Affaire C 321/93

Jose Imbernon Martinez contre Bundesanstalt Fur Arbeit

Arrêt du 5 octobre 1995

Allocations familiales - Résidence - Fiscalité

"L'article 73 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version résultant du règlement (CEE) n° 3427/89 du Conseil, du 30 octobre 1989, doit être interprété en ce sens qu'il implique que, lorsque, en vertu de la législation fiscale d'un État membre à laquelle renvoie la législation sociale de cet État, l'octroi et le montant d'une prestation pour enfant à charge sont liés à la résidence sur le territoire de cet État de l'enfant en cause, une telle condition doit être considérée comme remplie lorsque celui-ci réside sur le territoire d'un autre État membre.

L'article 73 du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu'il implique que, lorsque, en vertu de la législation fiscale d'un État membre à laquelle renvoie la législation sociale de cet État, l'octroi et le montant d'une prestation pour enfant à charge sont liés à la résidence sur le territoire de cet État du conjoint du travailleur en cause, une telle condition doit être considérée comme remplie lorsque le conjoint réside sur le territoire d'une autre État membre. Aux fins de l'octroi et du calcul de la prestation en cause, l'ensemble de la législation fiscale en cause doit être appliquée fictivement comme si le conjoint résidait dans l'État prestataire. "

Monsieur Imbernon Martinez, ressortissant espagnol, résidait en Espagne jusqu'en septembre 1988. Après s'être installé en Allemagne le 18 septembre 1988, il a commencé à travailler dans ce pays à compter du 21 septembre 1988. L'épouse de l'intéressé, ainsi que ses deux enfants nés respectivement en 1974 et 1978, ont continué à résider en Espagne où Madame Imbernon Martinez n'exerçait aucune activité et ne bénéficiait d'aucune source de revenus.

A partir de septembre 1988, la Bundesanstalt Fur Arbeit Kindergelkasse a servi à l'intéressé des allocations familiales au taux plein pour ses deux enfants résidant en Espagne. De plus, il a bénéficié pour l'année 1988, au prorata temporis, d'un abattement pour ses deux enfants de la part de l'administration fiscale. Aucun abattement fiscal n'a été effectué pour l'épouse de Monsieur Imbernon Martinez faute d'attestation d'absence de ressources.

De plus, dans la mesure où Madame Imbernon Martinez ne résidait pas sur le territoire allemand, le splitting n'a pas été appliqué et le double abattement à la base non plus. Les allocations familiales pour les enfants au titre desquels un abattement fiscal a été opéré sont majorées de l'allocation complémentaire.

Le tribunal allemand demande à la Cour si la règle de résidence fictive figurant à l'article 73 du règlement doit être considérée comme remplie si l'enfant réside sur le territoire d'un autre État membre. La Cour indique tout d'abord qu'il ne fait aucun doute que le complément d'allocation pour enfant est une prestation familiale.

L'article 73 du règlement vise à empêcher qu'un État membre puisse faire dépendre l'octroi ou le montant d'une prestation familiale de la résidence des membres de la famille. Que la condition de résidence résultant de dispositions fiscales auxquelles la législation sociale renvoie, ne saurait remettre en cause cette notion de résidence fictive.

Dans sa deuxième question, le tribunal allemand faisait observer que l'article 73 paraissait exclure de la résidence fictive qu'il énonce le conjoint du travailleur dans le cas où la prestation est accordée pour un autre membre de la famille. Sur ce point, la Cour répond que le but de l'article 73, comme elle l'a déjà dit, est d'empêcher qu'un État membre puisse faire dépendre l'octroi ou le montant des prestations familiales de la résidence des membres de la famille, et cet article doit donc faire l'objet d'une interprétation large. Il est applicable à tous les membres de la famille dès lors que l'octroi ou le montant d'une prestation dépendent directement ou indirectement de la résidence sur l'État compétent de l'un des membres de la famille. Elle en conclut que dans une affaire comme celle-ci, il y a lieu pour le calcul de la prestation d'appliquer fictivement l'ensemble des dispositions fiscales de l'État prestataire, comme si le conjoint du travailleur résidait dans cet État.