Affaire C-619/11

Patricia Dumont de Chassart c/ Office national d'allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS)

Arrêt du 21 février 2013

Sécurité sociale - Règlement (CEE) n° 1408/71 - Prestations familiales pour orphelins - Totalisation des périodes d'assurance et d'emploi - Périodes accomplies par le parent survivant dans un autre État membre - Absence de prise en compte

Les articles 72, 78, paragraphe 2, sous b), et 79, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1399/1999 du Conseil, du 29 avril 1999, doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une réglementation nationale d’un État membre prévoit que tant le parent défunt que le parent survivant, lorsqu’ils ont la qualité de travailleurs, peuvent fonder un droit à des prestations pour orphelins, ces dispositions exigent que les périodes d’assurance et d’emploi accomplies par le parent survivant dans un autre État membre soient prises en compte pour la totalisation des périodes nécessaires à l’acquisition du droit aux prestations dans le premier de ces États membres. Il est sans pertinence à cet égard que le parent survivant ne puisse se prévaloir d’aucune période d’assurance ou d’emploi dans cet État membre au cours de la période de référence fixée par cette réglementation nationale pour l’acquisition de ce droit.

Madame Dumont de Chassart, ressortissante belge a exercé une activité salariée en France du 21 septembre 1993 au 31 août 2008. Son mari Monsieur Descampe a travaillé en qualité de salarié en Belgique de 1968 à 1976 et de 1987 et 1988 et en France de 1989 à 2002, date a laquelle il a cessé de travaillé. Il est décédé le 25 avril 2008 en France où il vivait sans bénéficier d’aucune indemnité.

En août 2008 Madame Dumont de Chassart est revenue vivre en Belgique avec son fils Diégo né le 23 janvier 2000. Elle a exercé une activité salariée pendant environ un mois avant de se trouver au chômage. En octobre 2008 elle a formulé une demande d’allocation d’orphelin auprès de l’ONAFTS pour son fils Diégo Descampe né le 23 janvier 2000. L’ONAFTS a refusé de servir une allocation d’orphelin au motif que Monsieur Descampe au cours des 12 mois précédant son décès ne remplissait pas les conditions d’ouverture des droits pour bénéficier d’un tel avantage (6 allocations forfaitaires mensuelles au cours des 12 mois).

L’intéressée a contesté la décision de l’institution belge et la juridiction saisie de l’affaire demande à la Cour de Justice de l’Union européenne si les articles 72, 78, paragraphe 2, sous b) et 79, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 ne permettent que la prise en compte pour la totalisation des périodes d’assurance pour l’acquisition d’un droit à une prestation d’orphelin, que des périodes d’assurance accomplies par le seul parent défunt dans un autre État membre à l’exclusion de celles accomplies par le parent survivant. En cas de réponse positive, la juridiction belge demande si ces dispositions sont conformes au principe général d’égalité de traitement et de non discrimination prévu par le droit de l’Union.

Pour démontrer que la situation relève du champ d’application du règlement, la Cour fait observer tout d’abord que les ayants droit d’un parent défunt ne peuvent pas être privés du droit de se prévaloir du règlement au motif que le défunt n’étant pas assuré au moment de son décès, il aurait perdu la qualité de travailleur au sens de l’article 1er, sous a) du règlement n° 1408/71.

Elle précise que les survivants d’un travailleur qui a été soumis à un régime de sécurité sociale visé à l’article 4, du règlement n° 1408/71 sont visés dans le champ d’application dudit règlement.

Elle constate que Monsieur Descampe au titre de ses activités professionnelles en France et en Belgique a été affilié aux régimes de sécurité sociale de ces deux États membres. S’il n’était pas décédé peu de temps avant la retraite, il aurait pu bénéficier d’une pension de vieillesse de chacun des deux États. De plus, Madame Dumont Chassart qui sollicite une prestation pour orphelins était assurée à un régime de sécurité sociale d’un État membre au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1408/71, elle dispose de la qualité de travailleur et elle est dans le champ d’application personnel du règlement.

S’agissant du droit aux prestations pour orphelins, la Cour indique que l’article 78 sert à déterminer l’État membre compétent pour servir ces prestations qui ne sont accordées qu’en vertu de la législation d‘un seul État membre. Lorsque le défunt a été soumis à la législation de plusieurs États membres, la prestation est servie par la législation du territoire où réside l’orphelin. Les prestations sont alors servies dans le cadre de l’article 79, paragraphe 1, premier alinéa, selon la législation nationale comme si le travailleur défunt n’avait été soumis qu’à une seule législation.

La cour précise que les articles 78, paragraphe 2 et 79, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 1408/71 se bornent à énoncer une règle de conflit consistant à déterminer pour l’orphelin dont le parent défunt avait la qualité de travailleur, la législation applicable et l’institution chargée du versement des prestations.

Ces dispositions n’ont pas pour objet de déterminer les conditions de fonds de l’existence du droit aux prestations pour orphelins, c’est à la législation de chaque État membre de déterminer ces conditions.

En l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union européenne, chaque État membre reste compétent pour déterminer dans sa législation, dans le respect du droit de l’Union, les conditions d’octroi des prestations d’un régime de sécurité sociale.

La qualité de « travailleur défunt » constitue uniquement un critère de rattachement qui dans le cas d’espèce entraîne l’application de la législation belge. Une fois déterminé la législation compétente, il convient d’examiner si au regard de la législation belge un droit est ouvert. Or, selon cette législation, pour la détermination de l’existence d’un droit aux prestations pour orphelins, les périodes d’assurance et d’emploi accomplies tant par le parent défunt que par le parent survivant sont prises en compte.

Selon les autorités belges la totalisation exige qu’une activité minimale ait été exercée en Belgique au cours de la période de référence. L’activité de Madame Dumont de Chassart en France ne pourrait être prise en considération que pour compléter une période d’assurance en Belgique, or dans le cas d’espèce, aucun des deux membres du couple n’a travaillée en Belgique durant la période de référence.

La Cour indique que ni l’article 72, du règlement n° 1408/71, ni les dispositions de l’annexe VI, A, point 7, ne font référence à une reprise d’activité.

Pour la Cour l’absence de prise en compte par un État membre, pour déterminer un droit à une prestation d’orphelin, des périodes accomplies dans un autre État membre par un ressortissant national et parent survivant d’un enfant d’un travailleur défunt, serait susceptible de désavantager le travailleur du seul fait qu’il a exercé son droit à la libre circulation et pourrait ainsi le dissuader de retourner dans son État membre d’origine après le décès de son conjoint.

Elle ajoute que l’article 15, du règlement 574/72, auquel se référait le gouvernement belge pour indiquer que la totalisation était subordonnée à des périodes d’assurance dans le pays qui examine le droit à prestation, ne vise pas les prestations familiales.

La Cour conclut que les articles 72 et 79, paragraphe 1, sous a) du règlement n° 1408/71 exigent la prise en compte des périodes d’assurance et d’emploi accomplies par le parent survivant d’un enfant d’un travailleur défunt dans un autre État membre, dès lors que la législation compétente prévoit que le droit aux prestations d’orphelins est ouvert au parent défunt, mais également au parent survivant.