Affaire C 368/98

Abdon Vanbraekel E.A. contre Alliance nationale des mutualités chrétiennes

Arrêt du 12 juillet 2001

Sécurité sociale - Assurance maladie - Règlement (CEE) n° 1408/71, articles 22 et 36 - Libre prestation de services - Article 59 du Traité CE (49 CE) - Frais d'hospitalisation engagés dans un autre État membre - Refus d'autorisation ultérieurement déclaré non fondé

1) " L’article 22, paragraphe 1, sous c) et i), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un assuré social a été autorisé par l’institution compétente à se rendre sur le territoire d’un autre État membre pour y recevoir des soins, l’institution du lieu de séjour est tenue de lui servir les prestations en nature conformément aux règles relatives à la prise en charge des soins de santé qu’applique cette dernière, comme si l’intéressé y était affilié.

Lorsqu’un assuré social ayant introduit une demande d’autorisation sur le fondement de l’article 22, paragraphe 1, sous c), de ce règlement a essuyé un refus de la part de l’institution compétente et que le caractère non fondé d’un tel refus est ultérieurement établi, l’intéressé est en droit d’obtenir directement à charge de l’institution compétente le remboursement d’un montant équivalent à celui qui aurait été supporté par l’institution du lieu de séjour conformément aux règles prévues par la législation qu’applique cette dernière, si l’autorisation avait été dûment délivrée dès l’origine.

N’ayant pas pour objet de réglementer un éventuel remboursement aux tarifs en vigueur dans l’État membre d’affiliation, l’article 22 de ce règlement n’a pas pour effet ni d’empêcher ni de prescrire le versement par cet État d’un remboursement complémentaire correspondant à la différence entre le régime d’intervention prévu par la législation dudit État et celui appliqué par l’État membre de séjour, lorsque le premier est plus favorable que le second et qu’un tel remboursement est prévu par la législation de l’État membre d’affiliation.

L’article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) doit être interprété en ce sens que, si le remboursement de frais exposés pour des services hospitaliers fournis dans un État membre de séjour, qui résulte de l’application des règles en vigueur dans l’État membre d’affiliation en cas d’hospitalisation dans ce dernier, un remboursement complémentaire correspondant à cette différence doit être accordé à l’assuré social par l’institution compétente.

2) L’article 36 du règlement (CEE) n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, ne peut être interprété en ce sens qu’il résulterait de cette disposition qu’un assuré social, ayant introduit une demande d’autorisation sur le fondement de l’article 22, paragraphe 1, sous c), de ce règlement et essuyé un refus de la part de l’institution compétente, a droit au remboursement de l’intégralité des frais médicaux qu’il a supportés dans l’État membre où les soins lui ont été prodigués, une fois établi que le rejet de sa demande d’autorisation était non fondé "

Une ressortissante belge, Mme Descamps résidant en Belgique souffre de gonarthrose bilatérale. En février 1990, elle a demandé l’autorisation à sa caisse d’affiliation, l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes (ANMC) de subir une intervention chirurgicale orthopédique en France. Cette autorisation lui a été refusée en raison d’une insuffisance de motivation : elle n’a pas produit l’avis d’un médecin exerçant dans une structure universitaire nationale. Malgré ce refus, l’assurée belge a subi l’intervention en France en avril 1990.

Par jugement du 10 décembre 1991, le Tribunal du travail de Tournai a rejeté le recours intenté par Mme Descamps. L’assurée interjette appel contre cette décision devant la Cour de travail de Mons qui par arrêt avant dire droit en date du 8 octobre 1993, estime excessive l’exigence posée par le tribunal de première instance, d’un avis émanant d’un professeur d’université belge aux fins de l’autorisation. L’expertise ordonnée par la Cour a conclu que les soins pouvaient être réalisés dans de meilleures conditions à l’étranger qu’en Belgique. Le remboursement des soins diffère en fonction de la législation applicable ; les remboursements seront plus élevés en cas d’application des dispositions de la législation de l’État d’affiliation.

Suite au décès de Mme Descamps en cours de procédure, le 10 août 1996, ses héritiers, M. Vanbraekel et ses enfants, ont repris l’instance.

La juridiction belge a condamné l’ANMC à prendre en charge les dépenses relatives à l’hospitalisation conformément à l’article 22 du règlement (CEE) n° 1408/71. Elle a cependant sursis à statuer et a posé une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes sur les points de savoir, d’une part, selon quel régime le remboursement des frais d’hospitalisation doit s’effectuer et d’autre part, si une limitation du montant prévu par la législation de l’État de l’institution compétente est autorisée au regard de l’article 36 du règlement (CEE) n° 1408/71 alors qu’un remboursement intégral est invoqué.

Sur la première partie de la question préjudicielle :

La Cour rappelle qu’en application de l’article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement (CEE) n° 1408/71, les soins seront remboursés selon les dispositions de la législation de l’État de séjour. Elle considère que l’assuré qui, après avoir introduit une demande d’autorisation sur le fondement de l’article 22, paragraphe 1, sous c), a essuyé un refus auprès de l’institution compétente, peut malgré tout, obtenir le remboursement des soins effectués à l’étranger si le refus a postérieurement été jugé non fondé soit par l’institution compétente, soit par un organe judiciaire.

La Cour ajoute que l’article 22 du règlement (CEE) n° 1408/71 n’a pas pour objet de réglementer les modalités de remboursement des prestations en nature effectuées sur le territoire d’un État membre autre que le pays d’affiliation. Toutefois, cela n’empêche pas par là même, le remboursement complémentaire à celui qui résulte de l’application de la législation de l’État de séjour si l’application des dispositions de la législation de l’État d’affiliation se révèlait plus avantageux.

La Cour estime que les prestations hospitalières relèvent effectivement du champ d’application de la libre prestation des services au sens de l’article 59 du traité (devenu, après modification, article 49 CE). Le fait pour une législation nationale de ne pas garantir à l’assuré qui y est affilié un niveau de couverture au moins aussi avantageux lorsque des services hospitaliers sont fournis dans un autre État membre est une entrave à la libre circulation des services. La Cour ajoute qu’en l’espèce, le remboursement complémentaire de la différence existant entre le régime d’intervention prévu par la législation de l’État membre d’affiliation et celui appliqué par l’État membre de séjour n’entraîne pas un disfonctionnement financier d’un système médical et hospitalier équilibré et accessible à tous.

La Cour relève qu’en vertu de l’article 22 du règlement (CEE) n° 1408/71, lorsqu’un assuré a été autorisé par l’institution compétente à se rendre sur le territoire d’un autre État membre pour y recevoir des soins, l’institution du lieu de séjour doit lui servir les prestations en nature en application des règles sur la prise en charge des soins de santé appliquées par cette dernière, comme si l’intéressé y était affilié. Par conséquent, la Cour en déduit que lorsqu’un assuré s’est vu refuser la demande d’autorisation sur la base de l’article 22 du règlement (CEE) n° 1408/71 et lorsque le caractère non fondé de ce refus est ultérieurement établi, l’intéressé est en droit d’obtenir directement à la charge de l’institution compétente le remboursement d’un montant équivalent à celui qui aurait été supporté par l’institution du lieu de séjour conformément aux règles prévues par la législation de cette dernière, si l’autorisation avait été délivrée dès l’origine.

La Cour note que l’article 22 dudit règlement n’a pas pour objet de réglementer un éventuel remboursement aux tarifs en vigueur dans l’État d’affiliation ; par la même, il ne prohibe pas le versement par cet État d’un remboursement complémentaire.

Sur la seconde partie de la question préjudicielle :

La Cour considère que l’article 36 ne peut être interprété en ce qu’il imposerait un remboursement intégral dans la mesure où cette disposition se réfère au remboursement intégral entre institutions des seules prestations en nature servies par l’institution d’un État membre de séjour pour le compte de l’institution compétente. En effet, le remboursement prévu par cette disposition ne porte que sur les prestations en nature dont la prise en charge par l’institution du lieu de séjour est prévue par la législation qu’applique cette dernière, et dans son exacte proportion où est prévue cette prise en charge.