Affaire C 39/10

Commission européenne contre République d'Estonie

Arrêt du 10 mai 2012

Pensions de retraite - Impôt sur le revenu - Abattement - Incidence sur les prestations d'un faible montant - Discrimination entre contribuables résidents et non résidents

1. En excluant les retraités non-résidents du bénéfice des abattements prévus par la loi relative à l’impôt sur le revenu (tulumaksuseadus) du 15 décembre 1999, telle que modifiée par la loi du 26 novembre 2009, lorsque, eu égard au faible montant de leurs pensions, ils ne sont pas, en vertu de la législation fiscale de l’État membre de résidence, imposables dans ce dernier, la République d’Estonie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 45 TFUE et 28 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992.

2. La République d’Estonie est condamnée aux dépens.

3. Le Royaume d’Espagne, la République portugaise, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la République fédérale d’Allemagne supporteront leurs propres dépens.

La Commission demande à la Cour de constater qu’en ne prévoyant pas dans la loi relative à l’impôt sur le revenu (tulumaksuseadus) du 15 septembre 1999 modifiée par la loi du 26 novembre 2009, l’application de l’abattement individuel aux non résidents, dont le revenu total est si faible qu’ils bénéficieraient de celui-ci s’ils étaient résidents la République d’Estonie a manqué à ses obligations en vertu des articles 45 TFUE et 28 de l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE).

Une personne de nationalité estonienne résidant en Finlande a présenté à la Commission une plainte relative au calcul de l’impôt sur le revenu en Estonie. Elle contestait le refus des autorités estoniennes de ne pas lui faire bénéficier de l’abattement sur la base imposable et de l’abattement supplémentaire que la loi sur l’impôt prévoit pour les contribuables résidant en Estonie.

Compte tenu de ces éléments la Commission a estimé que la charge fiscale supportée par les non résidents se trouvant dans la même situation que la plaignante était plus élevée qu’elle ne le serait si ceux-ci percevaient la totalité de leurs revenus en Estonie.

L’Estonie a fait savoir que la loi sur l’impôt permet d’appliquer les déductions sur les non résidents qui perçoivent en Estonie la majorité de leurs revenus, à savoir au moins 75 % de ceux-ci. Les intéressés bénéficient alors d’une égalité de traitement avec les résidents. Par contre, lorsque les revenus perçus en Estonie sont inférieurs à ce pourcentage, il appartient à l’Etat de résidence de garantir l’imposition appropriée aux contribuables ne résidant pas en Estonie.

La Commission dans son recours soutient qu’en excluant les retraités non résidents du bénéfice des abattements prévus par la loi nationale lorsque les intéressés perçoivent moins de 75 % de leurs revenus en Estonie, la loi estonienne met les travailleurs migrants dans une situation moins favorable que celle qu’ils auraient eue s’ils n’avaient jamais usé de leur droit à la libre circulation.

La Cour indique que si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, ceux-ci doivent toutefois exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union.

Elle précise que dans une situation où il n’y a aucun revenu imposable dans l’Etat membre de résidence en vertu de la législation fiscale de cet Etat, une discrimination pourrait apparaître dans la mesure où la situation personnelle de la personne intéressée n’est prise en compte ni dans l’Etat de résidence ni dans l’Etat d’emploi.

La plaignante du fait du faible montant de ses revenus globaux n’est pas imposable dans son Etat de résidence et cet État ne peut donc pas tenir compte des conséquences de sa situation personnelle et familiale en matière d’impôts sur le revenu. Pour la Cour le refus de la part de l’Etat membre où sont perçus les revenus d’octroyer les abattements prévus par sa législation fiscale pénalise les contribuables non résidents qui ont usé de leur droit à la libre circulation garanti par le Traité.