Affaires jointes C-611/10 et C-612/10

Waldemar Hudzinski c/Argentur für arbeit Wesel - Familienkasse (C 611/10) et Jaroslaw Wawrzyniak c/Agentur für Arbeit Mönchengladbach - Familienkasse (C 612/10)

Arrêt du 12 juin 2012

Sécurité sociale - Règlement (CEE) n° 1408/71 - Articles 14, point 1, sous a), et 14 bis, point 1, sous a) - Article 45 TFUE et 48 TFUE - Travail temporaire sur le territoire d'un État membre autre que celui sur lequel l'activité est normalement exercée - Prestations familiales - Législation applicable - Possibilité d'octroi d'une prestations familiale dans l'État de travail temporaire qui n'est pas l'État compétent - Application d'une règle anti-cumul nationale excluant cette prestation en cas de perception d'une prestation comparable dans un autre État

1. « Les articles 14, point 1, sous a), et 14 bis, point 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre qui n’est pas désigné, en vertu de ces dispositions, en tant qu’État compétent octroie des prestations pour enfant conformément à son droit national à un travailleur migrant effectuant un travail temporaire sur son territoire dans des circonstances telles que celles en cause au principal, y compris lorsqu’il est constaté, en premier lieu, que le travailleur en cause n’a subi aucun désavantage sur le plan juridique du fait de l’exercice de son droit à la libre circulation dès lors qu’il a conservé son droit à des prestations familiales de même nature dans l’État membre compétent et, en second lieu, que ni ce travailleur ni l’enfant pour lequel ladite prestation est réclamée ne résident habituellement sur le territoire de l’État membre où le travail temporaire a été effectué.

2. Les règles du traité FUE en matière de libre circulation des travailleurs doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à l’application, dans une situation telle que celle en cause au principal, d’une règle de droit national telle que celle découlant de l’article 65 de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz), pour autant que celle-ci implique non pas une diminution du montant de la prestation à concurrence de celui d’une prestation comparable perçue dans un autre État, mais l’exclusion de cette prestation. »

Monsieur Hudzinski, de nationalité polonaise, réside en Pologne où il travaille et il est affilié au régime polonais en qualité d’agriculteur non salarié.

Du 20 août au 7 décembre 2007 l’intéressé a été employé en qualité de travailleur saisonnier dans une entreprise horticole en Allemagne et pour l’année 2007 il a été intégralement assujetti à l’impôt sur le revenu en Allemagne.

Il a formulé auprès de l’Agentur für arbeit Wesel - Familienkasse une demande prestation pour enfant pour ses deux enfants qui résident en Pologne (154 euros par mois et par enfant). Cette demande a été rejetée par l’institution allemande.

Monsieur Wawrzyniak, de nationalité polonaise, vit avec son épouse et sa fille en Pologne où il est affilié au régime de sécurité sociale au titre d’une activité salariée. De février à décembre 2006 l’intéressé a été détaché en Allemagne et pour l’année 2006 il a été, en commun avec son épouse, intégralement assujetti à l’impôt sur le revenu en Allemagne.

Il a formulé une demande de versement de prestation pour enfant pour sa fille pour un montant s’élevant à 154 euros par mois, demande qui a été rejetée par l’Agentur für arbeit Mönchengladbach - Familienkasse.

Les tribunaux auprès desquels les intéressés ont formé un recours demandent à la Cour de justice si les articles 14, point 1, sous a) et 14 bis, point 1 sous a) du règlement n° 1408/71 s’opposent à ce qu’un État membre, qui n’est pas désigné en vertu des dispositions du règlement en tant qu’État compétent, octroie conformément à son droit national, des prestations pour enfant à un travailleur migrant effectuant un travail temporaire sur son territoire, y compris lorsque l’intéressé n’a subi aucun désavantage sur le plan juridique du fait de l’exercice de son droit à la libre circulation, dans la mesure où il a conservé le droit aux prestations familiales dans l’État membre compétent et que ni le travailleur, ni l’enfant pour qui la prestation est réclamée ne résident habituellement sur le territoire de l’État membre où le travail temporaire est exercé.

Dans ces affaires nul ne conteste que Monsieur Wawrzyniak et Monsieur Hudzinski sont maintenus au régime polonais de sécurité sociale dans le cadre respectivement de l’article 14, point 1, sous a) ou de l’article 14 bis, point 1, sous a), du règlement n° 1408/71.

Monsieur Wawrzyniak a été détaché en Allemagne pendant une période inférieure à 12 mois et durant cette période il est demeuré soumis à la législation de l’État membre sur le territoire duquel la société qui l’emploie a sont siège.

Il en est de même pour Monsieur Hudzinski qui durant une période inférieure à 12 mois a exercé une activité professionnelle en Allemagne, activité durant laquelle il a continué à être assujetti à la législation polonaise, État sur le territoire duquel il exerce normalement une activité non salariée.

La Cour de justice de l’Union européenne rappelle le principe d’unicité de législation du règlement et indique que les dispositions du titre II de ce texte déterminent la législation applicable afin d’éviter que les personnes qui se déplacent à l’intérieur de l’Union européenne ne relèvent de plusieurs législations.

Elle précise que le droit primaire de l’Union ne peut pas garantir que les déplacements dans l’Union européenne soient neutres pour les assurés.

Les intéressés étant affiliés au régime polonais de sécurité sociale, ni le droit primaire de l’Union, ni le règlement de coordination ne peuvent obliger les autorités allemandes à octroyer des prestations pour enfant. Toutefois, la Cour observe qu’en vertu de la seule législation allemande, les requérants pourraient bénéficier de ces prestations dans la mesure où ils ont été intégralement assujettis à l’impôt sur le revenu en Allemagne.

Certes, les intéressés n’ont ni perdu de droit aux prestations familiales, ni subi de réduction de celles-ci du fait d’avoir usé de leur droit à la libre circulation, dans la mesure où ils conservent leurs droits aux prestations familiales dans l’État compétent.

La Cour observant que le premier considérant du règlement (CEE) n° 1408/71 vise l’amélioration du niveau de vie et des conditions d’emploi des travailleurs migrants, estime qu’interpréter ce règlement comme interdisant à un État membre d’accorder au travailleur et aux membres de sa famille une protection plus large que celle découlant du règlement lui-même serait aller au-delà de l’objectif de ce texte et se placer en dehors des buts de l’article 48 TFUE.

La règlementation de l’Union ne peut pas, sauf exception explicite, être appliquée de manière à priver un travailleur migrant ou ses ayants droit du bénéfice de prestations accordées en vertu de la législation d’un État membre.

Selon le droit allemand les prestations pour enfant sont versées à toute personne qui a un domicile ou son lieu de séjour habituel sur le territoire allemand ou qui n’ayant pas de domicile sur ce territoire est intégralement assujettie à l’impôt sur le revenu ou est considérée comme intégralement assujettie à l’impôt sur le revenu.

La Cour conclut que le règlement 1408/71 ne s’oppose pas à ce qu’un État qui n’est pas désigné comme État compétent en vertu des dispositions du titre II dudit règlement octroie des prestations pour enfant, conformément à son droit national à un travailleur migrant effectuant un travail temporaire sur son territoire, même si le travailleur n’a subi aucun désavantage du fait de l’exercice de son droit à la libre circulation, dans la mesure où il a conservé son droit aux prestations familiales de l’État membre compétent et que ni le travailleur, ni l’enfant, ne résident habituellement sur le territoire de l’État membre où est exercé le travail temporaire.

Enfin, sur l’application des règles anti cumul allemandes consistant non pas en une réduction de la prestation pour enfant à concurrence d’une prestation semblable perçue dans un autre État membre, mais dans la suppression pure et simple de celle-ci, la Cour estime que ces dispositions sont contraires aux règles relatives à la libre circulation des travailleurs prévues dans le TFUE.