours est rejeté".

2. "La Commission des communautés européennes est condamnée aux dépens".

Selon la législation allemande, les artistes et les journalistes indépendants sont obligatoirement affiliés à l'assurance pension des employés, à l'assurance maladie légale et à l'assurance dépendance lorsqu'ils exercent une activité artistique ou journalistique à titre professionnel.

Toutefois, les journalistes et artistes indépendants ne sont pas assujettis à ces assurances s'ils exercent également une autre activité salariée ou non salariée ou s'ils emploient plus d'un salarié dans le cadre de leur activité artistique ou journalistique.

La sécurité sociale des artistes est financée pour moitié par les cotisations des assurés et pour moitié par une contribution dénommée charge sociale pour artiste, qui est complétée le cas échéant par un versement de l'État.

Sont tenus notamment de régler la charge sociale pour artistes, les chefs d'entreprises qui exploitent des maisons d'édition, ainsi que les agences de presse. L'assiette de cette contribution est constituée par la rémunération liée aux travaux ou prestations versées à un artiste ou à un journaliste. Cette contribution est due, même si l'artiste ou le journaliste n'est pas assujetti à titre obligatoire au régime des artistes.

Le recours en manquement de la Commission a été présenté à la suite du refus des autorités allemandes de revoir la situation d'un journaliste indépendant (Monsieur Stutzer) qui vivait, travaillait en Belgique et qui publiait également des articles en Allemagne.

Selon la Commission, la perception de charge sociale pour artistes se traduit par un double prélèvement social sur les rémunérations versées aux artistes et journalistes qui exercent par ailleurs une activité indépendante dans un autre État membre, où ils sont domiciliés et affiliés à un régime de sécurité sociale. Ceci est donc contraire aux dispositions des articles 13 et 14 bis du règlement n° 1408/71, comme aux articles 51, 52 et/ou 59 du traité.

La Cour de justice des communautés européennes rappelle que l'objectif du règlement n° 1408/71 est d'assurer la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés dans la Communauté tout en respectant les caractéristiques propres à chaque législation nationale. Pour assurer la libre circulation le règlement retient le principe de l'égalité de traitement des travailleurs au regard des différentes législations.

Elle indique qu'en l'espèce la charge sociale pour artistes ne frappe pas les artistes eux-mêmes, mais les entreprises qui commercialisent leurs travaux. De plus, dans la mesure où les entreprises ne sont pas en droit de répercuter le montant de cette charge sur la rémunération versée aux artistes et journalistes, elle n'a donc pas d'impact sur ces travailleurs qui fournissent une prestation en Allemagne, alors qu'ils relèvent de la législation de sécurité sociale d'un autre État membre.

Elle précise que le système assure une égalité de traitement entre les artistes et les journalistes occupés en Allemagne, dans la mesure où le coût supporté par les entreprises ne diffère pas, selon que le bénéficiaire est assuré en vertu de la législation sur les artistes ou en vertu d'un autre régime de sécurité sociale.

Elle ajoute que le dispositif en cause n'est pas contraire à la règle de l'article 14 bis, paragraphe 2, première phrase du règlement n° 1408/71 qui prévoit que la personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de plusieurs États membres est soumise à la législation de l'État membre sur le territoire duquel elle réside.

Sur la violation des articles 51, 52 et/ou 59 du traité, la Cour de justice des Communautés européennes reprend l'argument selon lequel il n'a pas été démenti par la Commission que la "charge sociale pour artiste grève, même indirectement, les rémunérations versées aux artistes et aux journalistes qui exercent une activité indépendante dans un autre État membre, où ils sont domiciliés et affiliés à un régime de sécurité sociale".

Elle conclut que les entreprises allemandes étant assujetties à la même charge que les artistes qu'elles rémunèrent, soient établis en Allemagne ou ne soient pas établis en Allemagne, cela n'est pas susceptible de les décourager à commercialiser les travaux des artistes établis à l'étranger.