Affaire C 53/95

Institut National d'Assurances Sociales pour Travailleurs Indépendants contre Hans Kemmler

Arrêt du 15 février 1996

Liberté d'établissement - Activité indépendante sur le territoire de deux États membres

"L'article 52 du traité CE s'oppose à ce qu'un État membre oblige à cotiser au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants les personnes qui exercent déjà une activité indépendante dans un autre État membre où elles sont domiciliées et affiliées à un régime de sécurité sociale, alors que cette obligation n'entraînerait à leur profit aucune protection sociale complémentaire ".

Cette affaire oppose Monsieur Kemmler, avocat de nationalité allemande, à l'Institut National d'Assurances Sociales pour Travailleurs Indépendants (INASTI) au sujet du paiement de cotisations au régime de sécurité sociale belge au titre de l'année 1981 et du premier semestre 1982. L'intéressé exerce une activité indépendante en Allemagne où il est assujetti auprès du régime allemand de sécurité sociale, et en Belgique où il est inscrit comme avocat au barreau de Bruxelles. L’INASTI estime que l'intéressé doit être assujetti au régime belge de sécurité sociale jusqu'au 30 juin 1982, date d'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 1390/81 du Conseil, du 12 mai 1981, étendant aux travailleurs non salariés le règlement (CEE) n° 1408/71.

Le tribunal belge saisi du litige demande à la Cour de Justice des Communautés Européennes si les articles 48, 51, 52, 59 du traité interdisent qu'une personne soit assujettie à la législation d'un État membre et doive verser des cotisations sur le territoire d'un autre État membre.

La Cour indique en préalable, qu'en la matière, le règlement (CEE) n° 1390/81 étendant le règlement (CEE) n° 1408/71 aux travailleurs non salariés n'ouvre aucun droit pour la période antérieure à la date de son entrée en vigueur le 1er juillet 1982. Elle précise que l'intéressé n'exerçant pas d'activité salariée, mais une activité indépendante avec une installation stable et permanente dans les deux États, ni les articles 48 à 51 du traité relatifs à la libre circulation du travailleur, ni l'article 59 concernant la libre prestation de service ne lui sont applicables.

Dans ce cas particulier, il peut seulement être fait référence à l'article 52 relatif au droit d'établissement et qui prescrit la suppression des restrictions à la liberté d'établissement et qui est directement applicable. Le respect de la liberté d'établissement s'impose aux États membres, même en l'absence de réglementation communautaire sur le statut social des travailleurs indépendants. La liberté d'établissement ne se limite pas à la création d'un seul établissement, mais permet la création et le maintien de plus d'un centre d'activité.

La Cour conclut que l'obligation de payer des cotisations dans un État membre au titre d'une activité indépendante exercée dans cet État pour une personne exerçant déjà dans un autre État membre où elle est assujettie une activité indépendante est contraire à l'article 52 du Traité, d'autant plus que cet assujettissement n'entraîne aucune protection sociale complémentaire.