Affaire C 373/02

Sakir Öztürk contre Pensionsversicherungsanstalt der Arbeiter

Arrêt du 28 avril 2004

Accord d'association CEE-Turquie - Article 3 de la décision n° 3/80 - Égalité de traitement - Règlement (CEE) n° 1408/71, article 45, § 1 - Pension de retraite - Pension anticipée en cas de chômage - Conditions dans lesquelles les prestations de chômage doivent avoir été servies

« L’article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une législation d’un État membre qui subordonne l’ouverture du droit à une pension de vieillesse anticipée pour cause de chômage à la condition que l’intéressé ait bénéficié, pendant une certaine période précédant la demande de pension, de prestations de l’assurance chômage dudit État membre uniquement. »

Monsieur Öztürk, de nationalité turque a travaillé en Autriche de 1966 à 1970, puis en Allemagne où il réside. De juillet 1998 à décembre 1999, il s’est trouvé au chômage en Allemagne et à compter du 1er janvier 2000, une pension de vieillesse du régime allemand a été liquidée par anticipation au titre de chômage de longue durée. Par contre, l’institution autrichienne d’assurance vieillesse a refusé de liquider une pension de vieillesse anticipée au titre de chômage de longue durée, au motif que l’intéressé n’avait pas perçu de prestations de chômage du régime autrichien. La juridiction autrichienne saisie de l’affaire demande à la Cour de justice des Communautés européennes, si l’article 9 de l’accord d’association ou l’article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80, s’opposent à ce qu’une législation exige pour liquider une pension de vieillesse anticipée, que l’intéressé ait bénéficié pendant une certaine période précédant la demande de pension de prestations de chômage dudit État membre uniquement.

La Cour rappelle tout d’abord que l’article 9 de l’accord d’association qui interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité ne s’applique pas de façon autonome si le Conseil d’association a adopté une règle spécifique de non discrimination, telle que l’article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80 dans le domaine particulier de la sécurité sociale.

Elle indique que le principe posé à l’article 3 précité, qui est calqué sur celui de l’article 3, paragraphe 1 du règlement 1408/71, est destiné à assurer l’égalité de traitement en matière de sécurité sociale au profit des ressortissants turcs, tant dans le pays de résidence de l’intéressé, que dans le pays où l’intéressé a acquis des droits. Peu importe que Monsieur Öztürk réside maintenant en Allemagne, il est en droit d’invoquer l’article 3, paragraphe 1 de la décision 3/80 à l’encontre des institutions autrichiennes, dans la mesure où il a accompli des périodes d’assurance dans cet État.

S’agissant de la portée du principe de non discrimination en raison de la nationalité la Cour rappelle sa jurisprudence constante, qui interdit non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais également toute forme dissimulée de discrimination qui aboutit au même résultat.

Elle observe que la législation autrichienne s’applique indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés, mais elle précise que des nationaux rempliront plus facilement la condition relative à la perception de prestations de chômage en Autriche avant la retraite, que des travailleurs turcs qui ont exercé une activité en Autriche. Cette législation est donc constitutive d’une inégalité de traitement, même si elle ne repose pas directement sur la nationalité.

La Cour ensuite examine si l’application de la seule égalité de traitement suffit à éliminer les désavantages au détriment des ressortissants turcs, ou si des mesures complémentaires sont indispensables pour la mise en oeuvre de ce principe.

Contrairement à ce que soutenait le Gouvernement autrichien, la Cour estime que la prise en compte, pour l’ouverture du droit à retraite anticipée, des périodes de versement des prestations de chômage en Allemagne, ne nécessite pas de recours à des règles techniques de totalisation. Il suffit simplement de constater que l’intéressé a été demandeur d’emploi pendant une période donnée.