Affaire C 366/96

Louisette Cordelle contre Office National des Pensions (ONP)

Arrêt du 12 février 1998

Pension de réversion - Règles anti-cumul nationales - Règlement (CEE) n° 1408/71, article 12 § 2 et article 46 bis - Prestations de même nature - Droit propre, droit dérivé

"L'article 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, résultant du règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, ne s'oppose pas à l'application d'une règle anticumul d'un État membre qui prévoit, pour le calcul d'une prestation de survie accordée en vertu de la législation de cet État et calculée sur la base de la carrière de son conjoint décédé, la prise en compte de prestations acquises à titre personnel dans un autre État membre qui seraient à qualifier de pensions de retraite ou d'avantages en tenant lieu au sens de la législation du premier État membre. Il appartient au juge national de procéder à la qualification, aux fins de l'application de ladite règle anticumul, des prestations en question. "

Cette affaire oppose Madame Cordelle à l'Office National des Pensions à propos de l'application des règles anticumul belges.

Depuis 1989, l'intéressée bénéficie, d'une part, d'une pension de survie du régime belge liquidée sur la base de la carrière complète de son conjoint décédé et, d'autre part, de trois pensions personnelles dont deux sont à la charge du régime belge, une pension de retraite du régime salarié et une pension de retraite du régime des non salariés, et une pension de vieillesse à la charge du régime français calculée sur la base de vingt-sept trimestres de carrière professionnelle auxquels s'ajoutent quarante-huit trimestres validés pour ses six enfants. Le montant de la pension de vieillesse française est d'autre part majoré de dix pour cent au titre de l'article L. 351-12 du code de la sécurité sociale qui est applicable lorsque l'assuré a élevé au moins trois enfants.

En 1994, l'Office National des Pensions réclame à Madame Cordelle la somme de 42 460 FB au titre de trop versé de la pension de survie. En effet, en 1989, lors du calcul de la pension de survie belge, il n'avait pas été tenu compte de la pension personnelle française de vieillesse. Selon la législation belge, une pension de survie versée à un travailleur ne peut être cumulée avec une ou plusieurs pensions d'un régime belge ou d'un régime étranger que dans la limite d'un certain plafond.

Le tribunal belge, auprès de qui Madame Cordelle a formé un recours, demande à la Cour de Justice des Communautés Européennes si la pension française, liquidée en partie sur la base de vingt-huit trimestres d'assurance validés gratuitement au titre de mère de famille, devait être prise en compte dans sa totalité pour l'application des règles anticumul belges.

La Cour de Justice des Communautés Européennes répond qu'elle n'est pas compétente pour appliquer les règles du droit communautaire dans une espèce déterminée, mais qu'elle peut donner à la juridiction nationale les éléments nécessaires pour l'appréciation de l'affaire.

Elle indique que l'article 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71, modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92, permet pour l'application des règles de cumul prévues par la législation d'un État membre de tenir compte des prestations ou revenus acquis au titre de la législation d'un autre État membre, à condition qu'il ne s'agisse pas de prestations de même nature. Elle précise que, dans le but de limiter l'application des règles de cumul et, en application de l'article 46 bis, paragraphe 3, sous d), du règlement (CEE) n° 1408/71, la pension belge de survie ne pourra être diminuée que dans la limite de la prestation française.

Après avoir posé ce principe, la Cour examine si les prestations en cause sont des prestations de même nature. Elle indique qu'il convient pour déterminer la nature des prestations d'examiner leur objet, leur finalité, leur base de calcul et leur condition d'octroi. Dans le cas d'espèce, les prestations ont été calculées sur la base de périodes d'assurance accomplies par des personnes différentes, elles ne peuvent donc pas être regardées comme des prestations de même nature.

Sur le point particulier posé par le tribunal belge, à savoir doit-on prendre la totalité de la carrière française ou seulement une partie en excluant les périodes validées gratuitement au titre de mère de famille, la Cour observe que quelle que soit la réponse, la prestation française resterait toujours une "prestation de nature différente".