Affaire C 325/93

Union Nationale des Mutualites Socialistes contre Aldo Del Grosso

Arrêt du 6 avril 1995

Cumul de prestations - Pension d'invalidité - Indemnités en espèces de l'assurance maladie - Règles anti-cumul - Notion de prestations de même nature

"Ne constitue pas une prestation autonome au sens de l'article 46, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, une prestation d'invalidité, telle la "pension d'invalidité" italienne, dès lors qu'elle est calculée par l'application du système de totalisation des périodes d'assurance et de proratisation des prestations.

L'article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71, précité, ne s'oppose pas à l'application d'une disposition anticumul nationale lorsqu'un même travailleur migrant perçoit, dans un État membre, des prestations destinées à compenser une perte de revenu subie en raison d'une incapacité de travail résultant de la survenance d'une maladie et, dans un autre État membre, une prestation d'invalidité calculée par totalisation des périodes d'assurance et proratisation des prestations et augmentée d'un complément de pension visant à lui garantir le montant de la pension nationale minimale.

Dans l'application des règles anticumul nationales, il appartient à la juridiction de renvoi de qualifier les prestations visées conformément à la législation nationale applicable, compte tenu des règles relatives au conflit de lois, les dispositions communautaires n'étant pas pertinentes."

Monsieur DEL GROSSO, ressortissant italien, a été assuré en Italie au titre d'une activité professionnelle de 1938 à 1946, et a ensuite été assujetti au régime belge de sécurité sociale au titre d'une activité salariée dans ce pays. A la suite d'une incapacité de travail en Belgique, il a perçu à compter du 10 janvier 1977 des prestations d'assurance maladie durant un an, puis une prestation d'invalidité; Une pension d'invalidité italienne a été liquidée au nom de l'intéressé à compter du 1er février 1978 dans le cadre de l'article 46 § 2, sous b).

Dans ce cas particulier, on se trouvait en présence d'un régime de pension d'invalidité de type A (la Belgique) où le montant de la pension d'invalidité est indépendant des périodes d'assurance, et d'un régime de type B (l'Italie) où le montant de la pension dépend de la durée d'assurance. La pension du requérant a donc été liquidée dans le cadre du chapitre pensions, conformément à l'article 40 du règlement 1408/71.

Du 1er novembre 1978 au 8 mars 1979, Monsieur DEL GROSSO a tenté de reprendre ses activités, ce qui a entraîné une suspension du versement de la pension belge. A partir du 8 mars 1979, Monsieur DEL GROSSO a de nouveau été admis à des prestations d'incapacité primaire belges pour un an, et à compter du 9 mars 1980 il a bénéficié d'une pension d'invalidité. Une nouvelle pension d'invalidité belge ayant été liquidée, l'Institut National d'Assurance Maladie Invalidité (INAMI) a fait parvenir les formulaires de liaison à l'Istituto Nazionale della Previdenza Sociale (INPS) qui a indiqué que la pension d'invalidité italienne avait continué à être servie durant l'activité de l'intéressé en Belgique et que, durant la période du 1er novembre au 31 mars 1980, un complément de pension avait été servi afin de porter la pension au minimum italien.

L'INAMI, sur la base des informations de l'INPS, a procédé par décision de décembre 1980 à un nouveau calcul de la pension belge, compte tenu des règles anticumul de la législation belge. A la suite de ce nouveau calcul, il est apparu qu'un montant de 67 921 FB avait été indûment versé à Monsieur DEL GROSSO, L'Union Nationale des Mutualités Socialistes, à la suite de ce nouveau calcul, a introduit une action en répétition de l'indu devant le tribunal du travail à Bruxelles. Monsieur DEL GROSSO conteste le montant de sa dette, et plus particulièrement la possibilité d'appliquer des règles anticumul belges à l'égard du complément italien qu'il a perçu durant la seconde période d'incapacité primaire. Le tribunal belge, saisi de ce litige, a posé à la Cour trois questions préjudicielles.

Le tribunal belge voulait tout d'abord savoir si la pension d'invalidité italienne constituait une prestation autonome au sens de l'article 46 § 1 du règlement 1408/71. La Cour rappelle que selon une jurisprudence constante, par prestation autonome il convient d'entendre la prestation liquidée en vertu des périodes accomplies sous la législation de l'institution compétente sans recourir aux périodes d'assurance accomplies sous les législations d'autres États membres auxquelles le requérant a été soumis au cours de sa carrière. S'agissant de Monsieur DEL GROSSO, il ne fait aucun doute que sa pension italienne a été liquidée par totalisation proratisation. La Cour observe que le fait que cette prestation ait été majorée ultérieurement pour atteindre le montant de la pension minimale italienne, est sans conséquence sur la méthode de calcul et donc sur sa qualification. Elle en conclut que cette pension ne constitue nullement une pension autonome au sens de l'article 46 § 1 du règlement dans la mesure où elle est calculée par totalisation proratisation.

Dans sa deuxième question, le tribunal belge cherchait à savoir si les règles anticumul belges pouvaient être appliquées à un travailleur percevant dans un État membre des prestations versées en raison d'une incapacité temporaire de travail et dans un autre État une prestation d'invalidité liquidée par totalisation proratisation.

La Cour observe que l'article 12 § 2 du règlement 1408/71 prévoyant les règles anticumul ne s'applique pas lorsque l'intéressé bénéficie de prestations de même nature d'invalidité, de vieillesse, de décès ou de maladies professionnelles liquidées par les institutions de deux ou plusieurs États membres, conformément aux dispositions des articles 46, 50, 51 et de l'article 60 § 1 sous b). Elle précise que dans ce cas particulier, il convient de déterminer si la prestation d'incapacité temporaire belge et la pension d'invalidité italienne sont des prestations de même nature.

Elle indique qu'on se trouve en présence d'une part d'une prestation temporaire d'un an attribuée pour compenser la perte de salaire résultant d'une incapacité de travail due à une maladie, et d'autre part d'une pension d'invalidité. Elle précise que ces deux prestations ne sauraient être considérées comme étant de même nature, dans la mesure où la prestation belge constitue une prestation en espèces de l'assurance maladie, au sens du chapitre 1 du titre III du règlement CEE qui ne peut pas être assimilée à une prestation de vieillesse, d'invalidité, de décès ou de maladie professionnelle. Elle en conclut que l'article 12 § 2 ne s'oppose pas à l'application des règles anticumul belges.

Sur la troisième et dernière question posée par le tribunal belge, à savoir la qualification de la pension italienne au regard des règles anticumul belges, la Cour rappelle que dans une telle hypothèse, il appartient à la juridiction de renvoi de qualifier les prestations visées conformément à la législation nationale, et que les dispositions communautaires ne sont pas applicables en l'espèce.