Arrêt du 15 septembre 2022
Renvoi préjudiciel - Coordination des systèmes de sécurité sociale - Règlement (CE) n° 883/2004 - Article 13 - Détermination de la législation applicable - Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes - Annexe II - Article 1er, paragraphe 2 - Personne exerçant la profession d'avocat dont le centre d'intérêt des activités privées et professionnelles est situé en Suisse et qui exerce également cette profession dans deux autres États membres - Demande d'octroi d'une pension de retraite anticipée - Réglementation nationale imposant la renonciation, par l'intéressé, à l'exercice de ladite profession sur le territoire de l'Etat membre concerné et à l'étranger
Dans cette affaire, la juridiction autrichienne interroge la CJUE dans le cadre d'un litige opposant FK, ressortissant polonais et allemand, à l'ordre des avocats du barreau de Vienne, au sujet du rejet de sa demande d'octroi d'une pension de retraite anticipée. FK exerce la profession d'avocat en Suisse, où le centre d'intérêt de ses activités privées (lieu de son domicile) et professionnelles est situé, en Allemagne et en Autriche (où il renonce à l'exercice de cette profession).
Le juge national se demande si la réglementation autrichienne, qui subordonne le bénéfice d'une pension de retraite anticipée à la condition de renoncer à l'exercice de sa profession en Autriche et à l'étranger, est conforme au droit de l'Union, en particulier les libertés d'établissement et de circulation (articles 45 et 49 TFUE).
Dans ce contexte, la CJUE rappelle d'abord que l'accord CE-Suisse sur la libre circulation des personnes étend le champ d'application des règlements de coordination à la Suisse, considérée comme un Etat membre (article 1, paragraphe 2, de l'annexe II). Conformément à l'article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 883/2004, une personne exerçant normalement une activité non salariée dans 2 ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l'Etat de sa résidence si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet Etat. En l'espèce, dans la mesure où le temps de travail consacré par FK au sein de son cabinet autrichien n'a jamais excédé 10 % de son temps de travail global dans l'exercice de la profession d'avocat, la législation autrichienne ne s'applique pas. Or, la Cour précise que le principe d'unicité de la législation applicable ne prive pas un Etat membre non compétent de la faculté d'octroyer, sous certaines conditions, une pension de vieillesse à un travailleur migrant en application de son droit national.
Cette affaire ne soulève donc pas la question de la détermination de la législation applicable, mais uniquement celle de l'existence du droit d'un travailleur à prestation acquise au titre de cotisations versées à un régime de sécurité sociale d'un Etat membre. La CJUE examine la réglementation autrichienne et estime qu'elle constitue une entrave aux libertés garanties par le droit de l'Union, qui peut être admise si elle poursuit un objectif légitime d'intérêt général et respecte le principe de proportionnalité. En l'espèce, le gouvernement autrichien affirme notamment que le dispositif de retraite anticipée vise à protéger les personnes exerçant encore la profession d'avocat de la concurrence de celles qui sont déjà à la retraite. La Cour considère comme légitime l'objectif invoqué tenant à la politique de l'emploi. Elle constate néanmoins qu'exiger une renonciation à l'exercice d'une profession sur le territoire national et à l'étranger paraît excéder ce qui est nécessaire, dans la mesure où cet objectif peut être atteint en limitant la renonciation à exercer au seul territoire national, voire à une zone géographique limitée dans un autre Etat membre. Une telle réglementation fait d'ailleurs abstraction du fait que les conditions d'obtention et de maintien du droit à pension ne sont pas harmonisées entre les Etats membres, mais coordonnées par le droit de l'Union, les citoyens pouvant être obligés de continuer à exercer dans d'autres Etats membres en vue de l'acquisition de leur droit à pension en vertu des droits nationaux concernés.