Affaire C 394/93

Gabriel Alonzo Perez contre B.F.A.

Arrêt du 23 novembre 1995

Prestations familiales - Effet rétroactif d'une demande de prestations - Dispositions nationales

"Le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, puis modifié par le règlement (CEE) n° 3427/89 du Conseil, du 30 octobre 1989, modifiant le règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et le règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71, ne s'oppose pas à l'application, à une demande introduite par un ressortissant espagnol, visant à obtenir pour les membres de sa famille résidant en Espagne le paiement d'allocations familiales depuis le 15 janvier 1986, d'une disposition nationale limitant à six mois l'effet rétroactif des demandes d'allocations familiales. "

Monsieur Alonzo Perez, ressortissant espagnol, travaille en Allemagne depuis 1978, son épouse et ses deux tilles vivent en Espagne.

En avril 1989, l'intéressé sollicite pour la première fois le versement des allocations familiales pour l'avenir et pour les six mois précédant la demande comme cela est prévu dans la législation allemande. L'institution allemande lui a d'ailleurs accordé les prestations à compter d'octobre 1988.

Le 30 octobre 1989, le conseil adopte le règlement (CEE) n° 3427/89 modifiant le chapitre prestations familiales du règlement (CEE) n° 1408/71 à la suite des deux arrêts Pinna (41/84 et 359/87). L'intéressé demande alors le 27 mai 1991 le paiement d'arriérés d'allocations familiales pour la période allant du 1er janvier 1986 (date d'entrée de l'Espagne dans la Communauté Economique Européenne) au 30 septembre 1988. L'institution allemande rejette sa demande.

Il convient de rappeler que l'article 73 § 1 du règlement (CEE) n° 1408/71 prévoyait l'exportation des prestations familiales du pays compétent lorsque le travailleur était soumis à la législation d'un État membre autre que la France. Selon le paragraphe 2 de l'article 73, lorsque le travailleur était soumis à la législation française, sa famille bénéficiait des allocations familiales du pays de résidence.

L'acte relatif aux conditions d'adhésion de l'Espagne et du Portugal avait prévu que les travailleurs espagnols occupés dans un pays autre que l'Espagne et dont la famille résidait en Espagne bénéficiaient également de cette procédure dérogatoire jusqu'à l'entrée en vigueur d'une solution uniforme ou au plus tard jusqu'au 31 décembre 1988.

Le premier arrêt Pinna déclare invalide l'article 73 § 2 du règlement (CEE) n° 1408/71 et le deuxième arrêt généralise l'application de l'article 73 § 1 à tous les travailleurs de la Communauté. Il en résulte que cette solution uniforme est également applicable aux travailleurs espagnols exerçant leur activité dans un autre État membre que l'Espagne et dont la famille réside en Espagne. Les intéressés peuvent demander le bénéfice rétroactif de ces dispositions depuis le 15 janvier 1986 (date du premier arrêt Pinna et date qui a été retenue comme date d'application du règlement modifiant le chapitre prestations familiales). Toutefois, la question de savoir si un État membre peut appliquer ses dispositions nationales qui limitent à six mois la rétroactivité des demandes de prestations familiales n'est pas réglée dans le règlement modificatif.

La Cour indique que selon une jurisprudence constante, elle a toujours reconnu qu'en l'absence de dispositions communautaires, il appartenait à l'ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à sauvegarder les droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire. Elle ajoute que les modalités concernant l'application du droit communautaire ne doivent pas être moins favorables que celles concernant le droit interne ni être aménagées de manière à rendre totalement impossible tout recours.

Elle conclut que dans la mesure où la règle de prescription de six mois fixée par la législation allemande est également applicable aux demandes d'allocations familiales fondées sur le seul droit interne et n'empêche pas l'exercice des droits conférés par le règlement (CEE) n° 3427/89, elle n'est pas contraire aux règlements communautaires.