Affaire C 410/92

Elsie Rita Johnson contre Chief Adjudication Officer

Arrêt du 6 décembre 1994

Égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale - Directive 79/7 - Mise en oeuvre progressive du principe d'égalité de traitement - Délais procéduraux nationaux

"Le droit communautaire ne s'oppose pas à l'application, à une demande basée sur l'effet direct de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, d'une règle de droit national qui se borne à limiter la période préalable à l'introduction de la demande, pour laquelle des arriérés de prestations peuvent être obtenus, quand bien même la directive en question n'a pas été transposée correctement dans les délais dans l'État membre en cause. "

Cette affaire concerne l'application de la directive 79/7 qui s'applique "à la population active, y compris les travailleurs indépendants, les travailleurs dont l'activité est interrompue par une maladie, un accident ou un chômage involontaire, et les personnes à la recherche d'un emploi, ainsi qu'aux travailleurs retraités et aux travailleurs invalides" (article 2).

Selon l'article 4 § 1 de la directive précitée, l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes concerne : le champ d'application des régimes et les conditions d'accès à ces régimes, l'obligation de cotiser, ainsi que le calcul des cotisations et le calcul des prestations.

Les États membres devaient transposer cette directive dans leur droit national avant le 22 décembre 1994.

Madame Johnson a cessé de travailler en 1970 pour s'occuper de sa fille. Toutefois, en 1980 lorsqu'elle a voulu reprendre une activité professionnelle, elle n'a pas pu le faire à la suite d'une affection du dos. Dans la mesure où elle vivait seule avec sa fille, l'institution britannique compétente lui a octroyé une prestation non contributive d'invalidité ("non contributory invalidity benefit", N.C.I.B.). Cette prestation a été supprimée en 1982 au motif que l'intéressée vivait maritalement et, qu'à l'époque les femmes, pour bénéficier de cet avantage, devaient non seulement être inaptes au travail, mais également incapables de s'acquitter des tâches ménagères. Cette dernière condition n'était pas exigée des hommes.

En 1984, la législation britannique a été modifiée, et la NCIB. a été remplacée par la Severe Disablement Allowance (S.D.A.) pour laquelle les conditions d'accès pour les hommes et les femmes étaient identiques.

Le 17 août 1987, Madame Johnson a formulé une demande de Severe Disablement Allowance qui lui a été refusée au motif que, n'ayant pas sollicité le versement de la N.C.I.B. avant sa suppression, elle ne pouvait donc pas prétendre à la S.D.A.

A la suite de ce refus, la Cour de justice des Communautés Européennes avait été amenée à se prononcer (arrêt du 11 juillet 1991, Johnson, n° C 31/90) et avait indiqué que depuis le 23 décembre 1984, l'article 4 de la directive 79/7 pouvait être invoqué en l'espèce.

A.la suite de cet arrêt, les autorités britanniques ont accordé à l'intéressée la S.D.A. à compter du 16 août 1986, soit 12 mois avant sa demande conformément à la législation britannique (article 165 A § 3 du Social Security Act 1975).

Madame Johnson réclamait le paiement de la S.D.A. à compter de la date à laquelle expirait le délai de transposition de la directive soit le 22 décembre 1984. Elle avançait, en se référant à l'affaire Emmot (C 208/90), que les autorités britanniques ne pouvaient pas lui opposer le délai de prescription d'un an dans la mesure où elles n'avaient pas transposé correctement dans le droit national la directive 79/7. Elle demandait donc le versement rétroactif de l'allocation à compter du 23 décembre 1984.

La Cour observe que la solution dégagée dans l'affaire Emmot se justifiait par des circonstances spécifiques qui faisaient que la forclusion aboutissait purement et simplement à priver l'intéressée de la possibilité de faire valoir son droit à l'égalité de traitement, en vertu de la directive.

Elle précise que cela n'est pas le cas de Madame Johnson qui se voit opposer certes un délai de prescription, mais qui n'est pas privée de ses droits.

Elle conclut que les autorités britanniques peuvent tout a fait limiter la période de versement rétroactif de la prestation et ne sont pas tenues de verser cette prestation à compter de la date de transposition de la directive dans le droit national, quand bien même cette directive n'a pas été transposée correctement dans ce droit national.