Affaires jointes C 502/01 et C 31/02

Silke Gaumain-Cerri et Kaufmännische Krankenkasse Pflegekasse et Maria Barth et Landesversicherungsanstalt Rheinprovinz

Arrêt du 8 juillet 2004

Libre circulation des travailleurs - Règlement (CEE) n° 1408/71 - Prestations destinées à couvrir le risque de dépendance - Prise en charge par l'assurance dépendance des cotisations d'assurance vieillesse de la tierce personne assistant la personne dépendante

1) « Une prestation telle que la prise en charge, par l'organisme prestataire de l'assurance dépendance, des cotisations à l'assurance vieillesse de la tierce personne qui apporte des soins au domicile d'une personne dépendante dans les conditions des affaires au principal, constitue une prestation de maladie au profit de la personne dépendante soumise au règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leurs familles qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996.

2) S'agissant de prestations telles que celles de l'assurance dépendance allemande apportées dans les conditions des affaires au principal, à un assuré résidant sur le territoire de l'État compétent ou à une personne résidant sur le territoire d'un autre État membre et affiliée à cette assurance en tant que membre de la famille d'un travailleur, le traité, en particulier l'article 17 CE, ainsi que le règlement (CEE) n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97, s'opposent à ce que la prise en charge des cotisations d'assurance vieillesse d'un ressortissant d'un État membre assurant le rôle de tierce personne apportant des soins au bénéficiaire de ces prestations soit refusée par l'institution compétente au motif que cette tierce personne ou ledit bénéficiaire résident dans un autre État membre que l'État compétent ».

Madame Gaumin-Cerri, de nationalité allemande, et son époux, de nationalité française, résident en France et exercent à temps partiel une activité en Allemagne en qualité de travailleurs frontaliers. Ils sont affiliés en Allemagne au titre de leur activité. Leur fils qui réside avec eux souffre d'un handicap et en qualité d'ayant droit de ses parents, perçoit des prestations de l'assurance dépendance. Les parents assument eux-mêmes à domicile à titre bénévole, le rôle de tierce personne. Toutefois, l'institution allemande compétente refuse de prendre en charge les cotisations d'assurance vieillesse de Madame Gaumain-Cerri et de son époux au titre de leur activité d'assistance à la personne dépendante, au motif qu'ils ne résident pas sur le territoire allemand. Cette activité au regard du droit allemand ayant un caractère non professionnel, en l'absence de résidence sur le territoire allemand, il n'existe aucune obligation au regard de la loi allemande.

Madame Barth, de nationalité allemande, réside en Belgique, à proximité de la frontière allemande, et apporte son assistance en Allemagne à un fonctionnaire retraité. Elle perçoit une rémunération de 400 euros par mois et au regard de la loi allemande cette activité d'assistance est considérée comme non professionnelle. La personne dépendante assistée par Madame Barth perçoit des prestations de l'assurance dépendance de deux institutions allemandes. Toutefois, la Landesversicherungsanstalt Rheinprovinz a fait interrompre le versement de cotisations permettant à l'intéressée d'acquérir des droits à l'assurance pension allemande, au motif qu'elle ne résidait pas sur le territoire allemand.

Le tribunal allemand saisi de ces deux affaires demande à la Cour de justice des Communautés européennes si une prestation, telle que la prise en compte des cotisations d'assurance vieillesse de la tierce personne qui apporte des soins à domicile, constitue une prestation de maladie ou une prestation de vieillesse. De plus, si la prestation est fournie par un organisme de droit privé comme c'est le cas pour la personne assistée par madame Bath, la réponse est-elle différente ?

Les juridictions allemandes demandent également si l'article 39 du traité CE ou le règlement (CEE) n° 1408/71, s'opposent à ce que la prestation soit refusée au motif que la personne qui apporte les soins ne réside pas sur le territoire de l'État compétent.

Sur l'application du règlement (CEE) n° 1408/71 à la prise en charge des cotisations d'assurance vieillesse de la tierce personne qui assiste la personne dépendante, la Cour de justice des Communautés européennes rappelle que dans l'arrêt Molenaar (C 160/96) elle avait indiqué que des prestations qui, même si elles présentent des caractéristiques qui leurs sont propres, ont pour objet de compléter les prestations de l'assurance maladie afin d'améliorer l'état de santé et la vie des personnes dépendantes, doivent être regardées comme des prestations de l'assurance maladie au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71.

Elle précise que les prestations visant à assurer une couverture du risque vieillesse d'une tierce personne assistant une personne dépendante constituent également des prestations de maladie au profit des personnes dépendantes.

D'après la Cour, le fait que celui qui assiste la personne dépendante profite de la prestation ne change rien au fait que la personne dépendante bénéficie d'un ensemble de prestations dans des conditions aussi favorables que possible. Elle en conclut que cette prestation relève bien de l'assurance maladie.

De plus, que la prestation soit assurée en tout ou partie par un assureur privé, ne peut pas la faire échapper au champ d'application du règlement (CEE) n° 1408/71, dès lors que la conclusion d'un tel contrat découle directement de la législation de sécurité sociale en cause.

La Cour indique que la prise en charge des cotisations doit être qualifiée de prestations en espèces de l'assurance maladie en raison de son caractère accessoire de l'allocation dépendance, en ce sens qu'elle complète directement l'allocation pour un de ses usages possibles, à savoir le recours à l'assistance à domicile d'une tierce personne.

Elle observe que selon l'article 19 du règlement, les membres de la famille du travailleur qui ne résident pas sur le territoire de l'État compétent doivent pouvoir bénéficier dans leur État de résidence, des prestations en espèces de l'assurance maladie servies directement par l'institution compétente de l'autre État membre, selon les dispositions de la législation qu'elle applique, à moins qu'ils n'aient droit à de telles prestations en vertu de la législation du pays de résidence. C'est ainsi que les cotisations d'assurance vieillesse d'une personne assistant une personne dépendante, qui est membre de la famille d'un travailleur affilié à la législation allemande, doivent être prises en charge par l'institution compétente allemande comme si la personne dépendante résidait en Allemagne. Une telle solution pourrait ne pas être appliquée si l'intéressé avait droit à une prestation équivalente au titre de la législation française, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La Cour observe que les tierces personnes ont la citoyenneté de l'Union européenne. Le refus de prendre en charge les cotisations vieillesse d'une tierce personne assistant une personne dépendante, au seul motif que les intéressés ne résident pas sur le territoire de l'État compétent, conduit à traiter de manière différente des personnes se trouvant dans la même situation, à savoir apporter des soins non professionnels, au sens de la législation compétente à des bénéficiaires de l'assurance dépendance relevant de cette législation. De ce fait le critère de résidence apparaît comme une différence de traitement, pour des situations comparables, constitutive d'une discrimination prohibée par le droit communautaire.

Elle conclut que la prise en charge des cotisations d'assurance vieillesse d'une personne assurant le rôle de tierce personne apportant des soins à un bénéficiaire de l'assurance dépendance, ne peut pas être refusée par l'institution compétente au motif que le tierce personne ou que le bénéficiaire réside en dehors de l'État compétent.