Affaire C 482/93

S.E. Klaus contre Bestuur Van De Nieuwe Algemene Bedrijfsvereniging

Arrêt du 26 octobre 1995

Assurance maladie - Indemnités journalières - Totalisation des périodes d'assurance - Continuité des périodes d'assurance

"L'article 35, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83, du 2 juin 1983, ne s'applique pas à la législation d'un État membre excluant, en tout ou en partie, le bénéfice des prestations de maladie lorsque le travailleur était déjà inapte au travail au moment de son affiliation au régime qu'elle établit.

L'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens que, lorsque la législation applicable d'un État membre fait dépendre l'octroi de prestations de maladie en espèces de la condition que l'inaptitude au travail de l'assuré n'ait pas déjà existé au moment de son affiliation au régime qu'elle établit, l'institution compétente doit également tenir compte des périodes d'affiliation accomplies par l'intéressé sous la législation d'un autre État membre, comme s'il s'agissait de périodes accomplies sous la législation qu'elle applique.

La circonstance que le travailleur, après avoir transféré sa résidence d'un État membre dans un autre, n'a, pendant une courte période, ni exercé un emploi, ni été inscrit comme demandeur d'emploi sur le territoire de ce dernier État n'a pas pour effet d'interrompre la continuité des périodes d'affiliation accomplies par l'intéressé et de faire obstacle à l'application de la règle de totalisation énoncée par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71. "

Le litige opposait Madame Klaus à la Nieuwe Algemene Bedrijfsvereniging au sujet de l'octroi d'indemnités journalières de l'assurance maladie.

L'intéressée, de nationalité néerlandaise, a travaillé en qualité d'infirmière aux Pays-Bas de décembre 1985 à juillet 1987 et elle était, à ce titre, assurée en vertu de la loi sur les indemnités de maladie (la Ziektewet, ou ZW). A la suite de la cessation de son travail en raison de maux de dos, elle a suivi durant huit mois une formation de management au tourisme. En juin 1988, elle s'est rendue en Espagne pour exercer une activité d'hôtesse et d'assistante en relations publiques jusqu'en décembre de la même année, date à laquelle elle est revenue aux Pays-Bas pour y travailler.

En mai 1989, elle regagne l'Espagne où elle travaille jusqu'en octobre 1989. De retour aux Pays-Bas, elle travaille à compter 20 octobre 1989 au 7 novembre 1989, date à laquelle elle est contrainte d'interrompre son activité du fait de ses douleurs dans le dos qui se sont ravivées.

La caisse maladie néerlandaise refuse d'accorder les indemnités journalières de maladie à compter du 7 novembre 1989 au motif que l'intéressée aurait été inapte au travail lorsqu'elle a commencé à être assurée au titre de la ZW. En effet, la législation néerlandaise permet de refuser une indemnisation en tout ou partie lorsque l'inaptitude au travail existait au commencement de l'assurance.

Dans ses questions à la Cour de Justice des Communautés Européennes, le juge néerlandais cherchait à savoir si le droit communautaire permettait ou non que des dispositions nationales sur la sélection du risque soient opposables à un assuré avec pour conséquence le refus de servir les prestations en espèces.

La Cour de Justice des Communautés Européennes observe tout d'abord que l'article 35 § 3 évoqué par le tribunal néerlandais n'est pas applicable en l'espèce dans la mesure où cet article vise le cas où une condition relative à l'origine de l'affection est, en vertu de la législation de l'État compétent, opposée au travailleur et ne concerne pas le cas d'espèce qui subordonne le droit aux prestations de maladie à la condition que l'incapacité de travail en tant que telle n'ait pas déjà existé au moment de l'affiliation. Elle précise toutefois que les dispositions de l'article 18 § 1 du règlement précité prévoyant la totalisation des périodes d'assurance s'opposent au fait que l'institution néerlandaise applique comme point de départ de l'assurance la date de la dernière reprise du travail aux Pays-Bas. Il appartient donc à l'institution néerlandaise de tenir compte des périodes d'assujettissement accomplies par Madame Klaus sous la législation des autres États membres, comme s'il s'agissait de périodes d'assurance accomplies aux Pays-Bas.

Enfin, s'agissant de la brève interruption de travail de l'intéressée (entre le 1er et le 20 octobre), la Cour de Justice des Communautés Européennes indique que le fait, pour un travailleur migrant, de ne pas exercer d'activité pendant une brève période au cours de laquelle il s'occupe de son déménagement est inhérent à l'exercice du droit à la libre circulation. De plus, cette brève interruption, si la totalité de la carrière avait été accomplie aux Pays-Bas, n'aurait pas été prise en compte pour opposer un refus de prestations.

La Cour conclut donc que lorsqu'il existe dans une législation nationale des dispositions prévoyant que le service des prestations en espèces est subordonné au fait qu'il n'y avait pas, au moment de l'affiliation à l'assurance, inaptitude au travail, l'institution compétente est tenue de faire application de l'article 18 du règlement (CEE) n°1408/71 et de tenir compte des périodes accomplies sous une autre législation comme s'il s'agissait de périodes accomplies sous la législation qu'elle applique. Enfin, quelques jours sans travailler, sans être indemnisé au titre de la maladie ou du chômage n'ont pas pour objet d'interrompre la continuité des périodes d'assurance et de rendre inapplicables les dispositions de l'article 18 § 1 du règlement (CEE) n°1408/71.