Affaire C-562/10

Commission européenne contre République fédérale d'Allemagne

Arrêt du 12 juillet 2012.

Manquement d'État - Libre prestation de services - Système de sécurité sociale autonome assurant le risque dépendance - Prestations en nature en cas de dépendances - Séjour temporaire de la personne dépendante dans un autre État membre - Prestations de l'État membre de séjour ne sont pas fournies au même taux de remboursement que dans l'État compétent

1) Le recours est rejeté

2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Cette affaire concerne un ressortissant allemand qui séjourne deux mois par an avec son épouse dépendante dans un hôtel de cure dans un autre État membre. Pour dispenser les soins à son épouse il est assisté par un service de soins à domicile étranger. Il fallait en outre louer un lit médicalisé. L’assurance dépendance du pays de séjour ne prenait pas en charge les frais de location du lit médicalisé et elle accordait une allocation dépendance d’un montant nettement inférieur au montant des prestations en nature auxquelles il aurait été possible de recourir en Allemagne.

La commission après avoir eu connaissance de ces faits a demandé à l’Allemagne de lui fournir des informations complémentaires. Au regard des informations transmises la commission a fait observer que les dispositions de l’assurance dépendance de la sécurité sociale relatives au remboursement des frais de soins à domicile engagés dans un autre État membre pouvaient être incompatibles avec la libre prestation de services.

Les griefs de la commission portent sur les dispositions de la législation allemande relatives au remboursement des prestations de soins « fournies par un prestataire établi dans un autre État membre » à une personne dépendante séjournant temporairement dans un autre État membre et, d’autre part sur les dispositions relatives au remboursement des frais de location de matériel de soins.

Pour la commission la jurisprudence relative au remboursement des frais médicaux survenus dans un autre État membre que l’État compétent peut être transposée dans le cas d’espèce. En effet, le système allemand de convention de prestations ne traite pas de manière égale les prestataires de soins à l’étranger et en Allemagne. Les personnes dépendantes assurées en Allemagne ne peuvent pas avoir recours dans d’autres États membres aux prestations en nature de l’assurance dépendance alors qu’ils pourraient en bénéficier en Allemagne.

Par ailleurs, la Commission estime que la législation allemande est discriminatoire en ce sens que les frais de matériel de location dans d’autres États membres ne sont pas pris en charge, alors qu’en Allemagne ils auraient pu faire l’objet d’une prise en charge.

Pour la commission la jurisprudence portant sur le remboursement des frais de traitement médicaux dispensés dans d’autres États membres devrait être transposée à la règlementation allemande sur le risque dépendance en vue d’identifier une restriction à la libre prestation de services.

Dans l’arrêt Molenaar la Cour a jugé que l’allocation de dépendance allemande était une prestation en espèces que l’assuré pouvait percevoir sur le territoire d’un État membre autre que l’Allemagne.

La Cour observe que les prestations de l’assurance dépendance consistant en une prise en charge ou un remboursement des frais liés à un état de dépendance (soins prodigués à domicile par une tierce personne ou fourniture d’installation d’équipement nécessaire) entrent dans la notion de « prestations en nature » relèvent du champ d’application du règlement n° 1408/71. Les prestations du risque dépendance sont en général de longue durée et n’ont pas vocation à être versées à court terme.

Elle ajoute que dans le cadre du règlement 1408/71 une personne dépendante pourrait bénéficier d’une combinaison de prestations en espèces et de prestations en nature dont le montant total pourrait, le cas échéant, être supérieur à celui des prestations analogues servies sur le territoire de l’État compétent : prestations en nature servies selon les dispositions de la législation de l’État de séjour et prestations en espèces selon les dispositions de la législation compétente. La personne peut donc être plus ou moins bien couverte en fonction de la législation locale de sécurité sociale qui prendrait en charge des prestations en nature de soins à domicile.

L’article 48 TFUE prévoit une coordination des législations en matière de sécurité sociale et non pas une harmonisation, les règles du traité ne peuvent donc pas garantir la neutralité d’un déplacement sur le territoire d’un autre État membre, notamment en ce qui concerne les prestations de maladie ou de dépendance.

N’est pas contraire au Traité l’application d’une législation nationale lors d’un séjour temporaire dans le cadre du règlement 1408/71 qui se révèlerait moins favorable que celle de l’État compétent.

La location de matériel de soins dans l’État de séjour, entrainerait pour les caisses allemandes une charge supplémentaire qui s’ajouterait aux frais de location déjà financé en Allemagne.