Affaire C 388/09

Joao Filipe da Silva Martins contre Bank Betriebskrankenkasse - Pflegekasse

Arrêt du 30 juin 2011

Règlement (CEE) n° 1408/71 - Ancien travailleur migrant - Activité professionnelle exercée dans deux États membres - Retraite versée par les deux États membres - Risque dépendance - Affiliation facultative continuée - Droit à une allocation de dépendance après le retour dans l'État membre d'origine

Les articles 15 et 27 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1386/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une personne dans une situation telle que celle en cause au principal, percevant une pension de retraite des caisses d’assurance retraite tant de son État membre d’origine que de celui où elle a passé la majeure partie de sa vie professionnelle, et ayant déménagé de ce dernier État membre à son État membre d’origine, puisse, en raison d’une affiliation facultative continuée à un régime autonome d’assurance dépendance dans l’État membre où elle a passé la majeure partie de sa vie professionnelle, continuer à bénéficier d’une prestation en espèces correspondant à cette affiliation, en particulier dans l’hypothèse où il n’existerait pas dans l’État membre de résidence de prestations en espèces visant le risque spécifique de la dépendance, dont il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier la réalité.

Si, à la différence d’une telle hypothèse, des prestations en espèces portant sur le risque de dépendance sont prévues par la réglementation de l’État membre de résidence, mais seulement pour un montant inférieur à celui des prestations portant sur ce risque par l’autre État membre débiteur de pension, l’article 27 du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97, tel que modifié par le règlement n° 1386/2001, doit être interprété en ce sens qu’une telle personne a droit, à la charge de l’institution compétente de ce dernier État, à un complément de prestations égal à la différence entre les deux montants.

Monsieur da Silva Martins, ressortissant portugais, a travaillé au Portugal avant d’aller s’installer en 1974 en Allemagne et y travailler jusqu’en septembre 1996, date à laquelle il a bénéficié d’une pension de vieillesse du régime allemand. Depuis le début de son activité l’intéressé a cotisé à l’assurance maladie allemande et depuis la création de l’assurance dépendance en janvier 1995 il a également cotisé à cette assurance.

Depuis septembre 1996, il perçoit une pension de retraite allemande à laquelle s’ajoute depuis mai 2000 une pension portugaise.

Dès la perception de la retraite allemande la caisse maladie allemande a servi à Monsieur da Silva Martins des prestations de dépendance en nature. A la suite d’un séjour temporaire au Portugal une prestation dépendance en espèce a été servie. Toutefois, à la suite de la déclaration du départ définitif au Portugal la caisse allemande a résilié, à compter du 31 juillet 2002, l’affiliation de l’intéressé à l’assurance dépendance et a réclamé le remboursement de l’allocation dépendance versée à tort pour les mois d’août à décembre 2002.

La juridiction allemande saisie de cette affaire demande à la Cour de justice de l’Union européenne si les article 27 et 28 du règlement (CEE) n° 1408/71 qui contiennent les dispositions relatives aux service des prestations de l’assurance maladie au titulaire de pension permettent à une personne qui perçoit une retraite de son pays de résidence et une retraite d’un autre État dans lequel elle a passé la majeure partie de sa vie professionnelle de continuer, en raison d’une affiliation facultative à l’assurance dépendance, à bénéficier des prestations en espèces de cette assurance, en particulier s’il n’existe pas dans le pays de résidence une telle assurance dépendance.

La Cour rappelle que selon une jurisprudence constante elle a toujours considéré que les prestations de dépendance allemandes, ayant pour objet de compléter des prestations de l’assurance maladie, se présentant sous la forme d’une aide financière permettant l’amélioration du niveau de vie du titulaire devaient être assimilées à des prestations en espèces de l’assurance maladie au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a) du règlement 1408/71.

La cour ajoute que ce type de prestations, bien que devant être assimilées à des prestations de l’assurance maladie, peuvent cependant présenter des caractéristiques qui dans les faits peuvent les rapprocher de prestations invalidité et vieillesse.

Dans sa deuxième question la juridiction de renvoi demande si le maintien d’affiliation à titre volontaire à l’assurance dépendance allemande est conforme au principe d’unicité de législation prévu par le règlement 1408/71 et aux dispositions de l’article 15, paragraphe 1, dudit règlement.

S’agissant du cumul de législation prévu par l’article 15 précité, la Cour indique que cet article doit être interprété comme tendant à éviter qu’une personne soit amenée à cotiser pour un seul et même risque, auprès de deux régimes de sécurité sociale différents, l’un à titre obligatoire et l’autre à titre volontaire. Toutefois ces dispositions ne peuvent pas s’appliquer dans l’affaire en cause dans la mesure où les cotisations obligatoires et facultatives ne sont pas identiques, l’une concerne l’assurance maladie et l’autre l’assurance dépendance. Elle conclut que les dispositions du règlement ne s’opposent donc pas à l’affiliation volontaire à l’assurance dépendance allemande dans ce cas particulier.

Dans la mesure où au Portugal il n’existe pas de risque dépendance distinct comme en Allemagne la juridiction de renvoi demande si l’article 28 du règlement (pas de droit ouvert à l’assurance maladie dans l’État de résidence du titulaire) ne devrait pas s’appliquer en lieu et place de l’article 27 (droits aux prestations dans au moins deux États dont un droit ouvert dans l’État de résidence).

La cour indique qu’un droit à des prestations stricto sensu dans l’État membre de résidence ne fait pas disparaitre un droit précédemment ouvert à la charge d’un autre État membre en vertu de la réglementation portant sur le risque de dépendance. Il convient cependant, conformément à l’article 12 du règlement 1408/71 de vérifier les prestations prévues par la législation portugaise en matière de dépendance. Si des prestations de dépendance sont prévues pour un montant inférieur à celui prévu par la législation allemande, l’institution allemande ne devrait servir qu’un complément de prestation égal à la différence entre le montant de la prestation de résidence et celle due dans l’autre État.

La cour ne conteste pas que l’octroi de prestations en espèces de la part de plusieurs États membres peut donner lieu à des difficultés d’ordre pratique, mais ces difficultés ne doivent pas permettre que les cotisations versées volontairement à une assurance continuée soient versées à fonds perdus. Le travailleur migrant ne doit pas se trouver dans une situation plus défavorable que le travailleur qui a effectué toute sa carrière dans un seul État membre.