Affaires C 4/95 et C 5/95

Fritz Stöber, Jose Manuel Piosa Pereira contre Bundesanstalt Fur Arbeit

Arrêt du 30 janvier 1997

Champ d'application personnel - Travailleurs non-salariés - Assurance volontaire - Prestations familiales - Enfant résidant hors de l'État compétent

"L'article 73 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 3427/89 du Conseil, du 30 octobre 1989, doit, aux fins du versement d'allocations familiales au titre de la législation allemande, être interprété en ce sens qu'il vise seulement les travailleurs non salariés qui répondent à la définition résultant de la lecture combinée de l'article 1er , sous a), ii), et de l'annexe 1, point 1, C, sous b), du même règlement, Toutefois, l'article 52 du traité CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui fait dépendre la prise en compte des enfants d'un travailleur non salarié lors du calcul des prestations familiales de leur résidence dans cet État membre. "

Ces affaires opposent Monsieur Stöber et Monsieur Piosa Pereira à la Bundesantalt Fur Arbeit qui refuse de prendre en considération, pour le calcul des prestations familiales, les enfants des intéressés ne résidant pas en Allemagne.

Monsieur Stöber, ressortissant allemand, a travaillé en qualité de travailleur salarié en Irlande puis en Allemagne et, à compter du 1er février 1977, il a exercé une activité indépendante en Allemagne où il cotise à titre volontaire auprès du régime légal d'assurance vieillesse des employés. Il a demandé que, pour le calcul des prestations familiales pour ses deux enfants résidant en Allemagne, il soit tenu compte d'une fille née d'un premier mariage et qui vit avec sa mère en Irlande.

Monsieur Piosa Pereira, ressortissant espagnol, a également exercé une activité salariée en Allemagne avant de s'installer en qualité de travailleur indépendant à compter d'avril 1989. Depuis qu'il exerce son activité non salariée, il cotise à l'assurance maladie facultative continuée auprès d'une caisse maladie locale. Il a formulé une demande de prestations familiales pour ses trois enfants qui vivent en Espagne avec leur mère dont il est séparé de fait. Les intéressés se sont vus opposer un refus à leur demande au motif que les enfants en cause ne résidaient pas en Allemagne et qu'eux mêmes n'étaient pas visés dans le champ d'application du règlement (CEE) n° 1408/71.

En effet, selon la législation allemande, ne sont pas pris en compte pour le calcul des prestations familiales, les enfants qui n'ont ni leur résidence habituelle ni leur domicile sur le territoire allemand. Par ailleurs, selon l'annexe I, point I, C, sous b) du règlement (CEE) n° 1408/71, pour pouvoir prétendre aux prestations familiales, le travailleur non salarié doit être tenu de s'assurer ou de cotiser pour le risque vieillesse dans un régime de travailleurs non salariés ou auprès de l'assurance pension obligatoire. Or, ni Monsieur Stöber ni Monsieur Piosa Pereira n'étaient assurés obligatoires auprès d'un régime légal allemand.

Les intéressés ayant contesté les décisions de refus qui leur ont été opposées, les deux juridictions allemandes demandent à la Cour de Justice des Communautés Européennes si l'article 73 du règlement (CEE) n° 1408/71 ne vise que les travailleurs non salariés qui répondent à la définition résultant des dispositions combinées de l'article 1er sous a) ii) et de l'annexe I point ï, C sous b) dudit règlement.

La Cour observe que, selon l'article 2 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 1408/71, relèvent du champ d'application personnel du règlement "les travailleurs salariés et les travailleurs non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs États membres" et que selon l'article 1er sous a) du règlement, les termes de travailleur salarié ou non salarié désignent toute personne assurée dans le cadre d'un des régimes visés dans le champ d'application matériel du règlement. Elle précise que selon les définitions données ci-dessus, Monsieur Stöber, comme Monsieur Piosa Pereira relèvent du champ d'application du règlement dans la mesure où tous les deux sont assurés volontaires auprès d'une caisse légale (le premier est assuré volontaire contre le risque vieillesse et le second contre le risque maladie). Toutefois, l'annexe I point I, C sous b) à laquelle renvoie l'article 1er sous a) ii) du règlement (CEE) n° 1408/71, exclut les intéressés dans la mesure où ils ne sont pas assurés obligatoires.

La Cour indique qu'en vue de contribuer à la plus grande liberté possible de la libre circulation du travailleur migrant, elle a toujours interprété de manière très large la notion de travailleur non salarié. Toutefois, si dans une telle situation elle procédait de la même manière, cela reviendrait à priver de tout effet la disposition de l'annexe concernant l'application de la législation d'un État membre qui est libre de déterminer les conditions d'ouverture des droits aux prestations de sa législation de sécurité sociale.

Elle ajoute que la loi allemande, qui exige des enfants une condition de résidence sur le territoire allemand, établit une différence de traitement entre les personnes qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation et ceux qui n'en ont pas fait usage, dans la mesure où les enfants des non migrants résideront plus que les autres en Allemagne. Il s'agit donc d'une discrimination, qui est incompatible avec l'article 52 du traité qui institue la liberté d'établissement et qui, objectivement, ne peut pas se justifier.

La Cour conclut que l'article 73 du règlement (CEE) n° 1408/71 ne vise que les travailleurs non salariés répondant aux définitions combinées de l'article 1er sous a) ii) et de l'annexe I, point I, C, sous b). Cependant, une telle position est contraire à l'article 52 du traité qui s'oppose à toute discrimination. Aussi, la Cour invite les autorités allemandes à appliquer à ces travailleurs non salariés non visés dans le règlement, les règles concernant les travailleurs non salariés qui, eux, relèvent du champ d'application du règlement.