Affaire C 326/00

Idryma Koinonikon Asfaliseon (IKA) contre Vasileios Ioannidis

Arrêt du 25 février 2003

Sécurité sociale - Titulaire de pension - Séjour temporaire dans un État autre que celui de résidence - Hospitalisation - Conditions de prise en charge - Règlement (CEE) n° 1408/71, articles 31 et 36

1. « L’article 31 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié par le règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil du 22 décembre 1995, doit être interprété en ce sens que le bénéfice des prestations en nature garanties par cette disposition aux titulaires de pensions séjournant dans un État membre autre que leur État de résidence n’est pas soumis à la condition que l’affection ayant nécessité les soins concernés soit apparue de manière soudaine à l’occasion d’un tel séjour, rendant lesdits soins immédiatement nécessaires. Cette disposition s’oppose dès lors à ce qu’un État membre subordonne ledit bénéfice à une telle condition.

2. L’article 31 du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, s’oppose à ce qu’un État membre subordonne le bénéfice des prestations en nature garanties par cette disposition à une quelconque procédure d’autorisation.

3. Le service et la prise en charge des prestations en nature visées à l’article 31 du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n ° 3096/95, doivent normalement avoir lieu conformément aux dispositions combinées de cet article et des articles 36 du même règlement et 31 et 93 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95.

4. Lorsqu’il apparaît que l’institution du lieu de séjour a refusé à tort de servir les prestations en nature visées à l’article 31 du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, et que l’institution du lieu de résidence s’est abstenue, après avoir été avisée de ce refus, de contribuer à faciliter, comme elle en a l’obligation, une application correcte de cette disposition , il incombe à cette dernière institution, sans préjudice d’une éventuelle responsabilité de l’institution du lieu de séjour, de rembourser directement à l’assuré le coût des soins qu’il a dû supporter, de manière à garantir à ce dernier un niveau de prise en charge équivalent à celui dont il aurait bénéficié si les dispositions dudit article avaient été respectées.

5. Dans cette dernière hypothèse, les articles 31 et 36 du règlement n° 1408/71 dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, et 36 et 93 du règlement n° 574/72, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, s’opposent à ce qu’une réglementation nationale subordonne un tel remboursement à l’obtention d’une autorisation à posteriori qui n’est délivrée que pour autant qu’il soit établi que l’affection ayant nécessité les soins en cause est apparue de manière soudaine à l’occasion du séjour, rendant lesdits soins immédiatement nécessaires. »

Monsieur Ioannidis titulaire d’une pension de vieillesse du régime grec, réside en Grèce où il bénéficie des soins de santé au titre de sa pension grecque. Durant un séjour en Allemagne il a été hospitalisé en urgence, du 26 novembre au 2 décembre 1996, en raison de troubles au thorax liés à une angine de poitrine.

L’intéressé a demandé à l’institution allemande d’assurance maladie du lieu de séjour la prise en charge des frais exposés. L’organisme allemand a demandé à l’IKA de délivrer un formulaire E 112 alors qu’un formulaire E 111 avait déjà été délivré à l’intéressé avant son départ. L’institution grecque a refusé de délivrer l’imprimé E 112 au motif qu’elle ne pouvait pas autoriser à posteriori les soins dispensés à l’intéressé. Ce dernier a fait valoir qu’il ne s’agissait pas de soins programmés, mais qu’à l’occasion d’un séjour auprès de son fils et de sa femme en Allemagne, son état de santé avait nécessité des soins.

La juridiction saisie de l’affaire demande à la Cour de justice des Communautés européennes si les articles 31 et 36 du règlement (CEE) n° 1408/71(1) et 31 et 93 du règlement (CEE) n° 574/72 s’opposent à ce que l’institution compétente subordonne le remboursement de soins hospitaliers sur un autre territoire à l’obtention d’une autorisation à posteriori qui n’est délivrée que si l’autorisation préalable a été impossible à obtenir, parce que l’affection concernée est apparue de manière soudaine au cours du séjour.

La Cour de justice des Communautés européennes indique qu’à la différence de l’article 22, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1408/71(1), qui confère au travailleur en séjour temporaire un droit aux prestations en nature de l’assurance maladie lorsque son état de santé nécessite immédiatement des prestations, l’article 31, qui vise le séjour temporaire du titulaire de pension, ne contient pas de disposition relative à l’immédiate nécessité des soins.

La Cour précise que le bénéfice de l’article 31 du règlement n° 1408/71 ne peut pas être limité aux seuls cas où les soins dispensés sont rendus nécessaires par une affection soudaine.

Le fait que les soins soient liés à une affection préexistante connue de l’assuré ne peut pas empêcher l’application de cet article.

Elle conclut que pour servir les prestations au titulaire de pension dans le cadre de l’article précité, aucune autorisation n’est nécessaire et il ne peut pas être exigé que l’affection ayant nécessité les soins soit apparue de manière soudaine au cours du séjour.

Sur les modalités d’application de l’article 31 du règlement 1408/71, la Cour indique qu’il appartenait à l’institution du lieu de séjour de s’assurer que l’intéressé n’était pas muni du formulaire E 111, et si tel était le cas, de réclamer l’attestation à l’institution du lieu de résidence, en aucun cas elle ne devait réclamer le formulaire E 112.

Toutefois, l’institution du lieu de résidence du pensionné devait s’inquiéter de la réclamation faite par l’institution du lieu de séjour. Ces deux institutions ont pour tâche d’appliquer conjointement les articles 31 et 36 du règlement 1408/71 et de coopérer afin de s’assurer de l’application correcte de ces dispositions.

Enfin, la Cour indique qu’il appartient à l’institution compétente qui a délivré le formulaire E 111 de rembourser directement son assuré du coût des soins qu’il a dû supporter de manière à lui garantir une niveau de prise en charge équivalent à celui dont il aurait bénéficié si les dispositions de l’article 31 avaient été respectées.

(1) Il convient de préciser que cet arrêt a été rendu avant la modification de l’article 22 par le règlement 631/2004 qui supprime la notion d’immédiate nécessité pour le service des prestations au travailleur en cas de séjour sur le territoire d’un État autre que l’État compétent. Toutes les personnes assurées, quelle que soit leur qualité ou quelle que soit la nature du séjour, peuvent prétendre aux prestations en nature qui s’avèrent nécessaires du point de vue médical au cours du séjour.