Affaires C 64/96 et C65/96

Land Nordrhein-Westfalen contre Kari Uecker et Vera Jacquet Land Nordrhein

Arrêt du 5 juin 1997

Libre circulation des travailleurs - Droit du conjoint d'un ressortissant communautaire - Ressortissant d'État tiers - Accès à l'activité salariée - Travailleur n'ayant pas exercé son droit à la libre circulation - Discrimination à rebours

"Une personne, ressortissante d'un pays tiers, mariée à un travailleur ressortissant d'un État membre ne peut invoquer le droit conféré par l'article 11 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, lorsque ce travailleur n'a jamais exercé le droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté."

Cette affaire oppose le Land Nordrhein-Westfalen à Madame Uecker, de nationalité norvégienne, et Madame Jacquet, de nationalité russe, toutes deux enseignantes de langue norvégienne et de langue russe auprès d'universités allemandes et toutes deux mariées à des ressortissants allemands exerçant une activité en Allemagne. Les intéressées bénéficiaient, à compter du 24 septembre 1990 pour Madame Uecker et du 14 mars 1994 pour Madame Jacquet, de contrats à durée déterminée en qualité de lecteur de langue étrangère avec le Land de Nordrhein-Westfalen. Les contrats étaient limités pour le premier au 30 septembre 1994 et pour le second au 30 septembre 1996 et ceci en vertu de l'article 57 b), paragraphe 3, de l'Hochschulrahmengesetz (HRG) qui prévoit la conclusion d'un contrat à durée déterminée lorsque l'activité de l'enseignant concerne essentiellement la formation dans une langue étrangère. Elles demandent à bénéficier d'un contrat à durée indéterminée en se fondant sur la jurisprudence de la Cour (arrêt du 20 octobre 1993, Spotti, C 272/92). Pour obtenir l'application de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, elles font référence à l'article 11 du règlement (CEE) n° 1612/68.

La juridiction allemande demande si une personne, ressortissante d'un pays tiers, mariée à un travailleur ressortissant d'un État membre exerçant une activité professionnelle dans cet État membre, peut invoquer, sur le territoire de cet État, les dispositions de l'article 11 du règlement (CEE) n° 1612/68 qui prévoit le libre accès à toute activité salariée.

La Cour indique que selon une jurisprudence constante, les dispositions concernant la libre circulation des travailleurs ne peuvent pas être appliquées à des travailleurs qui n'ont jamais exercé le droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté. Les époux des deux requérantes n'ayant jamais exercé leur droit à la libre circulation, elles ne peuvent pas se prévaloir du droit communautaire pour mettre en cause la durée de validité de leurs contrats de travail.

Il faut préciser également que se posait un problème de versions différentes de l'article 11 du règlement (CEE) n° 1612/68. La version anglaise, comme les versions espagnole, danoise, suédoise et finnoise mentionnent expressément le conjoint d'un ressortissant d'un État membre exerçant une activité sur le territoire d'un autre État membre, alors que dans les versions allemande, française, italienne, grecque et portugaise, on retrouve simplement l'expression sur le territoire d'un État membre. La Cour indique que l'accès à l'emploi d'un conjoint d'un ressortissant d'un État membre, dans cet État membre, "ne répondrait pas à l'objectif de l'article 48 du Traité que le règlement n° 1612/68 vise à mettre en oeuvre, qui est notamment de permettre à un travailleur de se déplacer librement sur le territoire des autres États membres et d'y séjourner afin d'y exercer un emploi ".

A la question de la juridiction allemande qui demandait si une disposition nationale contraire au droit communautaire pouvait continuer à être appliquée par un État membre à rencontre de ses propres ressortissants, la Cour répond que la citoyenneté de l'Union prévue à l'article 8 du Traité CE n'a pas pour objectif d'étendre le champ d'application matériel du Traité à des situations internes n'ayant aucun rattachement avec le droit communautaire.