Affaires jointes C 49/98, C 50/98, C 52/98, C 54/98, C 68/98, C 71/98

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Arrêt du 25 octobre 2001

Libre prestation de services - Détachement temporaire pour l'exécution d'un contrat - Congés payés et pécule de vacances

1) "Les articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et 60 du traité CE (devenu article 50 CE), ne s'opposent pas à ce qu'un État membre impose à une entreprise établie dans un autre État membre, qui effectue une prestation de services sur le territoire du premier État membre, une réglementation nationale, telle que celle qui résulte de l'article 1er, paragraphe 3, première phrase, de l'Arbeitnehmerensendegesetz (loi allemande sur le détachement des travailleurs), garantissant aux travailleurs détachés à cette fin par l'entreprise des droits à des congés payés, à condition, d'une part, que les travailleurs ne bénéficient pas d'une protection essentiellement comparable en vertu de la législation de l'État membre d'établissement de leur employeur, de sorte que l'application de la réglementation nationale du premier État membre leur apporte un avantage réel qui contribue, de manière significative, à leur protection sociale, et, d'autre part, que l'application de cette réglementation du premier État membre soit proportionnée à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

2) a) Les articles 59 et 60 du traité ne s'opposent pas à ce que la réglementation d'un État membre qui prévoit une durée de congés payés supérieure à celle prévue par la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, soit étendue aux travailleurs détachés dans cet État membre par des prestataires de services établis dans d'autres États membres, pendant la période de détachement.

b) Dans la mesure où cela est justifié par des différences objectives entre les entreprises établies en République fédérale d'Allemagne et celles établies dans d'autres États membres, les articles 59 et 60 du traité ne s'opposent pas à ce qu'une réglementation nationale accorde aux premières un droit au remboursement par la caisse de congés payés des sommes versées au titre des indemnités de congés et de la prime de vacances, alors qu'elle ne prévoit pas un tel droit pour les secondes mais confère, au lieu de cela, aux travailleurs détachés un droit direct envers ladite caisse.

c) Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, compte tenu du principe de proportionnalité, les types de renseignements que les autorités allemandes peuvent légitimement exiger des prestataires de services établis hors d'Allemagne. A cette fin, il convient que la juridiction de renvoi évalue si des différences objectives entre la situation des entreprises établies en Allemagne et celle des entreprises établies hors d'Allemagne nécessitent objectivement le surcroît de renseignements exigés de ces dernières.

3) Les articles 59 et 60 du traité s'opposent à l'application du régime d'un État membre en matière de congés payés à toutes les entreprises établies dans d'autres États membres fournissant sur le territoire du premier État membre des services dans le secteur du bâtiment, lorsque les entreprises établies dans le premier État membre qui n'exercent qu'une part de leur activité dans ce secteur n'y sont pas toutes soumises pour leurs travailleurs occupés dans ledit secteur ".

Cette affaire oppose des employeurs établis dans un autre État membre que la République fédérale d'Allemagne ayant détaché en Allemagne des travailleurs et qui ont été mis en demeure par la caisse de congés payés allemande de verser des cotisations et de communiquer les renseignements prévus par la convention collective relative au régime des caisses de sécurité sociale pour le calcul des cotisations.

Le régime des congés payés des travailleurs du bâtiment est mis en œuvre en Allemagne par la caisse des congés payés. Le travailleur qui a exercé durant l'année une activité salariée pour le compte de plusieurs employeurs, est considéré comme s'il n'avait eu qu'un seul rapport de travail. Il peut ainsi totaliser les droits aux congés qu'il a acquis auprès de ses différents employeurs et faire valoir l'intégralité de ses droits auprès de l'employeur du moment, indépendamment de la durée de la relation de travail avec cet employeur. Afin d'éviter que l'employeur du moment des congés ait la charge financière de tous les congés, une caisse a été créée afin de garantir une répartition équitable des charges financières entre les employeurs concernés. C'est ainsi que les employeurs établis en Allemagne versent à la caisse des congés payés, des cotisations représentant 14,5 % de leur masse salariale brute. En contrepartie, ils acquièrent des droits au remboursement total ou partiel des prestations versées aux travailleurs au titre des congés payés et des primes de vacances. Pour établir le montant des cotisations dues, l'institution allemande demande aux employeurs étrangers certains renseignements afin de déterminer la masse salariale brute, renseignements qui sont plus importants que ceux réclamés aux sociétés établies en Allemagne. Par ailleurs, l'employeur établi hors du territoire allemand ne peut faire valoir aucun droit à remboursement vis à vis de la caisse. C'est le travailleur salarié qui peut obtenir le versement des congés payés directement de la caisse.

Les employeurs étrangers (huit employeurs établis au Portugal et un employeur établi au Royaume-Uni) se sont vus réclamer de la part de la caisse des congés payés des cotisations pour les salariés qu'ils avaient détachés en Allemagne, ainsi qu'un certain nombre de renseignements nécessaires à l'établissement de l'assiette des cotisations.

Le tribunal allemand demande à la Cour de justice des Communautés européennes si les article 59 et 60 du traité s'opposent à ce qu'un État impose à une entreprise établie sur un autre territoire, qui vient effectuer une prestation de services sur le territoire du premier État, une cotisation garantissant aux travailleurs détachés des droits aux congés payés.

La Cour rappelle que l'article 59 exclut toute discrimination à l'encontre des prestataires de services établis sur un autre territoire, mais exige également la suppression de toute restriction, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsque cette mesure est de nature à gêner la prestation de services ou à la rendre moins attrayante.

Elle précise qu'il appartient aux juridictions nationales de vérifier si les réglementations en cause aboutissent à une entrave à la libre prestation de services et dans un tel cas, si elles sont justifiées.

S'agissant de la réglementation allemande, celle-ci vise à lutter contre la concurrence créée par les entreprises européennes qui pratiquent des salaires moins élevés qu'en Allemagne. Toutefois, la Cour ne s'arrête pas au but poursuivi par le Législateur, elle examine si cette contribution présente pour le travailleur un avantage réel. Elle observe que les dispositions en cause présentent des avantages en accordant des jours de congés supplémentaires et une indemnité journalière plus importante. Il appartient donc aux institutions nationales d'examiner si la réglementation allemande confère une réelle protection additionnelle, par rapport à celle dont bénéficient les intéressés au regard de leur législation de travail habituelle.

Il convient également de vérifier que lors de leur retour, ils sont en mesure de faire valoir leurs droits et d'obtenir le versement d'indemnités de congés payés.

Sur la durée des congés prévus par la législation allemande qui est supérieure à celle de la directive 93/104, rien ne s'oppose à ce que cette durée soit étendue aux travailleurs détachés en Allemagne par des prestataires de services établis dans un autre État membre.

Sur le fait que pour les employeurs établis en Allemagne la caisse des congés payés les rembourse directement, alors que pour ceux établis hors du territoire allemand, les travailleurs bénéficient d'un droit direct vis à vis de la caisse, la Cour recommande aux institutions de renvoi de vérifier que cette différence de traitement ne constitue pas un désavantage pour les entreprises établies sur le territoire d'un autre État membre. Sur ce point, elle constate qu'il est plus efficace pour la caisse de verser les indemnités de congés directement aux travailleurs détachés. Cette différence ne serait alors pas une discrimination contraire aux articles 59 et 60 du traité.

Sur l'obligation des employeurs étrangers de communiquer des renseignements plus importants, la Cour observe que cela constitue une obligation supplémentaire pour les entreprises qui ne sont pas établies sur le territoire allemand et représente donc un frein à la libre prestation de services. L'obligation de fournir des documents spécifiques ne peut se justifier que si le contrôle ne peut pas être effectué à partir des documents tenus conformément à la législation de l'État où est établie l'entreprise.

La dernière question posée par le tribunal allemand concernait la notion d'entreprise qui était différente. En effet les travailleurs détachés par une entreprise établie hors d'Allemagne sont réputés constituer une entreprise, alors qu'une notion différente d'entreprise est appliquée lorsque l'entreprise est établie en Allemagne. En effet, une entreprise mixte établie en Allemagne n'est soumise à la convention collective du bâtiment que si le temps de travail de ses salariés affectés à ce secteur est supérieur au temps de travail des salariés affectés dans d'autres secteurs.

La Cour constate qu'à la différence des entreprises établies en Allemagne, celles établies sur le territoire d'un autre État membre sont toujours soumises à la convention collective du bâtiment, ce qui constitue une inégalité de traitement contraire à l'article 59 du traité.