Affaire C 308/93

Bestuur Van De Sociale Verzekeringsbank contre J.M. Cabanis-Issarte

Arrêt du 30 avril 1996

Égalité de traitement - Droits propres, droits dérivés - Conjoint survivant d'un travailleur - Assurance volontaire AOW néerlandaise

"Les articles 2 et 3 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doivent être interprétés en ce sens qu'ils peuvent être invoqués par le conjoint survivant d'un travailleur migrant en vue de la détermination du taux de cotisation afférent à une période d'assurance volontaire accomplie sous le régime de pensions de vieillesse de l'État membre sur le territoire duquel le travailleur a exercé son emploi.

Le présent arrêt ne peut être invoqué à l'appui de revendications relatives à des prestations afférentes à des périodes antérieures à la date de son prononcé, sauf en ce qui concerne les personnes qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente."

Cette affaire oppose Madame Cabanis-Issarte, de nationalité française, conjoint survivant d'un travailleur migrant, à la Bestuur van de Sociale Verzekeringsbank au sujet de la fixation du taux de cotisations d'assurance volontaire au titre de l'Algemene Ouderdomswet (AOW).

Madame Cabanis-Issarte s'est installée aux Pays-Bas en 1948 en raison de l'activité de son époux dans ce pays jusqu'en octobre 1960. En 1960, ils sont repartis en France pour revenir aux Pays-Bas de novembre 1963 à juillet 1969, année au cours de laquelle Monsieur Cabanis a pris sa retraite. Les intéressés sont revenus en France en 1969 et Monsieur Cabanis est décédé en octobre 1977.

Du 1er janvier 1957, date d'entrée en vigueur de l'AOW, jusqu'à octobre 1960, Madame Cabanis a eu la qualité "d'assurée obligatoire" en vertu de l'AOW, au titre de sa résidence sur le territoire néerlandais. Ensuite, durant le séjour en France, elle était affiliée à l'AOW en raison des cotisations volontaires versées par son époux ; puis, de retour aux Pays-Bas jusqu'à son départ, au titre de résident dans ce pays. Du 29 novembre 1948 au 30 décembre 1956, l'intéressée était également affiliée à l'AOW par application combinée des dispositions transitoires de l'AOW et des dispositions de l'annexe V, point H, du règlement (CEE) n° 1408/71.

De février 1969 à son décès en octobre 1977, Monsieur Cabanis a perçu une pension pour personne mariée, calculée en fonction des périodes énoncée ci-dessus. A la suite du décès de son mari, Madame Cabanis-Issarte a bénéficié d'un droit autonome à pension néerlandaise dont le montant a été réduit des vingt-neuf années durant lesquelles l'intéressée n'avait pas été assujettie au régime néerlandais, soit la période de son quinzième anniversaire (1924) jusqu'à son premier établissement aux Pays-Bas en 1948, puis la période de son retour en France à son soixante-cinquième anniversaire.

Pour cette dernière période, l'institution néerlandaise a proposé à Madame Cabanis-Issarte de cotiser volontairement à l'assurance vieillesse, toutefois en lui appliquant le taux de cotisation maximal, alors que les ressortissants néerlandais ont à acquitter une cotisation plus faible.

Le tribunal néerlandais, saisi de l'affaire, demande à la Cour si les articles 2 et 3 du règlement (CEE) n° 1408/71 peuvent être invoqués par le conjoint survivant d'un travailleur migrant. En préalable, la Cour rappelle que selon une jurisprudence constante, depuis le 23 novembre 1976 (Kermaschek, n° 40/76), il a été établi que les membres de la famille ne pouvaient prétendre, au titre de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1408/71, qu'aux droits dérivés, c'est à dire aux droits acquis en qualité de membre de la famille d'un travailleur. L'avocat général observe que la distinction entre droits propres et droits dérivés n'est pas appliquée par la Cour lorsqu'il s'agit de membres de la famille de travailleurs de pays tiers avec lesquels la Communauté a conclu des accords (arrêt Kziber, n° C 18/90, et arrêt Krid, n° C 103/94).

La Cour indique que dans l'arrêt Kermaschek, Madame Kermaschek, de nationalité yougoslave, demandait à bénéficier des dispositions concernant la totalisation des périodes d'assurance pour l'ouverture des droits aux prestations de chômage. Elle ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de travailleur car elle était ressortissante d'un État tiers, ni de sa qualité de membre de la famille d'un travailleur communautaire dans la mesure où les dispositions en cause étaient uniquement applicables aux travailleurs. La Cour précise que dans le cas d'espèce, la situation est différente dans la mesure où l'intéressée demande à bénéficier de l'égalité de traitement prévu à l'article 3 § 1 en vue de la détermination du taux de cotisations volontaires.

La Cour ajoute que l'article 3 n'établit pas de distinction selon que la personne concernée est travailleur, membre de la famille ou conjoint survivant d'un travailleur. Elle observe que la distinction entre droits propres et droits dérivés a tendance à s'estomper dans les régimes nationaux de sécurité sociale. Elle ajoute que la distinction entre droits propres et droits dérivés doit être strictement limitée à la jurisprudence Kermaschek, compte tenu de ce cas particulier. L'abandon partiel de la jurisprudence Kermaschek a entraîné une limitation dans le temps des effets du présent arrêt qui ne peut pas être invoqué à l'appui de revendications antérieures à l'arrêt sauf pour les personnes qui auront déjà introduit un recours.