Affaire C 57/96

H. Meints Contre Minister Van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij

Arrêt du 27 novembre 1997

Règlement (CEE) n° 1408/71 - Champ d'application matériel - Prestations de chômage - Prestation versée en une seule fois - Remboursement obligatoire en cas de reprise de travail avec l'ancien employeur - Exclusion - Règlement (CEE) n° 1612/68 - Égalité de traitement - Avantages sociaux - Inclusion - Condition de résidence sur le territoire national - Inadmissibilité

"Le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, ne s'applique pas à un régime d'indemnisation en vertu duquel des travailleurs agricoles, dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur, bénéficient d'une prestation, versée en une seule fois, dont le montant dépend uniquement de l'âge du bénéficiaire et qui doit être remboursée si ce dernier entre à nouveau au service de son ancien employeur au cours d'une période de douze mois suivant la fin du contrat de travail.

Une prestation qui est versée en une seule fois aux travailleurs agricoles dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur doit être qualifiée d'avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté.

Un État membre ne saurait subordonner l'octroi d'un avantage social, au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, à la condition que les bénéficiaires de l'avantage aient leur résidence sur le territoire national de cet État. "

Cette affaire oppose Monsieur Meints, ressortissant allemand qui exerce son activité dans une exploitation agricole aux Pays-Bas et réside en Allemagne, au Fonds néerlandais de développement et d'assainissement pour l'agriculture qui gère le "régime d'indemnisation des travailleurs se retirant de l'agriculture". Dans le cadre de la gestion de ce régime, le fonds répartit une subvention nationale accordée au secteur agricole en vue de soutenir les adaptations nécessitées dans ce secteur par la politique communautaire.

A la suite de la mise en jachère de terres par son employeur, l'intéressé est devenu chômeur et a perçu des indemnités de chômage dans le pays de sa résidence. Il a formulé une demande d'indemnisation constituée en une allocation versée en une seule fois. Cette prestation lui a été refusée au motif qu'il ne bénéficiait pas d'une prestation de chômage du régime néerlandais et qu'il ne résidait pas sur le territoire des Pays-Bas.

Cette indemnisation, servie aux anciens travailleurs agricoles dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère des terres de l'employeur, est versée à la condition que le travailleur ouvre droit à une prestation de chômage en vertu de la Werkloosheidswet (loi sur le chômage), qui elle même exige une condition de résidence sur le territoire néerlandais.

Cette allocation, dont le montant dépend uniquement de l'âge du bénéficiaire, doit être remboursée lorsque le travailleur, dans les douze mois qui suivent la fin de son ancien contrat, reprend une activité chez le même employeur. Par contre, elle n'a pas à être remboursée lorsque le travailleur reprend une activité professionnelle chez un employeur autre que celui chez qui il était occupé précédemment.

Le tribunal néerlandais, auprès de qui Monsieur Meints a formé un recours, a demandé à la Cour de Justice des Communautés Européennes si les dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 s'appliquent à une prestation telle que celle versée dans le cadre du régime d'indemnisation des travailleurs se retirant de l'agriculture. En cas de réponse négative à la première question, la juridiction néerlandaise demande si la prestation en cause doit être assimilée à un avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68, et dans cette hypothèse, elle pose la question de savoir si la condition de résidence aux Pays-Bas n'est pas discriminatoire.

Sur la nature de la prestation servie, la Cour de Justice des Communautés Européennes examine si la prestation pourrait être qualifiée de prestation de chômage, prestation dont elle semble se rapprocher le plus. Elle observe que ni le montant, ni la prestation ne sont subordonnés à la durée du chômage, dans la mesure où il suffit que le contrat de travail ait pris fin et qu'au moment de la perception de l'allocation, l'intéressé soit en chômage. Par ailleurs, la prestation fait l'objet d'un versement unique et non pas de versements périodiques. Enfin, elle s'ajoute aux prestations de chômage. Elle conclut que cette allocation, qui est versée pour soutenir le secteur agricole, s'apparente à une indemnité de licenciement versée par des fonds publics et elle ne peut donc pas relever du champ d'application du règlement (CEE) n° 1408/71.

Dans sa deuxième question le tribunal néerlandais demandait si la prestation en cause pouvait être qualifiée d'avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68. La Cour de Justice des Communautés Européennes rappelle qu'elle a toujours donné une interprétation large de la notion d'avantage social, en faisant entrer dans cette notion tous les avantages reconnus aux travailleurs nationaux, en raison de leur qualité de travailleur ou du seul fait de leur résidence, que ces avantages soient liés ou pas à un contrat de travail. L'indemnisation qui est l'objet du litige est soumise à l'existence d'un rapport de travail auquel il a été mis fin, elle répond donc à la définition de la notion d'avantage social donnée par la Cour.

La deuxième partie de la question posée par le tribunal néerlandais est très importante car il demande si le versement d'un avantage social visé à l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 doit être subordonné à une condition de résidence sur le territoire de l'État qui accorde l'avantage en cause.

La Cour indique que l'article 7 précité proscrit les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais également toute autre forme de discrimination qui, par application d'autres critères que la nationalité, aurait dans les faits le même résultat. Dans le cas d'espèce, la notion de résidence sera plus facilement remplie par un travailleur national que par un travailleur communautaire.

Aux observations des gouvernements néerlandais et français qui faisaient valoir que le règlement (CEE) n° 1612/68 ne prévoit pas l'exportation des avantages sociaux, la Cour de Justice des Communautés Européennes se réfère au quatrième considérant du règlement (CEE) n° 1612/68 qui reconnaît le droit à la libre circulation "indifféremment aux travailleurs permanents, saisonniers, frontaliers ou qui exercent leur activité à l'occasion d'une prestation de services", et à l'article 7 lui même qui fait référence, sans distinction, "au travailleur ressortissant d'un État membre".

Pour la première fois, la Cour reconnaît l'exportation d'avantages sociaux visés dans le champ d'application du règlement (CEE) n° 1612/68.