Affaire C 543/03

Christine Dodl, Petra Oberhollenzer c/ Tiroler Gebietskrankenkasse

Arrêt du 7 juin 2005

Règlements (CEE) n° 1408/71 et 574/72 - Prestations familiales - Allocation d'éducation - Droit à des prestations de même nature dans l'État membre de d'emploi et dans l'État membre de résidence

1. « Une personne a la qualité de « travailleur » au sens du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 1386/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, dès lors qu’elle est assurée, ne serait-ce que contre un seul risque, au titre d’une assurance obligatoire ou facultative auprès d’un régime général ou particulier de sécurité sociale mentionné à l’article 1er, sous a), du même règlement, et ce indépendamment de l’existence d’une relation de travail. Il appartient au juge national de procéder aux vérifications nécessaires afin de déterminer si, pendant les périodes pour lesquelles les allocations en cause ont été demandées, les requérantes au principal étaient affiliées à une branche du régime de sécurité sociale autrichienne et, en conséquence, relevaient de la notion de « travailleur salarié » au sens dudit article 1er, sous a).

2. Lorsque la législation de l’État membre d’emploi et celle de l’État membre de résidence d’un travailleur salarié reconnaissent chacune à celui-ci, pour le même membre de famille et pour la même période, des droits à prestations familiales, l’État membre compétent pour verser lesdites prestations est, en principe, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 410/2002 de la Commission, du 27 février 2002, l’État membre d’emploi.

Toutefois, lorsqu’une personne ayant la garde des enfants, en particulier le conjoint ou le compagnon dudit travailleur, exerce une activité professionnelle dans l’État membre de résidence, les prestations familiales doivent, en application de l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement n° 574/72, tel que modifié par le règlement n° 410/2002, être versées par cet État membre, quel que soit le bénéficiaire direct de ces prestations désigné par la législation dudit État. Dans cette hypothèse, le versement des prestations familiales par l’État membre d’emploi est suspendu jusqu’à concurrence du montant des prestations familiales prévu par la législation de l’État membre de résidence. »

Mesdames Dodl et Oberhollenzer, ressortissantes autrichiennes, travaillent en Autriche mais résident en Allemagne. Leur époux et compagnon travaillent à temps plein en Allemagne.

Les intéressées à la suite de la naissance de leur enfant ont vu leur contrat de travail suspendu (du 21 juin 2002 au 7 octobre 2002 pour Madame Dodl et du 8 novembre 2002 au 9 septembre 2004 pour Madame Oberhollenzer). Elles se sont vues refuser par les autorités allemandes l’allocation fédérale d’éducation et par les autorités autrichiennes l’allocation de garde d’enfant.

Le tribunal autrichien auprès de qui l’affaire a été portée demande à la Cour de justice des Communautés européennes si la suspension de leur relation de travail fait perdre aux intéressées la qualité de travailleur salarié au sens du règlement (CEE) n° 1408/71.

La Cour indique que selon une jurisprudence constante ce n’est pas l’existence d’une relation de travail qui détermine si une personne continue à relever du champ d’application personnel règlement, mais le fait qu’elle soit assurée contre des risques mentionnés à l’article 1er, sous a), dudit règlement. De ce fait, la suspension du contrat de travail pendant une durée déterminée ne peut pas priver les intéressées de leur qualité de travailleur. Elle laisse au tribunal national le soin de vérifier que durant les périodes pour lesquelles les allocations ont été demandées les intéressées relevaient d’au moins une branche de sécurité sociale autrichienne.

Dans sa deuxième question le tribunal autrichien demandait, dans l’hypothèse où les intéressées relèveraient du champ d’application personnel du règlement, de lui indiquer l’État membre prioritaire pour le service des prestations familiales.

La Cour observe que l’article 73, combiné avec l’article 13, paragraphe 2, sous a) du règlement n° 1408/71, permet de servir des prestations familiales de l’État d’emploi dans l’État de résidence.

Elle ajoute que l’article 73 n’est pas une règle absolue et que les droits que les intéressées tirent en leur qualité de travailleur salarié doivent être confrontés aux règles anticumul du règlement. En l’espèce, la naissance d’un enfant ouvre droit aux allocations familiales à la fois en Autriche et en Allemagne. En Autriche le droit à l’allocation de garde naît du chef de la mère en qualité de travailleur salarié, en application de l’article 73. En Allemagne en vertu de la législation nationale, un des parents a le droit de percevoir l’allocation d’éducation en raison du fait que son enfant y réside.

L’article 76 n’est pas pertinent car le droit en Allemagne n’est pas ouvert au titre d’une activité professionnelle, mais sous condition de résidence et de non exercice d’activité.

Par contre l’article 10 du règlement (CEE) n° 574/72 trouve son application dans la mesure où cet article prévoit que le droit aux prestations dues dans l’État de résidence de l’enfant, indépendamment d’une condition d’assurance ou d’emploi, est suspendu lorsque des prestations sont dues au titre de l’article 73.

Par contre, si une activité est exercée dans l’État de résidence les prestations dues en vertu de l’article 73 sont suspendues, jusqu’à concurrence du montant des prestations versées par l’État de résidence. La Cour indique que c’est à l’Allemagne qu’il appartient de servir les prestations familiales. Elle précise que l’argument des autorités allemandes selon lequel les pères des enfants ne remplissent pas les conditions d’ouverture de droits aux allocations allemandes est sans effet sur l’application de l’article 10, paragraphe 1, sous b), i) du règlement n° 574/72. En effet il n’est pas exigé pour renverser la priorité en faveur de l’État membre de résidence que l’activité professionnelle soit exercée par la personne ayant personnellement droit aux prestations familiales, il suffit que le droit soit ouvert du chef de l’un des parents, en l’espèce la mère.

La Cour ajoute que dans l’hypothèse où Madame Dodl ne serait pas titulaire d’un droit à l’allocation allemande d’éducation, au motif que le plafond de revenus est dépassé et que son conjoint ne peut pas non plus y prétendre en raison de l’exercice d’une activité professionnelle à temps plein, il y aurait lieu de faire application de l’article 73, sans recourir aux règles anti cumul.