Affaire C 471/99

Alfredo Martinez Dominguez, Joaquim Benitez Urbano, Agapito Mateos Cruz, Carmen Calvo Fernandez et Bundesanstalt für Arbeit Kindergeldkasse

Arrêt du 24 septembre 2002

Prestations familiales - Titulaires de pensions au titre de la législation de plusieurs États membres - Titulaires de pension au titre d'une convention de sécurité sociale entre États membres, antérieure à une adhésion aux Communautés européennes - Prestations pour enfants à charges et pour orphelins de titulaires de pensions - Droit aux prestations familiales à la charge de l'institution d'un État membre autre que celui de résidence - Conditions d'ouverture du droit

« Les articles 77, paragraphe 2, sous b), et 78, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, lus en combinaison avec l'article 79, paragraphe 1, dudit règlement, doivent être interprétés en ce sens que l'institution compétente d'un État membre autre que celui de la résidence du titulaire d'une pension ou d'une rente de vieillesse ou d'invalidité, ou de la résidence des orphelins d'un salarié défunt, n'est pas tenue d'accorder aux intéressés des prestations pour enfants à charge ou pour orphelins lorsque ne sont pas ou plus remplies les conditions prévues par la législation de l'État membre de résidence pour l'attribution de telles prestations et que le droit du titulaire de la pension ou de la rente, ou celui des orphelins du chef du salarié défunt, n'est pas ouvert, dans l'autre État membre, en vertu de la seule législation de celui-ci. Néanmoins, dans une telle situation, l'institution compétente de l'État membre autre que celui de la résidence peut être tenue d'accorder les prestations en cause en vertu d'une convention de sécurité sociale conclue entre les deux États membres concernés et intégrée à leur droit national antérieurement à l'entrée en vigueur du règlement, lorsque les intéressés possèdent un droit acquis au maintien de l'application de ladite convention après cette entrée en vigueur ».

Messieurs Martinez Dominguez, Benitez Urbano et Mateos Cruz ont travaillé en Allemagne et chacun d'eux perçoit une pension en Espagne et en Allemagne. Le droit à pension de chacun d'eux au regard du régime allemand n'est ouvert que grâce à la prise en compte des périodes d'assurance accomplies en Espagne.

En 1996 et 1997 les trois intéressés ont présenté une demande d'allocations familiales : le premier pour une enfant de moins de 18 ans exclue du bénéfice des prestations espagnoles en raison du dépassement du plafond de revenu, le deuxième pour un enfant handicapé de plus de 18 ans et le troisième pour trois enfants de plus de 18 ans en cours de formation et pour lesquels ils avaient perçu des prestations familiales espagnoles jusqu'à ce que ce que chacun d'entre eux atteigne l'âge de 18 ans.

Madame Fernandez quant à elle, est veuve d'un ressortissant espagnol décédé en 1985 et qui avait travaillé en Allemagne où il avait acquis dans le cadre de la convention germano-espagnole un droit à pension. Il ne bénéficiait d'aucun droit à des prestations familiales.

Des pensions d'orphelins ont été versées en Espagne pour les trois enfants résidant en Espagne et âgés de moins de 18 ans. Des pensions d'orphelins ont également été versées en vertu de la convention bilatérale et ceci même après le 1er janvier 1986, date de l'adhésion de l'Espagne à l'Union européenne . Il n'y avait de pas droit à pension nationale allemande. En 1997 une demande d'allocations familiales a été présentée en Allemagne pour deux des enfants qui avaient dépassé l'âge de 18 ans.

Un rejet à toutes les demandes est prononcé par l'institution compétente allemande. Les demandeurs à la suite de ces rejets ayant formé un recours contre les décisions de l'institution allemande, le tribunal allemand demande à la Cour de Justice des Communautés européennes si l'institution d'un État membre, autre que l'institution de résidence du titulaire de pension ou de rente ou de résidence de l'orphelin d'un salarié défunt, est tenue d'accorder des prestations pour enfants à charge ou pour orphelin, lorsque les conditions prévues par la législation de résidence pour bénéficier de ces prestations ne sont pas ou ne sont plus remplies et que dans l'autre État membre, le droit n'est pas ouvert en vertu de la seule législation de cet État. Il demande également si les prestations ne peuvent pas être accordées en vertu d'une convention de sécurité sociale conclue entre les deux États avant l'entrée en vigueur du règlement.

La Cour rappelle qu'elle a déjà été amenée à indiquer que l'institution d'un État n'est pas tenue d'accorder un complément de prestations familiales lorsque le montant des prestations familiales de l'État de résidence est inférieur à celui du premier État et que le droit à pension ou rente, ou le droit de l'orphelin, n'est pas acquis exclusivement au titre des périodes d'assurance accomplies dans cet État.

Elle ajoute qu'elle a également précisé que lorsque le droit à prestation a disparu dans l'État de résidence en raison de la survenance d'un âge limite, l'institution compétente de l'autre État n'est pas tenue d'accorder des prestations aux intéressés, sauf si ceux-ci ont acquis un droit sur la base des seules périodes d'assurance accomplies dans cet État.

Elle précise que l'expression "complément de prestations familiales" recouvre aussi bien le versement de la différence entre le montant des prestations dans l'État de résidence et celui de l'État membre impliqué, que le versement intégral de prestations au-delà de l'âge limite fixé par la législation du pays de résidence.

Elle précise que les articles 77 et 78 du règlement ont pour but de déterminer l'État membre compétent pour le service des prestations pour enfants à charge qui sont accordées en principe conformément à la législation d'un seul État membre.

Elle conclut que lorsqu'une condition n'est pas ou n'est plus remplie dans l'État de résidence, pour pouvoir prétendre à des prestations au titre de la législation de cet État (plafond de ressources ou dépassement de la limite d'âge), le demandeur ne peut pas invoquer l'application de la législation d'un autre État membre, à moins que son droit à pension ou à rente ne soit ouvert au regard de cette seule législation. L'appréciation de cette dernière condition relève de la législation interne de l'État et donc de la compétence de la juridiction nationale.

S'agissant de la dernière affaire, la Cour observe que les droits à pension du salarié défunt étaient ouverts en Allemagne avant l'entrée de l'Espagne dans l'Union européenne. La pension allemande avait été liquidée dans le cadre de la convention germano-espagnole, en tenant compte des périodes d'assurance accomplies en Espagne. La pension d'orphelin a continué à être servie dans le cadre de la convention germano-espagnole qui était plus favorable que le règlement. Les intéressés possédaient donc un droit acquis au maintien de l'application de la convention après l'entrée en vigueur du règlement.

La Cour conclut que si un droit à prestations plus favorables est acquis en vertu de la convention de sécurité sociale, il doit être assimilé à un droit à prestations ouvert en vertu de la seule législation de l'État membre concerné.