Affaire C 428/92

Deutsche Angestellten Krankenkasse (D.A.K.) contre Laererstandens Brandforsikring G/S

Arrêt du 2 juin 1994

Accident de la circulation - Tiers responsable - Subrogation - Règlement (CEE) n° 1408/71, article 93 - Etendue

"L'article 93, paragraphe 1, du règlement (C.E.E.) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version codifiée par le règlement (C.E.E.) n° 2001/83, du 2 juin 1983, doit être interprété en ce sens que les conditions ainsi que l'étendue du droit de recours d'une institution de sécurité sociale, au sens de ce règlement, à l'encontre de l'auteur d'un dommage survenu sur le territoire d'un autre État membre et ayant entraîné le versement de prestations de sécurité sociale sont déterminées selon le droit de l'État membre dont relève cette institution. En particulier, des dispositions telles que celles des articles 17, paragraphe 1, et 22, paragraphe 2, de la Lov om Erstatningsansvar n° 228 du 23 mai 1984, modifiée, ne font pas obstacle au recours des institutions débitrices des autres États membres."

Dans cette affaire, il s'agissait d'un litige entre la D.A.K., institution d'assurance maladie allemande, et la Laererstandens Brandforsikring (L.B.), compagnie danoise d'assurances automobiles, au sujet du remboursement des prestations servies par la caisse allemande à la suite d'un accident de la circulation, survenu au Danemark, à la fille de l'une de ses assurées.

L'institution allemande avait pris en charge les frais d'hospitalisation au Danemark, les frais de transport et les frais d'hospitalisation en Allemagne. L'organisme allemand subrogé dans les droits de la victime avait intenté une action au Danemark contre la compagnie d'assurances, en demandant le remboursement de l'intégralité des frais exposés.

La compagnie d'assurances danoise soutenait que la législation danoise relative à la responsabilité civile faisait obstacle à une telle action. En effet, selon la législation danoise, "les prestations fournies au titre de la législation sociale, notamment les indemnités journalières, l'assistance au malade, les pensions prévues par la législation sociale en matière de pension, ainsi que les prestations versées au titre de la loi relative à la couverture des accidents du travail ne peuvent pas donner lieu à une action récursoire contre celui qui répond de l'indemnisation".

La D.A.K., quant à elle, faisait valoir que l'action subrogatoire prévue par la législation allemande devait être reconnue par les juridictions danoises en vertu de l'article 93 § 1 du règlement 1408/71, qui dispose :

"Si une personne bénéficie de prestations en vertu de la législation d'un État membre pour un dommage résultant de faits survenus sur le territoire d'un autre État membre, les droits éventuels de l'institution débitrice à rencontre du tiers tenu à la réparation du dommage sont réglés de la manière suivante :

a) lorsque l'institution débitrice est subrogée, en vertu de la législation qu'elle applique, dans les droits que le bénéficiaire détient à l'égard du tiers, cette subrogation est reconnue par chaque État membre ;

b) lorsque l'institution débitrice a un droit direct à l'égard du tiers, chaque État membre reconnaît ce droit."

Déjà, sous l'empire du règlement n°3, la Cour avait été amenée à se prononcer sur l'étendue de l'article 52 qui a été repris pour l'essentiel dans l'article 93 du règlement 1408/71. Dans l'affaire n° 72/76, L.V.A. contre Veuve Töpfer, Jean-Pierre Weber et compagnie d'assurances "Le Phénix", elle avait indiqué que "l'action subrogatoire éventuellement ouverte en vertu de l'article 52 du règlement n°3 à l'organisme de sécurité sociale d'un État membre comme conséquence d'un accident survenu à l'un de ses affiliés sur le territoire d'un autre État membre doit être reconnue sur la base de la législation applicable à l'institution débitrice".

La Cour observe que le droit de subrogation ainsi reconnu "constitue un complément logique et équitable à l'extension des obligations des institutions sur l'ensemble du territoire de la Communauté".

Elle analyse l'article 93 § 1 comme une règle de conflit de lois imposant à la juridiction nationale saisie d'une action en indemnités à rencontre de l'auteur du dommage, l'obligation d'appliquer le droit de l'État membre dont relève l'institution débitrice et ceci pour déterminer si l'institution est subrogée dans les droits de la victime et également pour déterminer la nature et l'étendue des créances.

Elle ajoute que si la juridiction nationale appliquait le droit de l'État membre sur le territoire duquel est survenu le dommage pour déterminer l'étendue du droit, l'article 93 § 1 du règlement serait privé de tout ou partie de son effet.

Bien entendu, l'application de l'article 93 § 1 du règlement n'a pas pour objet de modifier les règles applicables pour déterminer si, et dans quelles mesures, la responsabilité extra-contractuelle du tiers, auteur du dommage, doit être engagée.

L'institution débitrice dispose, en vue de l'exercice de son droit à subrogation, des mêmes possibilités que celles dont aurait bénéficié le bénéficiaire des prestations en l'absence de subrogation.