Affaire C 454/93

Rijksdbenst Voor Aebemsvoorziening contre Joop Van Gestel

Arrêt du 29 juin 1995

Libre circulation des travailleurs - Sécurité sociale - Loi applicable - Détermination par accord entre États membres - Chômage - Prestations - Travailleur affilié dans un État membre autre que l'État d'emploi et de résidence - Prestations dans l'État de résidence - Règlement (CEE) n° 1408/71, article 13 § 2 sous a), article 17, article 71 § 1 sous b)

"L'article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doit être interprété en ce sens qu'il s'applique également au cas d'une personne en chômage qui, au cours de son dernier emploi, résidait dans l'État membre où elle était employée, lorsque, par dérogation à l'article 13, paragraphe 2, sous a), dudit règlement et en application de son article 17, les autorités compétentes de deux États membres sont convenues que le travailleur salarié resterait soumis à la législation sur la sécurité sociale de l'un de ces deux États membres qui n'est pas celui sur le territoire duquel la personne en chômage était employée.

Cet article s'applique même si l'accord fondé sur l'article 17 du règlement a été conclu à un moment où le travailleur salarié travaillait et résidait déjà sur le territoire d'un seul et même État membre. "

Cette affaire opposait le Rijksdienst voor Arbeidsvoorziening (office national de l'emploi) à Monsieur Joop Van Gestel, un ressortissant néerlandais, au sujet de l'attribution de prestations de chômage dans le cadre de l'article 71 § 1 sous b) ii) du règlement (CEE) n° 1408/71. Depuis le 1er juin 1980, Monsieur Joop Van Gestel travaille pour une société ayant son siège aux Pays-Bas où lui-même résidait.

A compter d'octobre 1988, ce dernier est venu s'installer en Belgique où il a commencé à travailler pour une société du groupe. L'intéressé souhaitant rester assujetti à la législation néerlandaise, un accord a été conclu, dans le cadre de l'article 17 du règlement (CEE) n° 1408/71, entre le ministère de la prévoyance sociale belge et le secrétaire d'État aux affaires sociales et à l'emploi néerlandais afin que ce travailleur reste maintenu au régime néerlandais de sécurité sociale pour la période, du 1er décembre 1988 au 30 novembre 1991, durant laquelle l'intéressé exerçait son activité en Belgique.

A la suite d'une restructuration de la Société, Monsieur Joop Van Gestel a été licencié le 31 octobre 1990 et une indemnité de licenciement lui a été versée aux Pays-Bas. Il a demandé à la caisse auxiliaire belge le paiement des allocations de chômage. Cette demande a été rejetée au motif qu'il ne satisfaisait pas, en vertu de l'article 67 du règlement (CEE) n° 1408/71, aux conditions d'attribution fixées par la législation belge.'

A la suite du recours formé par Monsieur Joop Van Gestel, le tribunal belge a demandé à la Cour de Justice des Communautés Européennes si l'article 71 § 1 du règlement (CEE) n° 1408/71 pouvait s'appliquer à une personne au chômage qui, au cours de son dernier emploi, résidait dans l'État où elle était occupée et restait soumise, conformément à l'article 17 dudit règlement, à la législation d'un autre État membre. La juridiction belge voulait également savoir si l'article 71§ 1 b) ii) s'applique même si l'accord fondé sur l'article 17 du règlement a été conclu à un moment où le travailleur résidait et travaillait déjà sur le territoire d'un des États membres.

La Cour indique que les dispositions de l'article 71 § 1 b) ii) ne permettent pas de déterminer si l'État compétent est désigné comme tel au motif que le travailleur y a exercé son activité ou pour une autre raison. Si l'on se réfère à l'article 13 § 2 sous a) du règlement, l'État compétent pour servir les prestations de chômage est en principe celui où le travailleur exerce son activité salariée, sous réserve des dérogations prévues à l'article 17 qui prévoient que les autorités compétentes peuvent désigner d'un commun accord un État compétent autre que celui d'emploi. C'est un tel accord qui a été conclu entre les autorités belges et néerlandaises.

La Cour reconnait que, si dans son arrêt Guyot du 11 octobre 1984 (affaire n° 128/83) elle avait relevé que l'article 71 § 1 ne concernait que les travailleurs qui résidaient dans un État autre que celui de leur dernier emploi, semblant ainsi faire une distinction entre l'État d'emploi et l'État de résidence, et non pas entre l'État de résidence et l'État compétent, ceci était dû au fait qu'elle se référait à la situation habituelle, à savoir celle où l'État compétent est celui où le travailleur exerce son activité. Toutefois, cela n'exclut pas que l'État compétent soit, le cas échéant, désigné d'un commun accord dans le cadre de l'article 17. Dans une telle hypothèse, l'État du dernier emploi du travailleur va coïncider avec l'État de résidence, mais cela ne fait pas "obstacle à l'application de l'article 71 § 1 du règlement dès lors que l'État compétent n'est pas celui de résidence".

La Cour précise que cette interprétation est corroborée par le fait que le but de l'article 71 § 1 b) ii) est d'assurer au travailleur migrant le bénéfice de prestations de chômage dans les conditions les plus favorables pour la recherche d'un nouvel emploi. Le travailleur pourra avoir des liens professionnels plus étroits dans son pays de résidence et donc disposera de plus de chances de retrouver un emploi dans ce pays. De plus, la Cour indique que dans l'arrêt Maitland Toosey (affaire n° C 287/92), elle a déclaré que "l'élément déterminant pour l'application de l'article 71 dans son ensemble est la résidence de l'intéressé dans un État membre autre que celui à la législation duquel il était assujetti au cours de son dernier emploi".

Il ressort donc de ce qui précède que l'article 71 § 1 b) ii) peut recevoir application, même lorsque la personne au chômage complet résidait dans l'État membre où elle travaillait, dans la mesure où, dans le cadre de l'article 17, elle restait soumise à la législation d'un autre État membre.

Sur la deuxième question posée par le tribunal belge, à savoir accord des autorités compétentes intervenu alors que l'intéressé résidait et travaillait déjà en Belgique, la Cour rappelle que dans l'arrêt du 17 mai 1984, Brusse (affaire n° 101/83), elle avait déjà indiqué que rien dans l'article 17 ne permettait de conclure que l'accord entre les autorités compétentes ne pouvait intervenir que pour l'avenir. Elle conclut que l'article 71 § 1 b) ii) peut s'appliquer même "si l'accord fondé sur l'article 17 du règlement a été conclu à un moment où le travailleur salarié travaillait et résidait déjà sur le territoire d'un seul et même État membre".