Affaire C-328/20

Commission européenne contre République d'Autriche

Arrêt du 16 juin 2022

Manquement - Coordination des systèmes de sécurité sociale - Règlement (CE) n° 883/2004 - Articles 4, 7 et 67 - Libre circulation des travailleurs - Règlement (UE) n° 492/2011 - Article 7 - Égalité de traitement - Prestations familiales - Avantages sociaux et fiscaux - Adaptation des montants en fonction des niveaux de prix dans l'Etat de résidence des enfants

En instaurant le mécanisme d'adaptation applicable aux allocations familiales pour les travailleurs dont les enfants résident en permanence dans un autre Etat membre, la République d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 67 du règlement (CE) n° 883/2004.

La République d'Autriche est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

I. Procédure

Dans cette affaire, la Commission européenne demande à la CJUE de constater que l'Autriche, en instaurant un mécanisme d'adaptation des prestations familiales (PF) pour les travailleurs dont les enfants résident dans un autre Etat membre, a manqué aux obligations lui incombant en application du droit de l'Union et notamment des articles 4 (principe d'égalité de traitement) et 67 (fiction juridique de l'assimilation) du règlement (CE) n° 883/2004.

II. Appréciation de la Cour

Dans ce contexte, la CJUE précise d'abord que l'article 67 du règlement (CE) n° 883/2004 exige une stricte équivalence entre les montants des PF servies par un Etat aux travailleurs dont les membres de la famille résident dans cet Etat et à ceux dont les membres de la famille résident dans un autre Etat membre. Les travailleurs migrants doivent profiter des politiques sociales de l'Etat d'accueil dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux, puisqu'ils financent ces politiques avec les contributions sociales qu'ils paient dans cet Etat au titre de l'activité salariée qu'ils y exercent. L'Autriche a donc manqué à ses obligations découlant de l'article 67 en adaptant ses PF en fonction de l'Etat de résidence des enfants du bénéficiaire.

La Cour examine aussi la conformité du mécanisme d'adaptation des PF au principe d'égalité de traitement. Ce mécanisme, qui repose sur le critère de la résidence à l'étranger des enfants pour déterminer le montant des prestations familiales, affecte davantage les travailleurs migrants. Il constitue donc une discrimination indirecte fondée sur la nationalité. Si elle est objectivement justifiée, une telle discrimination peut être admise. Plus précisément, elle doit garantir la réalisation d'un objectif légitime et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (principe de proportionnalité).

En l'espèce, l'Autriche invoque l'objectif d'assurer la fonction de soutien et l'équité de son système social, en raison des écarts entre le coût de la vie dans les Etats membres. La CJUE relève :

La CJUE conclut que le mécanisme d'adaptation des PF sur critère de résidence à l'étranger des enfants constitue une inégalité de traitement non justifiée. L'Autriche est donc condamnée pour manquement à ses obligations découlant du droit de l'Union et doit supprimer ce mécanisme. Si, après nouvelle saisine de la Commission, la Cour constate que cet Etat ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire et/ou astreinte.