Affaires C 31/96, C 32/96, C 33/96

Antonio Naranjo Arjona, Francisco Vicente Mateos, Laura Garcia Lazaro contre Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) Tesoreria General de la Seguridad Social (TGSS)

Arrêt du 9 octobre 1997

Pension d'invalidité - Pension de vieillesse - Règlement (CEE) n° 1408/71, article 47 § 1 - Calcul des prestations - Base moyenne de cotisations - Conventions bilatérales

"Le point e) de l'article 47, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel qu'adapté par l'annexe 1, partie VIII, de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités, devenu le point g) après l'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992, implique que, dans des situations telles que celles qui font l'objet des litiges au principal, le calcul de la base de cotisation moyenne repose sur le montant des seules cotisations réellement versées au titre de la législation concernée et que le montant théorique de la prestation ainsi obtenue soit dûment revalorisé et majoré comme si les intéressés avaient continué à exercer dans les mêmes conditions leur activité dans l'État membre en cause. Au cas où, cependant, l'application de cette disposition ainsi interprétée se révélerait, pour les travailleurs qui exerçaient déjà, avant l'entrée en vigueur du règlement dans cet État membre, leurs activités salariées dans un autre État membre, moins avantageuse que celle d'une convention antérieure passée avec ce dernier État, la juridiction compétente devrait, par exception, appliquer les règles prévues par cette convention. "

Dans cette affaire, trois litiges concernant la liquidation d'une pension espagnole, notamment en ce qui concerne la base de cotisations moyenne, ont été regroupés. Il s'agit de ressortissants espagnols qui après avoir exercé une activité professionnelle en Espagne ont travaillé en Allemagne.

Monsieur Naranjo Arjona a cotisé en Espagne d'avril 1951 à juin 1968, puis en Allemagne de janvier 1966 à mars 1991. En 1994, il a obtenu une pension de vieillesse du régime espagnol, calculée à partir des cotisations versées en Espagne entre 1962 et 1968. L'intéressé conteste cette décision et demande que la pension soit calculée sur les années de cotisations en Allemagne.

Monsieur Vicente Mateos a travaillé en Espagne d'avril 1942 à février 1962 et en Allemagne de janvier 1963 à janvier 1989. Il a obtenu à compter du 1er février 1989 une pension d'invalidité espagnole calculée dans le cadre du régime SOVI, sur la base des cotisations versées en Espagne et correspondant à un montant fixe. L'intéressé demande que, pour le calcul de sa pension, il soit tenu compte de la moyenne des bases de cotisations maximales de la législation espagnole pour la période durant laquelle il se trouvait en Allemagne.

Madame Garcia Lazaro a travaillé en Espagne de février 1961 à décembre 1964 puis en Allemagne de janvier 1961 à juillet 1987. Elle a obtenu une pension d'invalidité du régime allemand en juillet 1987 et en 1995 elle s'est vu reconnaître par décision du Juzgado un droit à pension d'invalidité espagnole qui devait être liquidée pour les années d'activité en Allemagne en fonction des bases de cotisations maximales prévues par la législation espagnole pour les travailleurs de sa catégorie professionnelle. Cette fois, c'est l'Instituto Nacional de la Seguridad Social qui conteste la décision du juge espagnol.

Le tribunal espagnol demande à la Cour de Justice des Communautés Européennes si la base moyenne des cotisations visée au point e) de l'article 47 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 1408/71 (devenu point g) dans la version résultant du règlement (CEE) n° 1248/92) doit être déterminée à partir de bases théoriques de cotisations (maximale, minimale ou moyenne) ou à partir des bases de cotisations réelles de l'assuré. La législation espagnole prévoit que pour le calcul de la pension de vieillesse ou d'invalidité, il est tenu compte de la base de cotisations de l'assuré. Cette base de cotisations est déterminée à partir de la somme des bases de cotisations de l'intéressé durant les 96 mois précédant l'événement, divisée par 112. Lorsque des cotisations n'ont pas été versées durant la période de référence, la base de cotisation moyenne est remplacée par une base minimale de cotisations déterminée par la loi.

L'article 47 § 1 sous e) (aujourd'hui sous g), qui a été introduit à l'occasion de l'adhésion de l'Espagne à la Communauté, prévoit que si, sous une législation, le calcul de la pension s'effectue sur la base des cotisations moyennes, l'institution compétente qui applique cette législation est tenue de fixer la base moyenne en fonction des seules périodes d'assurance accomplies sous sa législation. De plus, à l'annexe VI du règlement (CEE) n° 1408/71, à la rubrique Espagne, il est précisé que le calcul de la pension théorique espagnole s'effectue sur la base des cotisations réelles versées en Espagne par l'assuré pendant les années précédant son départ de ce pays. Le montant de la pension théorique ainsi obtenu est ensuite augmenté du montant des majorations et des revalorisations calculées pour chaque année postérieure à la fin de l'activité, jusqu'à celle précédant immédiatement la réalisation du risque.

La Cour a déjà été amenée dans l'arrêt du 12 septembre 1996, Lafuente Nieto (C 251/94) à indiquer que les dispositions précitées du règlement (CEE) n° 1408/71 s'appliquent aux pensions d'invalidité, lorsque le travailleur a été soumis à des législations de type A et de type B, comme aux pensions de vieillesse. Toutefois, la commission à l'audience demande que cette affaire soit examinée à la lumière de l'arrêt Ronfeldt (affaire C 227/89 du 7 février 1991). En effet, selon elle, l'application de l'article 25 § 1 sous b) de la convention germano-espagnole qui se fonde sur les derniers salaires perçus en Allemagne pour déterminer la base de cotisation espagnole, applicable à la catégorie professionnelle, aboutirait à un résultat plus avantageux pour les intéressés.

La Cour rappelle que dans l'arrêt Ronfeldt, elle a fait savoir qu'un travailleur migrant ne peut voir les droits qu'il tient de l'application d'une convention bilatérale entre deux États membres diminués par la suite de l'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 1408/71.

Cette jurisprudence, comme le fait remarquer la Cour, a été tempérée à la suite de l'arrêt Thévenon (C 475/93 du 9 novembre 1995) où elle a précisé que ce principe ne s'appliquait pas aux travailleurs qui avaient exercé leur droit à la libre circulation après l'entrée en vigueur du règlement. La Cour observe qu'en l'espèce les requérants exerçaient déjà leur activité en Allemagne avant l'application du règlement (CEE) n° 1408/71 à l'Espagne (1er janvier 1986). Il convient d'observer que le gouvernement espagnol contestait la thèse de la Commission selon laquelle l'application des dispositions de la convention bilatérale était plus avantageuse que celles du règlement (CEE) n° 1408/71.

La Cour ne prend pas position sur les avantages ou désavantages et elle conclut que c'est à la juridiction de renvoi d'apprécier si le mode de calcul applicable dans la convention germano-espagnole est plus avantageux que celui prévu dans le règlement. Si tel est le cas, "il conviendra d'appliquer, par exception et conformément au principe affirmé dans l'arrêt Ronfeldt, les règles prévues dans la convention. Dans le cas contraire, ce sont celles du règlement, telles qu'interprétées par la Cour qui devront être appliquées".