Affaire C 389/99

Sulo Rundgren contre Verotuksen Oikaisulautakunta

Arrêt du 10 mai 2001

Sécurité sociale - Cotisations d'assurance à charge des titulaires de pension ou de rente s'étant établis dans un État membre avant l'entrée en vigueur dans cet État des Règlements communautaires - Imposition dans l'État de résidence de cotisations sur la prestation versée par un autre État - Incidence de l'accord entre les pays nordiques prévoyant la renonciation entre États à tout remboursement.

1) "Le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié en dernier lieu à l'époque des faits par le règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, s'applique à une personne qui, lors de l'entrée en vigueur dudit règlement dans un État membre :

- résidait dans cet État sans y exercer d'activité professionnelle et y percevait une pension de la part d'un autre État membre en tant que fonctionnaire à la retraite,

- tout en étant soumise dans son État de résidence à des législations relatives à des branches de sécurité sociale auxquelles ledit règlement est applicable.

2) Les termes "aucune pension ou rente n'est due", qui figurent à l'article 28 bis du règlement (CEE) n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement
n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'appliquent à une situation dans laquelle ni une pension fondée sur la résidence, telle que la pension nationale prévue par le droit finlandais, ni une pension fondée sur l'exercice d'un travail rémunéré et due au titre de la législation de l'État membre sur le territoire duquel l'intéressé réside ne sont effectivement versées à celui-ci, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si l'intéressé ne pourrait pas éventuellement y avoir droit.

En revanche, le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, ne s'applique pas à une personne qui a déplacé sa résidence d'un État membre, où elle avait cessé d'occuper un emploi, vers un autre État membre, où elle n'occupe pas et ne cherche pas à occuper un emploi.

3) Le principe général, qui découle du règlement (CEE) n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement
n° 3096/95, et dont l'article 33 dudit règlement constitue une application, selon lequel le titulaire d'une pension ou d'une rente ne peut pas se voir réclamer, du fait de sa résidence sur le territoire d'un État membre, des cotisations d'assuré obligatoire pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre État membre, s'oppose à ce que l'État membre sur le territoire duquel réside le titulaire d'une pension ou d'une rente exige le paiement par celui-ci de cotisations ou retenues équivalentes prévues par sa législation pour la couverture de prestations de vieillesse, d'incapacité de travail et de chômage, lorsque l'intéressé bénéficie de prestations ayant un objet analogue prises en charge par l'institution de l'État membre compétent en matière de pension.

4) Le fait que la République de Finlande et le Royaume de Suède aient renoncé réciproquement, en vertu de l'article 36, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, et de l'article 23 de la convention de sécurité sociale des pays nordiques, du 15 juin 1992 (106/93), au remboursement des dépenses relatives aux prestations en nature servies par une institution de l'un de ces États membres pour le compte d'une institution de l'autre État membre est sans incidence sur l'interprétation des articles 28 bis et 33, paragraphe 2, dudit règlement."

Monsieur Rundgren, originaire de Finlande et ressortissant suédois depuis 1975, a résidé en Suède de 1957 à 1961 et de 1964 à septembre 1989, date de son retour en Finlande. A partir de 1986, l'intéressé a perçu du régime suédois une pension nationale, une retraite en qualité de fonctionnaire et une rente consécutive à un accident du travail. Pour les années de 1994 à 1996 l'intéressé n'a versé aucune cotisation en Suède sur ses revenus suédois, ceux-ci ont simplement été soumis à l'impôt en application de la loi sur l'imposition des personnes résidant à l'étranger.

En Finlande, pour les années en cause, l'intéressé a été déclaré redevable d'une cotisation calculée sur les avantages suédois. Monsieur Rundgren conteste cette décision au motif que ces cotisations sont contraires au droit communautaire et qu'au regard de la législation finlandaise il n'a formulé aucune demande de pension nationale, pension à laquelle il ne pourrait d'ailleurs pas prétendre, compte tenu de ses revenus. La commission fiscale finlandaise quant à elle riposte que Monsieur Rundgren n'a pas démontré qu'il ne pouvait pas prétendre à un avantage du régime finlandais.

L'instance auprès de laquelle le requérant a formé un recours demande tout d'abord à la Cour de justice des Communautés européennes si le règlement (CEE) n° 1408/71 est applicable à l'espèce.

La Cour observe que le règlement était applicable en Finlande à compter du 1er janvier 1994, dans le cadre de l'accord sur l'Espace économique européen, puis à compter du 1er janvier 1995 en qualité d'État membre de l'Union européenne. Le règlement était donc applicable pendant la période en cause de 1994 à 1996.

Sur le champ d'application personnel, la Cour précise que les fonctionnaires sont inclus dans le champ d'application personnel du règlement dans la mesure où ils sont ou ont été soumis à la législation d'un État membre à laquelle le règlement est applicable. Le fait que l'intéressé soit retraité importe peu dans la mesure où depuis l'arrêt Pierick du 31 mai 1979 (182/78, Rec. P. 1977), la Cour considère que la notion de travailleur vise également les travailleurs à la retraite. Monsieur Rundgren qui a été soumis en Finlande en qualité de résident à l'assurance nationale, assurance visée dans le champ d'application du règlement, relève donc du champ d'application personnel du règlement.

Sur le fait qu'il avait transféré sa résidence de Suède en Finlande avant l'application du règlement communautaire sur cet État, la Cour indique que l'article 94, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 1408/71 permet d'ouvrir un droit au regard du règlement, même s'il se rapporte à une éventualité réalisée antérieurement à la date d'application dudit règlement sur le territoire de l'État membre intéressé.

Elle conclut que le fait d'avoir cessé son activité et d'être revenu en Finlande avant la date d'entrée en vigueur du règlement en Finlande, n'est pas de nature à exclure cette situation de l'application du texte.

Dans le même temps, elle exclut l'application du règlement 1612/68 à cette situation, au motif que l'intéressé avait transféré sa résidence et avait cessé d'occuper un emploi dans un autre État membre, il n'avait donc pas la qualité de travailleur au sens de ce règlement.

Le tribunal finlandais souhaitait savoir si les termes "aucune pension ou rente" employés dans l'article 28 bis du règlement qui fixe les règles de priorité lorsque le titulaire réside dans un État où le droit à l'assurance maladie n'est pas subordonné à une condition d'assurance ou d'emploi visent uniquement une pension fondée sur le travail rémunéré ou également une pension telle la pension nationale finlandaise, versée au titre de la résidence. Sur ce point, la Cour renvoie à la définition de l'article 1er, sous t), du règlement (CEE) n° 1408/71 et précise que ces deux types de pensions sont visés dans l'article précité.

Le tribunal finlandais souhaitait également savoir si les termes "pension ou rente due" désignent un droit théorique à pension ouvert par la législation nationale, même lorsque l'avantage n'a pas été réclamé ou qu'il n'est pas servi, compte tenu des ressources de ce dernier.

La Cour observe que dans le règlement, les articles 27, 28 et 28 bis, forment un système destiné à déterminer l'État qui supportera la charge des prestations en nature, qui est toujours l'État compétent en matière de pension, dans la mesure où l'intéressé aurait des droits à ces prestations, s'il résidait sur le territoire de cet État membre. Ces articles, lorsqu'ils visent une pension ou une rente, font référence à une pension effectivement servie. Elle ajoute que l'article 33, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 prévoit que lorsqu'un État a la charge de prestations en vertu des articles 27, 28 ou 28 bis, l'institution de cet État est autorisée à opérer des retenues sur la pension. Cela prouve bien que la pension est effectivement versée.

Elle conclut que la pension peut être une pension nationale attribuée au titre de la résidence ou une pension rémunérant une activité professionnelle, mais il faut que cet avantage soit effectivement versé et il n'est aucunement nécessaire de vérifier si l'intéressé ne pourrait pas éventuellement y avoir droit.

Sur la demande de perception de cotisations sur les avantages suédois du fait de la résidence en Finlande, la Cour indique que l'article 33, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 s'oppose à ce qu'un titulaire de pension ou de rente se voit réclamer dans son État de résidence des cotisations d'assuré obligatoire pour une couverture de prestations déjà prise en charge par une institution d'un autre État membre

Enfin, le fait que la Suède et la Finlande aient renoncé réciproquement en vertu de l'article 36, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 1408/71, à tout remboursement entre institutions est sans incidence sur l'interprétation des article 28 bis et 33 donnée par la Cour.