Affaire C 308/94

Office National de l'Emploi contre Heidemarie Naruschawicus

Arrêt du 1er février 1996

Chômage - Résidence dans un État membre autre que l'État compétent

"Le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version codifiée par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doit être interprété en ce sens que la législation applicable à un fonctionnaire au service d'un État membre exerçant son activité sur le territoire d'un autre État membre, qui, au moment de la rupture du contrat d'engagement, est rétroactivement considéré de manière fictive par le premier État membre comme ayant exercé son activité en qualité de travailleur salarié et non pas de fonctionnaire, et ce pour lui permettre d'avoir droit aux allocations de chômage et de bénéficier de la législation sur l'assurance maladie-invalidité doit être déterminée sur le fondement de l'article 13, paragraphe 2, sous d), de ce règlement,

L'article 71, paragraphe 1, sous b) i), du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu'un travailleur salarié en chômage complet, autre qu'un travailleur frontalier, qui réside sur le territoire d'un État membre autre que l'État compétent, peut obtenir les prestations de chômage à charge de l'État compétent, lorsqu'il s'inscrit comme demandeur d'emploi auprès des services de cet État et se soumet à leur contrôle. ".

Cette affaire oppose l'Office National de l'Emploi (ONEM) à Madame Naruschawicus, ressortissante belge, qui a travaillé en qualité de fonctionnaire pour le compte des forces armées belges en Allemagne où elle résidait. Toutefois, en sa qualité de fonctionnaire, son domicile légal était en Belgique. Le contrat de travail de l'intéressée a été résilié au mois d'avril 1991. A ce moment là, conformément à la législation belge, le contrat de travail a été requalifié rétroactivement afin de permettre à l'intéressée de bénéficier des prestations de chômage. Madame Naruschawicus, tout en conservant sa résidence en Allemagne, s'est inscrite auprès des services pour l'emploi en Belgique. Elle a perçu des allocations de chômage à compter du 22 avril 1991 et elle s'est soumise au contrôle effectué pour les chômeurs en faisant des déplacements périodiques d'Allemagne vers la Belgique. Les prestations de chômage ont été servies jusqu'au 30 juin 1991 et les services pour l'emploi ont demandé le remboursement des prestations versées au préalable au motif que l'intéressée, n'ayant pas de résidence effective en Belgique, était indisponible sur le marché de l'emploi belge.

L'intéressée ayant contesté cette décision, le tribunal belge a demandé à la Cour de Justice des Communautés Européennes d'indiquer s'il convenait, pour déterminer la législation applicable à l'intéressée, de se référer à l'article 13 § 2 sous a), qui vise les travailleurs salariés, ou sous d), qui vise les fonctionnaires et le personnel assimilé, du règlement (CEE) n° 1408/71. L'avocat général, dans ses conclusions, précise que dans l'arrêt Van Poucke (affaire n° C 71/93, arrêt du 24 mars 1994), la Cour a affirmé que les fonctionnaires étaient des travailleurs salariés. La catégorie des travailleurs salariés dans son ensemble recouvre celle des fonctionnaires.

La Cour indique que Madame Naruschawicus étant fonctionnaire jusqu'à la rupture du contrat de travail, la législation applicable était donc la législation belge conformément à l'article 13 § 2 sous d) qui précise que les fonctionnaires "sont soumis à la législation de l'État membre dont relève l'administration qui les occupe". Que, lors de la rupture du contrat, celui-ci ait été rétroactivement et fictivement qualifié comme contrat de travail salarié pour permettre à l'intéressée d'ouvrir droit aux prestations de chômage ne change rien à la législation applicable déterminée ci-dessus.

Dans sa deuxième question, le tribunal belge demande à la Cour si l'article 71 § 1 sous b) i) du règlement (CEE) n° 1408/71 permet à l'État compétent de servir les prestations de chômage à un travailleur qui ne réside pas sur le territoire dudit État et qui est donc moins disponible pour répondre aux offres d'emploi proposées. La Cour en préalable rappelle que les fonctionnaires visés à l'article 13 § 2 sous d) du règlement (CEE) n° 1408/71 ont la qualité de travailleur salarié pour l'application des autres dispositions du règlement précité. Elle ajoute que l'article 71 § 1 sous b) i) du règlement (CEE) n° 1408/71 est applicable aux fonctionnaires au même titre que les travailleurs salariés. Elle observe que l'article 71 § 1 sous b) i) précité ne permet pas de déterminer les circonstances dans lesquelles il est satisfait aux conditions de disponibilité.

Toutefois, le fait pour le travailleur de ne pas résider sur le territoire de l'État compétent ne fait pas obstacle à l'application de cette disposition qui est une faculté expressément accordée au chômeur en lui permettant de continuer à résider hors de l'État compétent. Dans l'affaire Aubin (n° 227/81, arrêt du 2 mai 1982), il avait été précisé qu'un chômeur demeure à la disposition des services de l'emploi du pays compétent lorsqu'il s'inscrit auprès des services de l'emploi de cet État et se soumet au contrôle qui y est institué. Elle en conclut que les prestations de chômage peuvent être servies dans le cadre de l'article 71 § 1 sous b) i) au travailleur autre que le frontalier qui ne réside pas sur le territoire de l'État compétent et qui s'inscrit auprès des services pour l'emploi de cet État et se soumet aux contrôles qui y sont exercés.