Arrêt du 25 novembre 2021
Renvoi préjudiciel - Articles 45 et 48 TFUE - Libre circulation des travailleurs - Égalité de traitement - Prestations familiales servies aux coopérants qui emmènent les membres de leur famille dans le pays tiers dans lequel ils ont été affectés - Suppression - Article 288, deuxième alinéa, TFUE - Actes juridiques de l'Union - Portée des règlements - Réglementation nationale dont le champ d'application personnel est plus large que celui d'un règlement - Conditions - Règlement (CE) n° 883/2004 - Article 11, paragraphe 3, sous a) et e) - Champ d'application - Travailleuse salariée ressortissante d'un Etat membre occupée en qualité de coopérante par un employeur établi dans un autre Etat membre et envoyée en mission dans un pays tiers - Article 68, paragraphe 3 - Droit du demandeur de prestations familiales de déposer une demande unique auprès de l'institution de l'Etat membre prioritairement compétent ou de l'institution de l'Etat membre compétent en ordre subsidiaire
Dans cette affaire, la juridiction autichienne interroge la CJUE dans le cadre d'un litige opposant QY, ressortissante allemande résidant en Allemagne et travaillant en tant que coopérante envoyée en mission en Ouganda par un employeur établi en Autriche, à l'administration fiscale autrichienne, au sujet du refus de lui accorder des prestations familiales pour ses 3 enfants qui l'accompagnent sur son lieu d'affectation dans un pays tiers.
Le juge national se demande notamment si:
Dans ce contexte, la Cour rappelle d'abord que les dispositions des règlements de coordination sont applicables malgré l'exercice d'une activité professionnelle en dehors du territoire de l'UE, si le rapport de travail garde un rattachement suffisamment étroit avec ce territoire. Dans cette affaire, l'employeur est établi en Autriche, où QY a effectué une période de formation avant sa mission en Ouganda et une période de réintégration après. De plus, le contrat de travail a été conclu conformément au droit autrichien, QY est affiliée au régime de sécurité sociale autrichien et effectue ses missions dans le cadre de l'aide au développement fournie par l'Autriche. Il existe un lien suffisant avec le territoire autrichien.
Ensuite, la CJUE précise le champ d'application de l'article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement (CE) n° 883/2004, qui désigne la législation de l'Etat membre où le travail est effectué comme applicable. Dans cette affaire, QY n'exerce pas d'activité dans un Etat membre puisqu'elle est en mission dans un pays tiers. Toutefois, au regard du lien établi entre la relation de travail et l'Autriche, QY doit être soumise à la seule législation autrichienne en tant que législation de l'Etat membre de son employeur, en application de l'article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement (CE) n° 883/2004 et sans recours à la règle subsidiaire prévue au point e) (application de la législation de l'Etat membre de résidence).
La Cour rappelle aussi les termes clairs de l'article 68, paragraphe 3, sous a), du règlement (CE) n° 883/2004, selon lesquels si une demande de prestations familiales est introduite auprès de l'institution compétente d'un Etat membre dont la législation n'est pas prioritaire, elle doit transmettre la demande sans délai à l'institution compétente de l'Etat membre dont la législation est applicable en priorité et en informer le demandeur. Ce dernier ne doit donc soumettre qu'une seule demande auprès d'une seule institution compétente, qui doit servir les prestations familiales si elle considère être compétente de manière prioritaire, ou transférer la demande si elle considère être compétente de manière subsidiaire.
Enfin, la CJUE examine si la législation autrichienne est conforme au droit de l'Union, dans la mesure où elle supprime le droit aux prestations familiales servies aux coopérants qui emmènent les membres de leur famille dans le pays tiers d'affectation. Cette suppression a un caractère général et s'applique de manière indifférenciée aux bénéficiaires ressortissants autrichiens et aux bénéficiaires ressortissants des autres Etats membres. Elle implique une différence de traitement entre les coopérants, non pas selon qu'ils ont ou non exercé leur droit à la libre circulation en quittant leur Etat membre d'origine pour s'installer en Autriche, mais selon que leurs enfants résident avec eux dans un Etat membre ou dans un pays tiers. Dans ces conditions, la législation autrichienne ne crée pas de discrimination incompatible avec le droit de l'Union.