Affaire C 43/93

Raymond Vander Elst contre Office des Migrations Internationales (O.M.I.)

Arrêt du 9 août 1994

Libre prestation de services - Ressortissants d'État tiers

Cette affaire opposait Monsieur Vander Elst, exploitant en Belgique une entreprise de démolition spécialisée, à l'Office des Migrations Internationales (O.M.I.)» chargé des opérations de recrutement de main-d'oeuvre étrangère en France.

L'intéressé emploie régulièrement en Belgique, depuis plusieurs années et sans interruption, des ressortissants belges et des ressortissants marocains.

En 1989, l'entreprise Vander Elst a obtenu un marché de travaux de démolition en France, et pour l'exécution de ces travaux, qui ont duré un mois, elle a envoyé sur place 8 salariés, dont 4 belges et 4 marocains. Elle avait obtenu du consulat français en Belgique, pour les quatre travailleurs marocains, un visa de court séjour pour un mois en France.

A l'occasion d'un contrôle de l'inspection du travail, il a été constaté que les travailleurs marocains ne disposaient pas d'une autorisation de travail délivrée par les autorités françaises. Le visa de court séjour ne leur permettant pas d'exercer une activité professionnelle en France.

L'employeur a été condamné par l'inspection du travail à verser une contribution spéciale au motif qu'il avait employé en France des ressortissants d'État tiers, sans en avoir informé l'O.M.I., et sans être titulaire des autorisations de travail correspondantes.

L'employeur a intenté une action contre la décision en faisant valoir sa bonne foi et le fait qu'il avait obtenu à posteriori les autorisations provisoires de travail.

Le Tribunal français a demandé à la Cour de Justice si les articles 59 et 60 du Traité visant la libre prestation de service s'opposent à ce qu'un État membre exige d'un employeur, établi dans un autre État membre, une autorisation de travail et le paiement des frais pour les salariés d'État tiers qu'il emploie régulièrement et qu'il envoie dans cet État membre pour y prester des services.

Les gouvernements qui étaient intervenus dans cette procédure avaient indiqué que ce cas ne pouvait être assimilé à celui examiné par la Cour dans l'arrêt Rusch Portuguesa, dans la mesure où dans cette dernière affaire les travailleurs visés étaient de nationalité portugaise.

Certes, à l'époque, ils ne bénéficiaient pas de toutes les prérogatives reconnues aux ressortissants communautaires, du fait des mesures transitoires qui leurs étaient applicables. Toutefois, leur qualité de ressortissant d'un État membre de la Communauté justifiait une protection plus large du droit à la libre prestation pour l'entreprise qui les occupait.

Cette argumentation est écartée par l'avocat général qui observe que tant dans l'affaire Rusch Portuguesa que dans celle d'aujourd'hui, ce ne sont pas les droits propres du travailleur qui sont en cause, mais ceux de l'entreprise dont dépendent les travailleurs.

Comme la Cour l'a déjà indiqué dans l'affaire n° C 76/90, Säger, du 25 juillet 1991, l'article 59 du traité exige l'élimination de toute discrimination à rencontre des prestataires de services établis dans un autre État, mais également la suppression de toute discrimination de nature à prohiber ou à gêner davantage les activités du prestataire établi dans un autre État membre où il fournit des services analogues.

La Cour précise tout d'abord que le fait d'assortir l'obligation d'obtenir une autorisation de travail d'une redevance, et de sanctionner le non respect de cette obligation de fortes amendes administratives constitue des charges pour les employeurs établis sur le territoire d'autres États membres.

Elle observe que les travailleurs marocains employés par l'entreprise Vander Elst résidaient de façon régulière en Belgique où une autorisation de travail leur avait été délivrée. Ces derniers, envoyés temporairement en France, ne prétendaient nullement accéder au marché du travail, dans la mesure où, dès leur mission terminée, ils retourneraient en Belgique.

La Cour fait également référence aux articles 40 et 41 de l'accord de coopération conclu entre la Communauté Economique Européenne et le Maroc qui interdit toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs communautaires et marocains en matière de conditions de travail et de rémunération, ainsi que dans le domaine de la sécurité sociale.

La Cour conclut que le fait d'exiger une autorisation de travail pour des ressortissants d'État tiers venant sur le territoire d'un État exécuter un travail pour le compte d'un employeur établi sur le territoire d'un autre État membre, dans le cadre d'une prestation de service, est contraire aux articles 59 et 60 du Traité lorsque les travailleurs en cause sont employés de façon régulière dans l'État où l'employeur est établi.

Ndlr : le litige portait sur les autorisations de travail, mais quelle aurait été la position de la Cour de Justice si le litige avait porté sur le recouvrement des cotisations. En effet, il s'agit de ressortissants d'État tiers non visés dans le champ d'application du règlement n° 1408/71 et qui donc ne devraient pas bénéficier de la procédure de détachement. Dans un tel cas, l'URSSAF aurait pu réclamer le paiement de cotisations car il est peu vraisemblable que les intéressés aient été affiliés en France. Cela aurait représenté une charge plus lourde pour l'employeur qui aurait du payer les cotisations en France et qui vraisemblablement aurait continué à payer les cotisations en Belgique.

L'argumentation principale de la Cour aurait-elle alors porté sur la libre prestation de service ou sur l'accord de coopération entre la Communauté et le Maroc ?