Affaires jointes C 377/96 à C 384/96

August de Vriendt e. a. contre Office National des Pensions

Arrêt du 30 avril 1998

Directive 79/7/CEE - Égalité de traitement entre les hommes et les femmes - Pension de vieillesse - Mode de calcul - Age de la pension de vieillesse

"L'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une réglementation nationale a maintenu une différence dans l'âge de la retraite entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, l'État membre concerné est en droit de calculer le montant de la pension différemment selon le sexe du travailleur. "

Cette affaire concerne huit assurés du régime belge qui contestent le calcul de leur pension de vieillesse dont ils estiment qu'il est contraire au principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes.

Les dispositions applicables en Belgique jusqu'au 1er janvier 1991 fixaient à 60 ans l'âge de liquidation de la pension de vieillesse pour les femmes et à 65 ans pour les hommes. Pour le calcul de la pension elle même, il était prévu que pour pouvoir bénéficier d'une pension complète, un homme devait avoir accompli 45 ans d'assurance et une femme 40 ans.

La réforme, entrée en vigueur à compter du 1er janvier 1991, introduisait l'âge flexible de la retraite et prévoyait que les hommes, comme les femmes, pourraient prétendre à une pension de vieillesse à partir de 60 ans. S'agissant du calcul de la pension elle même, celui-ci n'était pas modifié et les hommes devaient toujours avoir accompli 45 ans d'assurance pour obtenir une pension complète et les femmes 40 ans.

Dans l'arrêt Van Cant du 1er juillet 1993, il avait déjà été demandé à la Cour si le mode de calcul d'une pension de vieillesse comme exposé ci-dessus est contraire à l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Il convient de préciser que la directive 79/7 interdit toute discrimination fondée sur le sexe, mais il existe une dérogation à ce principe et les États membres restent libres de la fixation de l'âge de la retraite entre les hommes et les femmes.

Dans l'affaire précitée, la Cour avait indiqué que la directive s'opposait à ce qu'une législation nationale autorise les hommes et les femmes à prendre leur retraite au même âge, mais maintienne des modes de calcul différents liés à la différence d'âge qui existait avant la modification de la législation en cause.

Diverses affaires ayant été portées devant les tribunaux belges, le parlement de cet État a adopté une loi interprétative de la loi de 1990. Dans cette loi, le parlement donnait une définition des termes "pension de retraite" en indiquant qu'il s'agissait d'un "revenu de remplacement accordé au bénéficiaire qui est réputé être devenu inapte au travail pour cause de vieillesse, situation qui est censée se produire à l'âge de 65 ans pour les bénéficiaires masculins et 60 ans pour les bénéficiaires féminins."

La Cour de cassation belge a demandé à la Cour de justice des communautés européennes si l'article 7, paragraphe 1, sous a) de la directive permet aux États de fixer l'âge auquel les travailleurs sont réputés être inaptes au travail en vue d'accéder à la pension de vieillesse et de prévoir que cet âge est fixé à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes.

La Cour rappelle que l'article précité doit être interprété de manière stricte. Cette dérogation est "limitée aux discriminations qui sont nécessairement et objectivement liées à la différence quant à l'âge de la retraite".

Dans l'esprit du législateur communautaire, poursuit la Cour, cette exception est temporaire et elle doit être supprimée progressivement. Si de telles mesures transitoires ont été prévues, c'est afin de ne pas mettre en péril l'équilibre financier des systèmes.

La Cour indique que la différence dans le mode de calcul de la pension ne pourra se justifier que si elle est nécessairement et objectivement liée au maintien d'un âge différent de liquidation de la pension entre les hommes et les femmes. La Cour précise que c'est à la juridiction nationale qu'il appartient de déterminer si la réglementation nationale a maintenu une différence d'âge entre les hommes et les femmes. Elle ajoute que si cette différence d'âge a été maintenue, c'est l'âge de liquidation de la pension qui détermine la durée d'assurance maximale et, dans ces conditions, la différence dans le mode de calcul de la pension est directement liée à la différence d'âge.

Elle conclut que c'est à juste titre que la législation belge prévoit deux modes de calcul différents de la pension, ces modes de calcul étant directement liés à l'âge de liquidation de la pension.

Il convient d'observer que lorsque la Cour de justice a rendu son arrêt, la législation belge en matière de pension avait été modifiée. C'est ainsi que l'âge de liquidation de la pension pour les hommes était maintenu à 65 ans avec 45 ans d'assurance. Dans le même temps, l'âge de liquidation de la pension pour les femmes et la durée d'assurance étaient progressivement relevés pour arriver à une totale égalité de traitement entre les hommes et les femmes à compter de 2009.