Affaire C 355/93

Hayriye Eroglu contre Land Baden-Württemberg

Arrêt du 5 octobre 1994

Accord d'association CEE-Turquie - Décision du conseil d'association - Libre circulation des travailleurs - Droit de séjour

"L'article 6, paragraphe 1, premier tiret, de la décision n° 1/80 du conseil d'association institué par l'accord d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, du 19 septembre 1980, relative au développement de l'association, doit être interprété en ce sens qu'il ne confère pas le droit au renouvellement de son permis de travail au service de son premier employeur à un ressortissant turc, titulaire d'un diplôme universitaire, qui, sous couvert d'une autorisation de séjour conditionnelle de deux ans et des permis de travail correspondants, délivrés pour lui permettre d'approfondir ses connaissances dans le cadre d'une activité professionnelle ou d'un stage pratique spécialisé, a travaillé pendant plus de un an au service de cet employeur, puis pendant environ dix mois au service de l'autre employeur.

Un ressortissant turc qui répond aux conditions posées par l'article 7, deuxième alinéa, de la décision n° 1/80 et peut par conséquent répondre à toute offre d'emploi dans l'État membre concerné peut, de ce fait, se prévaloir également de cette disposition pour obtenir la prolongation de son permis de séjour."

Madame Eroglu, ressortissante turque, née en Turquie en 1960, est entrée en 1980 en République Fédérale d'Allemagne où son père réside et travaille depuis 1976, pour suivre à l'université des études d'économie.

En 1987, elle a obtenu un diplôme d'études supérieures de commerce et a entamé des études de doctorat. Pendant toute la durée de ses études et jusqu'en 1989, elle a bénéficié de titres de séjour limités à un an et portant la mention "valable uniquement aux fins d'études".

Par la suite, des permis de séjour limités ont été délivrés à l'intéressée et notamment, le 7 février 1991, elle a obtenu une autorisation de séjour conditionnelle limitée au 1er mai 1992, lui permettant d'effectuer un stage pratique dans une société allemande pour une durée supérieure à un an chez un premier employeur, puis chez un second employeur pour environ dix mois.

Le 24 février 1992, Madame Eroglu a sollicité auprès des autorités allemandes un renouvellement de son permis de séjour afin de lui permettre de continuer son activité auprès du premier employeur. Cette demande ayant été rejetée, l'intéressée a saisi les tribunaux allemands qui ont posé deux questions préjudicielles à la Cour.

Il a été demandé à la Cour si un ressortissant turc, titulaire d'un diplôme universitaire ayant travaillé pendant près de deux ans sous couvert d'autorisations de séjour conditionnelles peut avoir droit au renouvellement de son permis de travail dans le cadre de l'article 6 § 1 de la décision 1/80 qui dispose : "le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un État membre, a droit dans cet État membre après un an d'emploi régulier au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi".

La Cour indique que ces dispositions visent à garantir une continuité de l'emploi au service d'un même employeur. Or, Madame Eroglu, après un an d'activité chez un employeur, a changé d'employeur et a demandé la prolongation de son permis de travail pour travailler de nouveau dans l'entreprise de son premier employeur. Elle ne remplit donc pas les conditions de continuité d'activité pour le même employeur.

La deuxième question posée par le tribunal allemand concerne l'application de l'article 7, deuxième alinéa, de la décision 1/80 qui dispose : "les enfants des travailleurs turcs ayant accompli une formation professionnelle dans le pays d'accueil pourront, indépendamment de leur durée de résidence dans cet État membre, à condition qu'un des parents ait légalement exercé un emploi dans l'État membre intéressé depuis trois ans au moins, répondre dans ledit État à toute offre d'emploi."

La Cour rappelle que, dans l'arrêt Sevince, elle avait constaté que si la disposition précitée ne règle la situation du travailleur turc que sur l'aspect de l'emploi et non pas au regard du droit de séjour, ces deux aspects sont intimement liés.

En effet, reconnaître après une certaine durée d'emploi régulier dans un État membre, l'accès à toute activité implique nécessairement, sous peine de priver cette disposition de tout effet de droit, l'existence d'un droit de séjour.

Elle conclut que l'article 7 de la décision 1/80 confère aux enfants de travailleurs turcs ayant accompli une formation professionnelle dans le pays d'accueil le droit de répondre à toute offre d'emploi dans ce pays, ce qui entraîne de ce fait le droit de séjourner dans l'État membre en cause.