J. A. van Delft e.a / College voor zorgverzekeringen

Arrêt du 14 octobre 2010

Titulaires de pension - Résidence dans un État membre autre que celui débiteur de la pension - Soins de santé - Modification de la législation de l'État compétent - Cotisations maladie obligatoire de l'État compétent - Continuité de l'assurance - Libre circulation - Différence de traitement entre résidents et non résidents

1) Les articles 28, 28 bis et 33 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, lus en combinaison avec l'article 29 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE) n° 311/2007 de la Commission, du 19 mars 2007, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les titulaires d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation de cet État qui résident dans un autre État membre dans lequel ils ont droit, en application des articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71, aux prestations de maladie en nature servies par l'institution compétente de ce dernier État membre doivent s'acquitter, sous forme de retenue sur ladite pension ou rente, d'une cotisation au titre desdites prestations, même lorsqu'ils ne sont pas inscrits auprès de l'institution compétente de l'État membre de leur résidence.

2) L'article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre, telle que celle en cause au principal qui prévoit que les titulaires d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation de cet État résidant dans un autre État membre dans lequel ils ont droit, en application des articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement n° 1992/2006, aux prestations de maladie en nature servies par l'institution compétente de ce dernier État membre doivent s'acquitter, sous forme de retenue sur ladite pension ou rente, d'une cotisation au titre desdites prestations, même lorsqu'ils ne sont pas inscrits auprès de l'institution compétente de l'État membre de leur résidence.

En revanche, l'article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une telle réglementation nationale pour autant que celle-ci induit ou comporte, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, une différence de traitement injustifiée entre les résidents et les non-résidents en ce qui concerne la garantie de la continuité de la protection globale contre le risque de maladie dont ceux-ci bénéficiaient dans le cadre de contrats d'assurance conclus avant l'entrée en vigueur de cette réglementation.

Cette affaire concerne des titulaires de pension néerlandaise, résidant en Belgique, Espagne, France et Malte. Avant le 1er janvier 2006, les intéressés ne pouvaient pas bénéficier de l'assurance maladie légale obligatoire néerlandaise dans la mesure où leurs revenus dépassaient le plafond d'assujettissement. Ils étaient donc couverts au titre de la maladie par un contrat d'assurance privé souscrit auprès de compagnies d'assurances établies, selon le cas, aux Pays-Bas ou dans d'autres États membres.

À la suite de l'entrée en vigueur de la réforme sur l'assurance maladie le 1er janvier 2006, l'organisme néerlandais a estimé que si ces titulaires de pension avaient résidé aux Pays-Bas, ils auraient été soumis à titre obligatoire au régime légal d'assurance maladie prévu par la ZVW. Il a décidé que les intéressés pouvaient bénéficier des dispositions du règlement relatives aux soins de santé des titulaires de pension qui ne résident pas dans l'État compétent. Le CVZ a alors transmis à chacun des titulaires un formulaire E 121 afin de leur permettre de s'inscrire auprès d'une caisse de maladie dans leur État de résidence. Certains d'entre eux se sont inscrits et d'autres ont refusé de le faire.

À la même date ceux d'entre eux qui avaient conclu un contrat privé avec une compagnie d'assurance établie aux Pays-Bas ont vu ce contrat résilié de plein droit en vertu des dispositions de l'IZVW. En revanche, les autres qui avaient conclu un tel contrat avec une compagnie établie dans un autre État membre l'ont conservé.

Le CVZ quant à lui a retenu sur les pensions servies le montant de la cotisation prévue à l'article 69 de la ZVW pour bénéficier du régime légal obligatoire d'assurance maladie institué par la loi.

Les intéressés ont contesté cette décision estimant qu'ils disposent du choix de s'inscrire auprès de leur institution de lieu de résidence au moyen du formulaire E 121 afin de bénéficier des prestations en nature dans leur État de résidence dans le cadre du règlement (CEE) n° 1408/71 ou à défaut d'inscription, de conclure un contrat d'assurance privée. Dans ce dernier cas, aucune cotisation ne devrait être retenue sur la pension dans la mesure où l'État débiteur ne supporte pas la charge du pensionné.

Pour la Cour les règles de conflit prévues par le règlement nº 1408/71, s'imposent aux États membres. Des assurés sociaux relevant du champ d'application du règlement ne peuvent donc pas décider de s'y soustraire. En effet, les articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71 n'offrent aucun droit d'option aux titulaires de pension et de rente qui relèvent de ces dispositions. Dès lors que le titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation d'un État membre relève de ces dispositions et il ne lui est pas possible d'y renoncer en s'abstenant de s'inscrire auprès de l'institution compétente de l'État membre de sa résidence.

L'inscription auprès de l'institution compétente de l'État membre de résidence prévue à l'article 29 du règlement nº 574/72, constitue uniquement une formalité administrative dont l'accomplissement est nécessaire pour assurer le service effectif des prestations en nature dans cet État membre. À cet égard, en délivrant le formulaire E 121, l'institution compétente d'un État membre se borne à déclarer que l'assuré social concerné aurait droit aux prestations en nature en vertu de la législation de cet État s'il y résidait. Un tel formulaire étant purement déclaratif, sa présentation à l'institution compétente d'un État membre en vue de l'inscription de l'assuré social concerné dans ce dernier État ne saurait donc constituer une condition de la naissance du droit aux prestations.

De ce fait, les titulaires d'une pension ou d'une rente relevant des articles 28 et 28 bis du règlement nº 1408/71, ne peuvent choisir de renoncer au droit aux prestations en nature dans l'État membre de leur résidence en s'abstenant de s'inscrire auprès de l'institution compétente de cet État membre, un tel défaut d'inscription ne saurait avoir pour effet de les exonérer du paiement des cotisations dans l'État membre débiteur de leur pension ou rente, puisqu'ils demeurent, en tout état de cause, à charge de ce dernier État, ne pouvant se soustraire au régime prévu par le règlement.

La Cour reconnait que le défaut d'inscription auprès de l'institution compétente de l'État membre de résidence, a pour conséquence que l'assuré ne bénéficiant d'aucune prestation dans le cadre du règlement, il n'engendre aucune dépense à rembourser au titre de l'article 36 du règlement nº 1408/71 par l'État membre débiteur de la pension. Cependant pour la Cour cela n'affecte en rien l'existence du droit aux prestations et, donc, l'obligation corrélative de payer aux institutions de l'État membre débiteur de la pension les cotisations dues en contrepartie du risque supporté par celui-ci en vertu des dispositions du règlement nº 1408/71.

La Cour précise que cette obligation de paiement des cotisations en raison de l'existence d'un droit aux prestations, même en l'absence de bénéfice effectif desdites prestations, est inhérente au principe de solidarité mis en oeuvre par les régimes nationaux de sécurité sociale dès lors qu'en l'absence d'une telle obligation, les intéressés pourraient être incités à attendre la réalisation du risque avant de contribuer au financement d'un régime.

Dans sa deuxième question la juridiction néerlandaise demandait si les articles 21, TFUE et 45, TFUE s'opposent à la règlementation néerlandaise qui exige le paiement d'une cotisation par les titulaires de pension du régime néerlandais qui résident dans un autre État membre, même lorsque ces derniers ne sont pas inscrits auprès de l'institution de leur lieu de résidence.

Pour la Cour, les intéressés après avoir exercé toute leur activité professionnelle aux Pays-Bas ont établi leur résidence dans un autre État membre après avoir atteint l'âge de la retraite, ils ne peuvent donc pas se prévaloir des dispositions de l'article 45, TFUE relatif à la libre circulation des travailleurs.

Par contre, en tant que ressortissant néerlandais, ils bénéficient de la qualité de citoyen de l'Union en vertu de l'article 20, paragraphe 1, TFUE et en se rendant dans un autre État membre pour y établir leur résidence, ils ont exercé les droits qui leur étaient conférés en vertu de l'article 21, paragraphe 1, TFUE. Leur situation relève donc de la libre circulation et le libre séjour des citoyens de l'Union sur le territoire d'un État membre autre que celui dont ils sont ressortissants.

Les intéressés font valoir qu'ils se trouvent dans une situation moins favorable, en terme de niveau de protection, que celle qui aurait été la leur s'ils étaient restés aux Pays-Bas.

La Cour rappelle que l'article 48, TFUE prévoit la coordination des législations de sécurité sociale des États membres et non pas leur harmonisation et de ce fait l'article 21, TFUE ne peut pas garantir à un assuré la neutralité, sur le plan des prestations maladie notamment, d'un déplacement dans un autre État membre.

Une législation nationale en matière de sécurité sociale demeure conforme aux dispositions de l'article 21, TFUE dès lors qu'elle ne conduit pas à verser des cotisations sociales à fonds perdus.

La Cour ajoute que même dans l'hypothèse où faute d'inscription dans leur État de résidence, les intéressés ne bénéficient d'aucune prestation maladie dans cet État, il n'en demeure pas moins que le paiement de la cotisation maladie aux Pays-Bas leur donne droit au bénéfice des prestations maladie dans leur État de résidence à la charge des Pays-Bas.

S'agissant des conséquences de la résiliation de plein droit uniquement pour les contrats privés souscrits par des non résidents auprès de compagnies d'assurance établies aux Pays-Bas, la Cour indique que l'article 21, TFUE s'oppose à des dispositions qui comporteraient une différence de traitement entre les résidents et les non résidents. Elle précise qu'il appartient à la juridiction de renvoi néerlandaise de se prononcer sur ce point dans la mesure où il s'agit de l'interprétation de dispositions nationales.