Arrêt du 25 février 2016
Renvoi préjudiciel - Libre circulation des personnes - Citoyenneté de l'Union - Égalité de traitement - Directive 2004/38/CE - Article 24, paragraphe 2 - Prestations d'assistance sociale - Règlement (CE) no 883/2004 - Articles 4 et 70 - Prestations spéciales en espèces à caractère non contributif - Exclusion des ressortissants d'un État membre pendant les trois premiers mois de séjour dans l'État membre d'accueil
« L'article 24 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, et l'article 4 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) no 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre qui exclut du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif», au sens de l'article 70, paragraphe 2, dudit règlement no 883/2004, et qui sont également constitutives d'une «prestation d'assistance sociale», au sens de l'article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, les ressortissants d'autres États membres qui se trouvent dans une situation telle que celle visée à l'article 6, paragraphe 1, de ladite directive. »
Ce litige oppose le Vestische Arbeit Jobcenter Kreis Recklinghausen (Centre pour l'emploi de l'arrondissement de Recklinghausen en Allemagne), à la famille Peña García (les deux parents, leur fille et leur fils) au sujet du refus de ce centre de lui octroyer des prestations de subsistance.
La famille Peña García vivait initialement en Espagne. Madame García Nieto est entrée en Allemagne avec sa fille en avril 2012, puis elle a trouvé un emploi à compter du 12 juin 2012. Monsieur Peña Cuevas et son fils les ont rejoints le 23 juin 2012. Les enfants ont été scolarisés sur place à compter du 22 août 2012. A partir du mois de juillet 2012, les parents ont perçu des allocations familiales. En revanche, leur demande de prestations de subsistance formulée en juillet a été refusée, aux motifs que M. Peña Cuevas et son fils séjournaient depuis moins de trois mois en Allemagne et que M. Peña Cuevas n'avait, par ailleurs, pas la qualité de travailleur salarié ou non-salarié.
La famille Peña-García a saisi le tribunal supérieur du contentieux social de Rhénanie-du-Nord-Westphalie d'un recours contre cette décision du centre pour l'emploi.
La juridiction saisie demande à la Cour de justice de l'Union européenne si « le principe de non-discrimination prévu à l'article 4 du règlement no 883/2004 s'applique [...] – à l'exception de l'exclusion de l'exportation des prestations prévue à l'article 70, paragraphe 4, dudit règlement – également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, au sens de l'article 70, paragraphes 1 et 2, dudit règlement ».
Par ailleurs, la juridiction nationale précise sa question :
La Cour de justice de l'Union européenne rappelle avoir déjà répondu positivement à la première question en jugeant que « le règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens que les "prestations spéciales en espèces à caractère non contributif", au sens des articles 3, paragraphe 3, et 70 de ce règlement, relèvent du champ d'application de l'article 4 dudit règlement ».
La juridiction européenne se penche alors sur la deuxième question, expliquant qu' « admettre que des personnes qui ne bénéficient pas d'un droit de séjour en vertu de la directive 2004/38 puissent réclamer un droit à des prestations d'assistance sociale dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables pour les ressortissants nationaux irait à l'encontre d'un objectif de ladite directive, énoncé à son considérant 10, qui vise à éviter que les citoyens de l'Union ressortissants d'autres États membres deviennent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil ». Elle précise que « l'État membre d'accueil peut refuser d'accorder à une des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non-salariés ou celles qui gardent ce statut toute prestation d'assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ».
La Cour de justice de l'Union européenne aboutit donc à la conclusion que « les prestations en cause, qui constituent des «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif», au sens de l'article 70, paragraphe 2, dudit règlement, sont, en vertu du paragraphe 4 de ce même article, octroyées exclusivement dans l'État membre dans lequel l'intéressé réside et conformément à la législation de cet État. Il s'ensuit que rien ne s'oppose à ce que de telles prestations soient refusées à des ressortissants d'autres États membres n'ayant pas la qualité de travailleur salarié ou non-salarié ou des personnes qui gardent ce statut pendant les trois premiers mois de leur séjour dans l'État d'accueil ».