Affaire C 385/99

V.G. Müller-Fauré contre Onderlinge Waarborgmaatschappij OZ Zorgverzekeringen UA E.E.M. van Riet contre Onderlinge Waarborgmaatschappij ZAO Zorgverzekeringen

Arrêt du 13 mai 2003

Libre prestation de services - Assurance maladie - Système de prestations en nature - Conventionnement - Frais médicaux engagés dans un autre État membre - Autorisation préalable - Critères

« Les articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et 60 du
traité CE (devenu article 50 CE) doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne
s’opposent pas à la législation d’un État membre telle que celle en cause au principal, qui, d’une part, subordonne la prise en charge de soins hospitaliers dispensés dans un État membre autre que celui où est établie la caisse de maladie dont relève l’assuré, par un prestataire avec lequel cette dernière n’a pas conclu de convention, à l’obtention d’une autorisation préalable délivrée par cette caisse et, d’autre part, soumet l’octroi de cette autorisation à la condition que le traitement médical de l’assuré l’exige. Pour autant, l’autorisation ne peut être refusée, pour ce motif, que lorsqu’un traitement identique ou présentant le même degré d’efficacité pour le patient peut être obtenu en temps opportun dans un établissement ayant conclu une convention avec ladite caisse ;

- en revanche, les articles 59 et 60 du traité s’opposent à cette même législation en ce qu’elle subordonne la prise en charge de soins non hospitaliers dispensés dans un autre État membre, par une personne ou un établissement avec lequel la caisse de maladie dont relève l’assuré n’a pas conclu de convention, à l’obtention d’une autorisation préalable délivrée par cette dernière, alors même que la législation nationale en cause instaure un régime de prestations en nature en vertu duquel les assurés ont droit non au remboursement des frais exposés pour des soins médicaux, mais aux soins eux-mêmes, qui sont dispensés gratuitement. »

Madame Müller-Fauré, assurée du régime néerlandais, a suivi en Allemagne, alors qu’elle s’y trouvait en vacances, du 20 octobre au 18 novembre 1994 un traitement dentaire consistant en la pose de six couronnes et d’une prothèse fixe. Ces soins ont été dispensés en dehors de toute structure hospitalière. 34 La caisse maladie néerlandaise a opposé à l’intéressée un refus à sa demande de remboursement des frais exposés présentée lors de son retour aux Pays- Bas. Madame Van Riet quant à elle, souffrait depuis 1985 de douleurs dans le poignet droit. En avril 1993, un rejet a été opposé à la demande du médecin traitant de l’intéressée de faire pratiquer une arthroscopie en Belgique où cet examen pouvait être effectué dans un délai beaucoup plus court qu’aux Pays-Bas. Sans attendre la décision de l’institution néerlandaise l’intéressée a fait réaliser l’examen en Belgique. À la suite de cet examen il a été décidé de procéder à la résection du cubitus afin de soulager la douleur de la patiente. La préparation, l’exécution et le suivi de l’intervention ont eu lieu en Belgique, à l’hôpital et en dehors de celui-ci. La demande de remboursement de frais présentée par l’intéressée a été refusée au motif qu’il n’y avait ni urgence, ni nécessité médicale et que les soins pouvaient être dispensés aux Pays-Bas dans un délai raisonnable.

À la suite des recours présentés par les intéressées, la juridiction néerlandaise interroge la Cour de justice des Communautés européennes sur la libre prestation de services. Après avoir rappelé que selon une jurisprudence constante, les activités médicales relèvent du champ d’application de l’article 60 du traité, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que les soins sont dispensés dans le cadre hospitalier ou en dehors du cadre hospitalier, la Cour examine si le fait de subordonner la prise en charge des soins fournis dans un autre État que celui d’affiliation à l’existence d’une convention entre l’institution d’affiliation et la personne ou l’établissement qui prodigue les soins, instaure une restriction au principe de la libre prestation de services.

Elle observe qu’il est illusoire d’imaginer que les institutions néerlandaises concluent des conventions avec des établissements situés en dehors des Pays-Bas, à l’exception des établissements situés en zones frontalières et elle considère qu’il s’agit là d’un obstacle à la libre prestation de services.

Ensuite, la cour examine si cette restriction peut être justifiée par les particularités du régime néerlandais qui assure non pas des remboursements des frais exposés, mais essentiellement des prestations en nature et repose sur un système de conventionnement destiné à garantir la qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé. De même, elle recherche si le fait que les soins aient été dispensés en tout ou partie en milieu hospitalier peut avoir une incidence. Après avoir rappelé que « des objectifs de nature purement économique ne peuvent justifier une entrave au principe fondamental de la libre prestation de services », la Cour indique que seul un risque d’atteinte grave à l’équilibre des régimes peut justifier une entrave à cette liberté.

La cour distingue les prestations hospitalières, des prestations non hospitalières. S’agissant des prestations hospitalières, la Cour reconnaît que le nombre d’infrastructures hospitalières dans un État doit faire l’objet d’une planification, afin de garantir une accessibilité suffisante et permanente à une gamme de soins hospitaliers de qualité et d’assurer une maîtrise des coûts. De ce fait, elle accepte la mise en place d’un système d’autorisation préalable pour ce type de soins.

Toutefois, elle précise que l’autorisation de subir un traitement hospitalier sur un autre territoire ne peut être refusée que lorsqu’un traitement identique ou présentant un même degré d’efficacité peut être dispensé en temps opportun dans le pays d’affiliation. Pour apprécier le degré efficacité la Cour indique qu’il convient de tenir compte de la situation médicale du patient au moment où l’autorisation est demandée, du degré de douleur ou de la nature du handicap.

Elle précise qu’un refus qui serait justifié par l’existence de listes d’attente sur le territoire d’affiliation pour bénéficier des prestations sans tenir compte de la situation médicale du patient, ne saurait être reconnue comme valable.

S’agissant des prestations non hospitalières, la Cour relève qu’il appartient aux États de déterminer l’étendue de la couverture maladie lorsque leurs assurés se rendent sans autorisation préalable dans un autre État membre pour s’y faire soigner. Elle précise que la prestation médicale ne peut pas perdre sa qualification de prestation de services au motif qu’elle est prise en charge par un service national de santé ou par un régime de prestations en nature.

Elle rappelle que les conditions d’octroi des prestations demeurent opposables à l’assuré (passage par le médecin généraliste avant de consulter un spécialiste), même si les soins sont fournis dans un État autre que l’État d’affiliation. Enfin, la Cour ajoute que rien ne s’oppose à la fixation de montants de remboursement pour les soins reçus dans un autre État lorsqu’il existe dans l’État compétent un système de prestations en nature. Il suffit que les montants du remboursement reposent sur « des critères objectifs, non discriminatoires et transparents ».