Affaire C 322/95

Emanuele Iurlaro contre Istituto Nazionale della Previdenza Sociale (INPS)

Arrêt du 17 septembre 1997

Prestation d'invalidité - Ouverture du droit - Période de chômage - Période de référence - Prise en compte de la période de chômage accomplie dans un autre État membre

"Les articles 48 à 51 du Traité CE, l'article 9 bis du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, puis modifié par le règlement (CEE) n° 2332/89 du Conseil, du 18 juillet 1989, et l'article 15 paragraphe 1, sous f), ii), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83, doivent être interprétés en ce sens qu'ils n'obligent pas un État membre à prolonger la période de référence prévue par sa législation pour la détermination de la condition minimale d'assurance, en vue de l'octroi d'une prestation d'invalidité, d'une période équivalente aux périodes de chômage accomplies par l'intéressé selon la législation d'un autre État membre, qui, à la différence de celle du premier État membre, admet la prolongation lorsque les périodes de chômage sont accomplies sur le territoire national. En outre, les articles 48 à 51 du traité ne s'opposent pas à ce que la législation d'un État membre refuse la prise en considération, pour les besoins du calcul de la condition minimale d'assurance liée à l'octroi d'une prestation d'invalidité, des périodes d'assurance contre le chômage accomplies au cours d'une période déterminée précédant la survenance du fait assuré sous la législation d'un autre État membre, au delà de celles qui sont prises en compte par la législation du premier État membre au cours de cette même période. "

La question préjudicielle a été posée par le tribunal italien à la Cour de Justice des Communautés Européennes à l'occasion d'un litige opposant Monsieur Iurlaro, ressortissant italien, à l'Istituto Nazionale della Previdenza Sociale au sujet d'un refus de la part de l'institution italienne de prendre en compte pour l'ouverture des droits à pension d'invalidité du régime italien des périodes de chômage accomplies par l'intéressé en Allemagne.

L'intéressé a travaillé en Italie de janvier 1954 à mars 1956, puis en Allemagne à partir de 1959. De 1984 à 1989, Monsieur Iurlaro a perçu des prestations de chômage du régime allemand. L'intéressé atteint d'une incapacité de travail, a formulé une demande de pension d'invalidité dans le cadre des règlements communautaires. Du côté allemand, la demande, après avoir été rejetée par l'institution compétente, fait l'objet d'un contentieux dans ce pays.

Au regard de la législation italienne, la demande a été rejetée au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions d'ouverture du droit à l'allocation d'invalidité, à savoir être affilié à l'assurance depuis au moins cinq ans, avoir cotisé durant au moins cinq années, dont au moins trois ans de cotisations au cours des cinq précédant la demande. Il faut préciser qu'au regard du régime allemand, pour ouvrir droit à pension d'invalidité, il faut également une période de référence de cinq années avant la survenance de l'invalidité. Cette période de référence est prolongée des périodes de cotisations fictives comme le sont en Allemagne les périodes de chômage. Ces périodes sont neutralisées afin de permettre de prolonger la période de référence pour la détermination de la condition de durée minimale d'assurance. Par contre, en Italie, les périodes de chômage sont considérées comme des périodes d'assurance aux fins du droit aux prestations, mais leur durée est limitée à six mois.

Le juge italien a demandé à la Cour de Justice des Communautés Européennes si les articles 48 à 51 du Traité, l'article 9 bis du règlement (CEE) n° 1408/71 et l'article 15 § 1 sous f) ii) du règlement (CEE) n° 574/72 obligent un État membre à prolonger la période de référence prévue par sa législation pour déterminer la condition minimale d'assurance, d'une période de chômage accomplie dans un autre État membre où une telle période est neutralisée pour l'ouverture des droits.

La Cour indique tout d'abord que l'article 9 bis n'est pas applicable au cas d'espèce dans la mesure où cet article ne vise, pour l'application des règles de totalisation, que les États dont la législation prévoit une prolongation de la période de référence, ce qui n'est pas le cas de la législation italienne. La Cour précise que les législations italienne et allemande étant des législations de type B selon lesquelles le montant de la pension d'invalidité dépend de la durée des périodes d'assurance, la pension d'invalidité doit être liquidée conformément aux dispositions du chapitre 3 (articles 44 à 51) relatif aux pensions de vieillesse et de décès. A cet égard, l'article 45 § 1 du règlement (CEE) n° 1408/71 prévoit que l'institution qui liquide la prestation doit tenir compte des périodes d'assurance accomplies sous la législation de tout autre État membre, comme s'il s'agissait de périodes accomplies sous sa législation. De plus, l'article 15 § 1 f) ii) du règlement (CEE) n° 574/72 dispose :

"f) au cas où, selon la législation d'un État membre, certaines périodes d'assurance ou de résidence ne sont prises en compte que si elles ont été accomplies dans un délai déterminé, l'institution qui applique cette législation :

ii) prolonge ce délai de la durée des périodes d'assurance ou de résidence accomplies en tout ou partie dans ledit délai, sous la législation d'un autre État membre lorsqu'il s'agit de périodes d'assurance ou de résidence entraînant uniquement, selon la législation du deuxième État membre, la suspension du délai dans lequel des périodes d'assurance ou de résidence doivent être accomplies"

En ce qui concerne le cas d'espèce, les périodes d'assurance accomplies sous la législation allemande n'entraînent pas uniquement une suspension du délai pendant lequel des périodes doivent être accomplies, elles sont également prises en compte pour le calcul du montant de la pension d'invalidité. La Cour en déduit que l'article 15 ne peut donc pas non plus être invoqué dans le cas d'espèce.

Par ailleurs, la Cour rappelle que l'expression "périodes d'assurance" désigne les périodes définies ou admises comme telles par la législation sous laquelle elles ont été accomplies. L'institution italienne doit donc tenir compte des périodes de chômage accomplies sous la législation d'un autre État membre comme si ces périodes avaient été accomplies sous sa législation. Toutefois, la législation italienne limite à six mois une telle prise en compte pour l'octroi d'une pension d'invalidité, l'institution italienne ne peut donc pas prendre en compte les périodes d'assurance chômage en Allemagne au delà de cette période de six mois.

La Cour conclut que les articles 48 à 51 du Traité ne peuvent pas obliger un État membre à prolonger une période de référence pour l'ouverture du droit à pension dès lors que cette règle n'existe pas dans sa législation.