Affaire C-347/12

Caisse nationale des prestations familiales contre Ulrike Wiering, Markus Wiering

Arrêt du 8 mai 2014

Renvoi préjudiciel - Sécurité sociale - Règlement (CEE) no 1408/71 - Règlement (CEE) no 574/72 - Prestations familiales - Allocations familiales - Allocation d'éducation - Elterngeld - Kindergeld - Calcul du complément différentiel

« Les articles 1er, sous u), i), et 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, ainsi que l'article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, aux fins du calcul du complément différentiel éventuellement dû à un travailleur migrant dans son État membre d'emploi, ne doivent pas être prises en compte l'ensemble des prestations familiales perçues par la famille de ce travailleur en vertu de la législation de l'État membre de résidence dès lors que, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, l'«Elterngeld» prévu par la législation allemande n'est pas de même nature, au sens de l'article 12 du règlement no 1408/71, que le «Kindergeld» prévu par cette législation et les allocations familiales prévues par la législation luxembourgeoise. »

Ce litige concerne le refus de la Caisse nationale des prestations familiales du Luxembourg (CNPF) de verser un complément différentiel d'allocations familiales à un couple dont les membres travaillent dans deux Etats différents.

M. Wiering travaille au Luxembourg, Mme Wiering exerce ses fonctions en Allemagne ; ils vivent en Allemagne avec leurs deux enfants.

Le 12 octobre 2007, M. Wiering a sollicité auprès de la CNPF le versement d'allocations familiales au titre de ses deux enfants. Un refus du complément différentiel lui a été opposé, au motif que le montant des allocations allemandes («Kindergeld» et «Elterngeld»), dépassait, pour la période allant du 1er juillet 2007 au 31 mai 2008, celui des allocations familiales et l'allocation d'éducation luxembourgeoises.

S'ensuit une contestation de la décision devant le conseil arbitral des assurances sociales puis devant le conseil supérieur de la sécurité sociale et en cassation.

La Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et demande, en substance, à la Cour de justice de l'Union européenne, « si les articles 1er, sous u), i), 4, paragraphe 1, sous h), et 76 du règlement no 1408/71 ainsi que l'article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 574/72 doivent être interprétés en ce sens que, aux fins du calcul du complément différentiel éventuellement dû à un travailleur migrant dans son État membre d'emploi, doivent être prises en compte, en tant que prestations de même nature, l'ensemble des prestations familiales perçues par la famille de ce travailleur en vertu de la législation de l'État membre de résidence, en l'occurrence l'«Elterngeld» et le «Kindergeld» prévus par la législation allemande ».

La Cour de justice de l'Union européenne soutient tout d'abord que « conformément à l'article 12 du règlement no 1408/71, ce règlement ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d'assurance obligatoire ».

En l'espèce, des vérifications doivent être effectuées par les juges nationaux ; s'il était « considéré qu'une activité professionnelle était exercée par Mme Wiering en Allemagne pendant la période considérée, la règle anticumul applicable au litige au principal serait l'article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 574/72 ». Cette disposition prévoit que « le droit aux allocations versées par l'État membre de résidence l'emporte sur le droit aux allocations versées par l'État membre d'emploi, qui sont ainsi suspendues ».

Par ailleurs, « il convient, dans le cadre du calcul du complément différentiel éventuellement dû à un travailleur migrant dans son État membre d'emploi, de distinguer, parmi les différentes prestations familiales auxquelles a droit ce travailleur en vertu de la législation de cet État et celles qui sont perçues par ledit travailleur ou les membres de sa famille en vertu de la législation de l'État membre de résidence, celles qui sont «de même nature», au sens de l'article 12 du règlement no 1408/71, en considération de leur objet, de leurs finalités, de leur base de calcul et de leurs conditions d'octroi ainsi que de leurs bénéficiaires ».

Il importe d'analyser le «Kindergeld» et l'«Elterngeld» pour vérifier si elles sont de même nature que les allocations familiales luxembourgeoises.

En outre, se référant à la jurisprudence Schwemmer, la juridiction européenne a précisé que, « pour pouvoir considérer des prestations familiales comme dues en vertu de la législation d'un État membre, la loi de cet État doit reconnaître le droit au versement de prestations en faveur du membre de la famille qui travaille dans cet État. Il est donc nécessaire que la personne intéressée remplisse toutes les conditions, tant de forme que de fond, imposées par la législation interne de cet État pour pouvoir exercer ce droit, parmi lesquelles peut figurer, le cas échéant, la condition qu'une demande préalable ait été introduite en vue du versement de telles prestations ».

La Cour de justice de l'Union européenne tire alors la conclusion suivante : « à supposer même que l'allocation d'éducation puisse être considérée comme de même nature que les allocations familiales luxembourgeoises, au cas où les conditions imposées par le droit luxembourgeois pour pouvoir bénéficier de l'allocation d'éducation n'étaient pas remplies dans l'affaire au principal, ladite allocation ne pouvait être prise en compte pour le calcul du complément différentiel éventuellement dû à Mme et M. Wiering ».