Affaires jointes C 52/99 et C 53/99

Office national des pensions et Gioconda Camarotto et Giuseppina Vignone

Arrêt du 22 février 2001

Sécurité sociale - Règlement (CEE) n° 1408/71 tel que modifié par le Règlement n° 1248/92 - Assurance vieillesse et décès - Calcul de la prestation - Modification des règles de calcul

1) " L'article 95 bis du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992, portant dispositions transitoires pour l'application du règlement n° 1248/92, s'applique aux bénéficiaires de pension qui, avant l'entrée en vigueur des modifications apportées par ce dernier règlement, avaient déjà introduit un recours devant une juridiction nationale en vue d'obtenir le droit à la pension en contestant l'application des règles anti cumul nationales, recours qui, au moment de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, n'avait pas encore fait l'objet d'une décision définitive.

2) Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en premier lieu, si la législation nationale impose d'introduire une demande de révision soit auprès de l'institution de sécurité sociale compétente dans le délai prescrit et dans les formes requises, soit devant la juridiction elle-même selon les règles de procédure applicables. En second lieu, il incombe à cette juridiction de vérifier que de telles exigences ne sont pas moins favorables que celles applicables à des situations similaires relevant de l'ordre juridique national et qu'elles ne rendent pas impossible dans la pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés aux intéressés par le règlement (CEE) n° 1408/71, tel que modifié par le règlement n° 1248/92 ".

En novembre 1984 Monsieur Sutto a obtenu la liquidation d'une pension de vieillesse belge pour une carrière validée à concurrence de 37/45, ainsi qu'une pension italienne. Madame Vignone quant à elle a obtenu une pension de survivant du régime belge pour une carrière validée à concurrence de 27/30 ainsi qu'une pension italienne de survivants. Lors de la liquidation de ces avantages, l'institution belge avait fait application des règles de cumul prévues par sa législation.

Les intéressés ont contesté la méthode de calcul de cet avantage et par jugement du 14 mai 1987, le tribunal de Namur leur a donné gain de cause. L'Office National des Pensions a fait appel de cette décision, mais les litiges ayant trait aux règles de cumul, la procédure a été suspendue dans l'attente de l'issue des autres procédures pendantes devant la Cour de Cassation belge et devant la Cour de justice des Communautés européennes. Durant ce temps Monsieur Sutto est décédé.

A la suite de la modification des règlements communautaires par le règlement n° 1248/92 1 et alors que les deux affaires étaient toujours suspendues, l'ONP a adressé une lettre à son avocat donnant pour chacune des deux pensions un décompte calculé au 1er juin 1992, en fonction des nouvelles règles applicables dans le règlement et dont le montant était plus favorable que ceux précédemment évalués. Toutefois, l'ONP n'a pas porté à la connaissance des intéressés qu'à son sens, ils étaient tenus de présenter une demande de révision de leur pension, dans le délai de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur du règlement modificatif.

En janvier 1996 la procédure a été reprise en Belgique et l'ONP, se fondant sur les dispositions de l'article 95 bis, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 1408/71 a indiqué que dans la mesure où les intéressés n'avaient pas formulé de demande de révision, il n'était pas tenu de majorer les pensions avec effet rétroactif au 1er juin 1992.

La juridiction belge demande à la Cour de justice si les dispositions transitoires de l'article 95 bis du règlement (CEE) n° 1408/71 s'appliquent uniquement aux bénéficiaires de pension dont la décision était définitive au 1er juin 1992 ou, si ces dispositions s'appliquent également aux personnes ayant introduit avant cette date un recours devant une juridiction nationale, recours pour lequel aucune décision définitive n'a encore été prise. A cette question la Cour répond par l'affirmative. Les révisions ne peuvent pas se limiter aux situations dans lesquelles des décisions définitives ont été prises.

La juridiction belge demande également si l'article 95 bis, du règlement (CEE) n° 1408/71, s'oppose à l'application d'une règle du droit national, qui aurait pour effet de permettre la présentation d'une demande de révision après l'expiration du délai de deux ans.

La Cour observe que le paragraphe 6, de l'article 95 bis précité reconnaît l'existence de dispositions plus favorables dans la législation des États membres permettant de formuler une demande de révision après l'expiration du délai de deux ans, sans que les droits des requérants ne se trouvent frappés de déchéance ou prescrits.

La Cour indique que si la législation nationale fixe un délai supérieur à deux ans pour le dépôt de réclamations similaires, la juridiction nationale est tenue d'assurer un traitement aussi favorable aux demandes fondées sur le droit communautaire, y compris s'il existe un effet rétroactif prévu par le droit national.

Elle conclut qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier si la législation nationale impose d'introduire une demande de révision et de vérifier si ces règles ne sont pas moins favorables que celles applicables aux situations similaires relevant de l'ordre juridique interne.


1 Ce règlement prévoit que le travailleur a droit au montant le plus élevé des prestations qui seraient dues en application du seul droit national et celles qui seraient dues en application du droit communautaire.