Affaire C 469/02

Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique

Arrêt du 7 septembre 2004

Manquement d'État - Allocation d'interruption de carrière - Condition de résidence - Discrimination indirecte fondée sur la nationalité - Article 39 CE - Règlement (CEE) n° 1612/68, article 7 - Règlement (CEE) n° 1408/71, article 73

1. « En soumettant l’octroi et le paiement des allocations d’interruption de carrière prévues par la législation nationale à la condition que la personne concernée ait sa résidence ou son domicile en Belgique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, et 73 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996.

2. Le royaume de Belgique est condamné aux dépens. »

A la suite de plaintes de travailleurs frontaliers travaillant en Belgique et bénéficiant d’un congé parental pour lequel les autorités belges refusaient de verser l’allocation d’interruption de carrière prévue par la législation belge, au motif que les intéressés ne résidaient pas en Belgique, la Commission a invité le Gouvernement belge à s’expliquer sur ce point. Le Gouvernement belge a indiqué que le régime d’interruption de carrière et plus particulièrement les cas spécifiques de congé parental devaient être considérés comme un programme de mise au travail des chômeurs et nullement comme un système s’intégrant dans le régime des prestations familiales.

Bien que, à la suite de ces poursuites une modification de la législation belge soit intervenue et que la condition de résidence en Belgique ait été levée au profit d’une résidence dans un pays de l’Union européenne, la Commission estimant que certaines restrictions semblaient persister, notamment sur les demandes présentées sous l’empire de l’ancienne législation, a décidé d’introduire un recours en manquement contre la Belgique.

Le Gouvernement belge fait observer que la condition de résidence n’existe plus dans les faits depuis octobre 2002, date à laquelle des instructions ont été données par l’office national de l’emploi. Il précise que de ce fait le recours de la Commission n’a plus de raison d’être.

La Cour de justice des Communautés européennes rappelle que, selon une jurisprudence constante, de simples pratiques administratives, par nature modifiables et dépourvues de publicité ne peuvent pas être considérées comme constituant une exécution valable des obligations communautaires. Des dispositions nationales contraires au droit communautaire ne peuvent être éliminées que par des dispositions internes de caractère contraignant et de même valeur juridique que la disposition qui doit être modifiée.

Elle précise que l’exigence pour tout bénéficiaire d’allocation d’interruption de carrière d’avoir sa résidence en Belgique constitue une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, contraire à l’article 39 CE et l’article 7 du règlement n° 1612/68, dans la mesure où cette exigence sera plus facilement remplie par les travailleurs nationaux que par les travailleurs ressortissants des autres États.

Sur la nature de cette prestation lorsqu’elle est accordée dans le cadre d’un congé parental, la Cour observe qu’ « une prestation qui vise à permettre à l’un des parents de se consacrer à l’éducation du jeune enfant, plus précisément à rétribuer l’éducation dispensée à l’enfant, à compenser d’autres frais de garde et d’éducation et, le cas échéant, à atténuer les désavantages financiers qu’implique la renonciation à un revenu provenant d’une activité professionnelle » doit être assimilée à une prestation familiale au sens des articles 1er, sous u), i), et 4, paragraphe 1, sous h) du règlement n° 1408/71.

Elle conclut que la soumission du versement de ces prestations servies dans le cadre d’un congé parental à une condition de résidence en Belgique est contraire à l’article 73 du règlement n° 1408/71 qui prévoit le service des prestations familiales aux membres de la famille du travailleur qui ne résident pas sur le territoire de l’État compétent.