Affaire C 43/99

Ghislain Leclere et Alina Deaconescu et caisse nationale des prestations familiales

Arrêt du 31 mai 2001

Règlement (CEE) n° 1408/71 - Règlement n° 1612/68 - Allocations luxembourgeoises de maternité, de naissance et d'éducation - Condition de résidence - Droit d'un titulaire de pension ne résidant pas dans l'État compétent au titre de la pension - Allocations familiales et prestations familiales - Notion de travailleur et d'avantage social

1) "L'examen de la première question posée n'a révélé aucun élément de nature à mettre en cause la validité de l'article 1er, sous u), i), et de l'annexe II du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, en tant qu'ils permettent l'imposition d'une condition de résidence pour l'octroi des allocations luxembourgeoises prénatales et de naissance.

2) L'annexe II bis du règlement (CEE) n° 1408/71, tel que modifié et mis à jour par le règlement n° 118/97, est invalide en tant qu'y figure, en son point I. Luxembourg, sous b), l'allocation luxembourgeoise de maternité.

3) Une allocation telle que l'allocation luxembourgeoise d'éducation ne fait pas partie des allocations familiales qui, en vertu de l'article 77 du règlement (CEE) n° 1408/71, tel que modifié et mis à jour par le règlement n° 118/97, doivent être versées aux titulaires de pensions ou de rentes de vieillesse, d'invalidité, d'accident du travail ou de maladie professionnelle, quel que soit l'État membre sur le territoire duquel ils résident.

4) Le titulaire d'une pension d'invalidité ne peut tirer de l'article 73 du règlement (CEE)
n° 1408/71, tel que modifié et mis à jour par le règlement n° 118/97, un droit à des prestations familiales autres que les allocations familiales visées à l'article 77 du même règlement.

5) Le titulaire d'une pension d'invalidité qui réside dans un État membre autre que celui qui assure le service de sa pension n'est pas un travailleur au sens de l'article 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, et ne bénéficie des droits afférents à cette qualité qu'au titre de son activité professionnelle passée."

Cette affaire oppose Monsieur Leclere et son épouse Madame Alina Deaconescu, tous deux de nationalité belge, à la Caisse nationale de prestations familiales du Luxembourg au sujet du refus de versement des allocations luxembourgeoises de maternité, de naissance et d'éducation pour leur enfant, né le 13 mars 1995, au motif que les intéressés ne résident pas sur le territoire luxembourgeois. Monsieur Leclere réside en Belgique et il a travaillé au Luxembourg en qualité de travailleur frontalier jusqu'en 1981. À la suite d'un accident du travail survenu en 1981, il a obtenu une pension d'invalidité du régime luxembourgeois, au titre de laquelle il est soumis au Luxembourg au paiement des cotisations d'assurance maladie et à l'impôt sur le revenu. Depuis son accident l'intéressé n'exerce plus d'activité.

Le tribunal luxembourgeois pose la question de la validité au regard des articles 48 et 51 du traité, d'une part, de l'article 1er sous u), i) et l'annexe II et d'autre part, de l'article 10 bis et l'annexe II bis du règlement (CEE) n° 1408/71, qui permettent l'imposition d'une condition de résidence au Luxembourg pour l'octroi des allocations luxembourgeoises de naissance et de maternité.

Les exceptions concernant ces deux prestations ne sont pas de nature semblable, dans la mesure où pour l'allocation de naissance, il s'agit de l'exclusion de certaines prestations du champ d'application du règlement et que pour l'allocation de maternité, il s'agit d'une prestation pour laquelle le règlement instaure une condition de résidence sur le territoire de l'État compétent pour son service.

Sur l'exclusion du champ d'application des allocations de naissance, prévues à l'article 1er, sous u), du règlement, la Cour indique que cette disposition ne peut pas être tenue pour invalide. Elle ajoute toutefois, que les exclusions de ces prestations du champ d'application du règlement (CEE) n° 1408/71, ne dispensent pas les États membres de s'assurer qu'aucune autre règle communautaire n'est applicable, en particulier le règlement n°1612/68.

L'allocation luxembourgeoise de maternité a été inscrite parmi les prestations spéciales à caractère non contributif, soumises à une condition de résidence sur le territoire de l'État compétent. Cette prestation est servie à toute femme enceinte et à toute femme accouchée, qui a son domicile légal sur le territoire luxembourgeois au moment de l'ouverture du droit. Compte tenu des conditions d'attribution, la Cour indique que cette prestation ne peut pas constituer une prestation spéciale à caractère non contributif, qu'elle ne peut pas relever du régime dérogatoire prévu à l'article 10 bis, du règlement (CEE) n° 1408/71.

La juridiction luxembourgeoise souhaitait également savoir si l'allocation luxembourgeoise d'éducation faisait partie des allocations familiales prévues à l'article 77 du règlement (CEE) n° 1408/71 et si cette allocation pouvait être servie à un titulaire de pension.

La Cour rappelle que les titulaires de pension ne peuvent prétendre qu'aux allocations familiales qui selon les termes de l'article 1er, sous u, ii), du règlement (CEE) n° 1408/71, sont des prestations périodiques en espèces accordées exclusivement en fonction du nombre et le cas échéant de l'âge des membres de la famille.

L'allocation d'éducation ne figure ni à l'annexe II, ni à l'annexe II bis, du règlement, elle a pour objet de compenser la perte de revenu subie, lorsque l'un des parents se consacre principalement à l'éducation d'enfants de moins de deux ans au foyer familial. La Cour indique que le montant de l'allocation étant fixé indépendamment du nombre d'enfants dans le foyer, cette allocation ne peut pas faire partie des allocations familiales.

La juridiction luxembourgeoise souhaitait savoir si le fait pour un titulaire de pension d'invalidité d'un État membre, d'être assuré obligatoire à l'assurance maladie de cet État, ne permet pas de qualifier l'intéressé de travailleur au sens de l'article 73 du règlement et ainsi de lui faire bénéficier des prestations familiales destinées au travailleur et non pas seulement des allocations familiales attribuées au titulaire de pension.

La Cour écarte la définition du terme travailleur à l'article 1er, sous a), du règlement, qui vise toute personne qui est assuré au titre d'une assurance obligatoire contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d'un régime de sécurité sociale, au motif que l'article 77 dudit règlement institue une règle spéciale applicable au titulaire de pension. Elle conclut que le titulaire de pension ne peut tirer aucun droit de l'article 73 et ne peut prétendre à aucune autre prestation que les allocations familiales visées à l'article 77.

Après avoir posé les questions sur l'application du règlement n° 1408/71, le tribunal luxembourgeois s'interroge sur l'application du règlement n° 1612/68.

La Cour indique que le règlement 1612/68 protège le travailleur. En principe la qualité de travailleur est perdue dès que cesse la relation de travail. Certes, une personne qui a perdu la qualité de travailleur peut être couverte par ce règlement, pour toute discrimination qui affecterait les droit acquis au cours de l'ancien rapport de travail. En ce qui concerne Monsieur Leclere, il a eu un enfant après la cessation de sa relation de travail, il ne peut donc pas invoquer l'article 7, du règlement 1612/68, pour prétendre au bénéfice de prestations auxquelles il n'a plus droit dans le cadre du règlement n° 1408/71.