Affaire C 46/12

L.N. c/ Styrelsen for Videregående og Uddannelsesstø

Arrêt du 21 février 2013

Citoyenneté de l'Union - Libre circulation des travailleurs - Égalité de traitement - Article 45, § 2, TFUE - Règlement (CEE) n° 1612/68 - Article 7, § 2 - Directive 2004/38/CE - Article 24, §s 1 et 2 - Dérogation au principe de l'égalité de traitement à l'égard des aides d'entretien aux études sous la forme de bourses d'études ou de prêts - Citoyen de l'Union étudiant dans un État membre d'accueil - Activité salariée antérieure et postérieure au commencement des études - Objectif principal de l'intéressé lors de son entrée sur le territoire de l'État membre d'accueil - Incidence sur sa qualification de travailleur et sur son droit à une bourse d'études

« Les articles 7, paragraphe 1, sous c), et 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doivent être interprétés en ce sens qu’un citoyen de l’Union qui poursuit des études dans un État membre d’accueil et y exerce en parallèle une activité salariée réelle et effective de nature à lui conférer la qualité de «travailleur» au sens de l’article 45 TFUE ne peut se voir refuser des aides d’entretien aux études accordées aux ressortissants de cet État membre. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications de fait nécessaires afin d’apprécier si les activités salariées du requérant au principal sont suffisantes pour lui conférer cette qualité. La circonstance que l’intéressé est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil dans l’intention principale d’y poursuivre ses études n’est pas pertinente pour déterminer s’il a la qualité de «travailleur» au sens de l’article 45 TFUE et, partant, s’il a droit à ces aides dans les mêmes conditions qu’un ressortissant de l’État membre d’accueil conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté. »

Monsieur N., citoyen de l’Union européenne est entré au Danemark le 6 juin 2009. Le 10 juin il s’est vu proposer un emploi à plein temps dans une société internationale de commerce de gros. Le 29 juin, l’administration danoise lui délivre une attestation d’enregistrement en qualité de travailleur salarié. Il ressort toutefois que l’intéressé avait demandé avant le 15 mars 2009 (date limite des inscriptions) son admission à la Business school (CBS).

Le 10 août il a demandé à bénéficier d’une aide à la formation à compter du mois de septembre 2009. Le 10 septembre il a commencé ses cours et a démissionné de son emploi dans la société de commerce international pour exercer une activité à temps partiel dans une autre société.

A la suite de cette demande d’aide, les autorités danoises ont transformé la base du titre de séjour de l’intéressé qui est passée du statut de travailleur à celui d’étudiant.

Monsieur N. ayant contesté cette décision, la juridiction danoise saisie de l’affaire demande à la Cour de justice de l’Union européenne si les articles 7, paragraphe 1, sous c) et 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE permettent à un citoyen de l’Union européenne qui poursuit des études dans un État membre d’accueil et y exerce en parallèle une activité salariée d’obtenir des aides d’entretiens aux études accordées aux ressortissants de cet État membre, dès lors qu’il est entré sur le territoire pour y suivre une formation.

Pour la Cour tout citoyen de l’Union peut se prévaloir de l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité figurant à l’article 18, TFUE et à l’article 24, de la directive 2004/38/CE dans tous les domaines relevant du champ d’application matériel du TFUE, indépendamment de leur nationalité.

Aucune disposition du traité ne permet de considérer que les étudiants qui ont la qualité de citoyens de l’Union lorsqu’ils se déplacent dans un autre État membre pour y poursuivre des études sont privés des droits conférés par le traité aux citoyens, y compris les droits conférés aux citoyens de l’Union lorsqu’ils exercent des activités salariées dans l’État membre d’accueil.

Un citoyen de l’Union qui poursuit des études dans un État membre d’accueil où il exerce une activité salariée jouit de la qualité de travailleur au sens de l’article 45 TFUE et peut se prévaloir du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’État membre d’accueil.

La Cour rappelle que la notion de « travailleur » qui revêt une portée autonome propre au droit de l’Union ne doit pas être interprétée de manière restrictive. « La caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. »

Si le niveau de la rémunération, l’origine des ressources, le niveau de productivité de l’intéressé ou le nombre d’heures effectuées n’excluent pas qu’une personne soit reconnue comme travailleur, la personne doit néanmoins exercer des activités réelles et effectives à l’exclusion d’activités marginales et accessoires.

Peu importe l’intention de l’intéressé lorsqu’il se rend dans un État, pour la Cour les éléments relatifs au comportement de l’intéressé avant et après la période d’emploi sont dénués de pertinence pour établir la qualité de travailleur.

C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de décider si l’intéressé doit être considéré comme un travailleur, il lui appartient donc de vérifier si la personne en cause exerce des activités réelles et effectives.

La Cour précise que si la juridiction de renvoi se prononce sur la qualité de travailleur de Monsieur N., le refus à ce citoyen de l’Union d’une aide d’entretien aux études violerait le droit à l’égalité de traitement dont ce citoyen, en sa qualité de travailleur est bénéficiaire.

En effet un citoyen qui a fait usage de la libre circulation en qualité de travailleur bénéficie dans l’État membre d’accueil des mêmes avantages sociaux que les travailleurs nationaux. Or comme la Cour a déjà été amenée à le préciser, une aide d’entretien aux études constitue un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68.